Disque culte, rare, précieux, difficile à dénicher (j'ai vraiment eu du cul pour le coup, même s'il m'a fallu débourser 50 euros pour un vinyle ; mais comme je m'attendais à claquer bien davantage, je peux m'estimer le mec le plus heureux du monde). Pour tout dire, j'ai eu du mal rien qu'à trouver des visuels pour la pochette, merci Discogs. Bon, sinon, j'imagine qu'à moins d'être ultra connaisseur en rock français 70's, cet album ne doit rien vous dire. Ni le nom du groupe, ni celui qui est entre parenthèses et qui, en en fait, est le principal auteur de cet album curieux. Jean-Pierre Massiera est (était : il est mort, dans l'indifférence totale, en décembre 2019) une sorte de Zappa ou de Todd Rundgren français (même s'il était surnommé le Joe Meek français). Né à Nice, il était musicien, producteur, arrangeur, qui a signé des tas d'albums sous diverses appellations, et dans divers genres (psychédélique, heavy rock, progressif, disco, musique de film, chanson... Le mec est totalement méconnu du grand public hexagonal, mais est l'objet d'un véritable culte underground international. Cet album est sorti en 1972 et il est signé des Chats Renaissance, intitulé sous lequel Massiera se cache, accompagné de Gérard Jacquemus, lequel, mort en 1973 des suites d'une opération cardiaque à l'âge de même pas 30 ans, était un membre des fameux Chats Sauvages, le groupe de Dick Rivers (autre niçois). D'où le nom du groupe, j'imagine. Officiellement, c'est Les Chats Renaissance, officieusement, c'est Massiera. Le disque est sorti sur le label Vogue, et s'appelle Hermaphrodites, sa pochette est des plus curieuses (sutout le verso...photo plus bas ; c'est quoi, une tête de Jivaro ?), et les durées des 13 titres sont indiquées en secondes (durée de l'album ? Un tout petit peu moins de 40 minutes).
Rien que ça... Mais si l'album est déjà à part à cause de ce minutage (secondage, plutôt !!) étonnant, précisé aussi sur les labels de face, et à cause de cette pochette étrange, que dire du contenu ? Hermaphrodites est un album assez absolument très inclassable, sorte de rock progressif, expérimentalo-psychédélique et heavy, qui entremêle bruitages, samples (un morceau, Viendra Le Temps, sur le bon vieux temps du rock'n'roll qui, un jour, on l'espère, reviendra prendre la place qu'il mérite, s'ouvre sur la mélodie du C'Mon Everybody d'Eddie Cochran, et est construit sur cette mélodie, carrément), délires et paroles engagées. Je ne vous dis pas le fou rire que je me suis payé à l'écoute de Lettre A Elysa, morceau en grande partie en spoken-word, avec une petite mélodie de piano empruntée à, il me semble, Beethoven (mais pas la Lettre A Elise, je ne crois pas, ça aurait été trop facile). Un homme énonce, d'une voix solennelle et pompeuse, un texte d'une outrancière verbiosité du genre "encore eût-il fallu que je le susse"), le plus sérieusement du monde. Après deux couplets (il y en à trois), des fous rires moqueurs et ironiques se font entendre des autres musiciens. Le mec reprend, imperturbable. Et ça recommence ! On a aussi Le Gâteau Du Peuple qui s'ouvre sur un sample du Several Species Of Small Furry Animals Gathered Together In A Cave And Grooving With A Pict de Pink Floyd (jamais je n'aurais pensé écrire ce long titre de morceau ailleurs que dans une chronique du Ummagumma du Floyd, les mecs), fallait le faire. Mais Massiera, vrai instigateur de ce projet malgré qu'il soit crédité à un groupe (n'ayant sorti que ce disque n'ayant pas affolé les masses à l'époque, mais considéré comme culte et un des sommets du rock eud' chez nous), était vraiment un mec qui osait le faire. Qui le faisait. Qui l'a fait. Fait quoi ? Je ne sais pas. Ca. Un gros bordel parfois hilarant (Aimez-Vous Les Uns Sur Les Autres ! Bizarre ! Oh putain, oui, Bizarre...), parfois féroce, ou au contraire, tendre.
Toujours allumés, toujours avec la ferme conviction que rien de commercialement viable ne sortira du projet et dans ce cas, pourquoi ne pas lâcher les chevaux sauvages (j'aurais pu dire "les chats sauvages", mais ça aurait été un petit peu trop facile), Massiera et ses potes font une oeuvre dingue. Un album qu'il est sans doute difficile d'encaisser proprement au premier abord, tellement il semble à part et bordélique, entre ses grosses guitares zeppeliniennes et sa flûte à la Jethro Tull, sans parler de cet humour frappé à la Zappa des grands jours. Hermaphrodites (titre qui, curieusement, est indiqué deux fois sur la pochette recto !) est un album que je suis ultra fier de posséder en vinyle, depuis peu, l'album étant encore plus rare qu'un bon film de Max Pécas (non, en fait, ça, c'est plus rare encore, je pense, quand même). Ca ne plaira sans doute pas à tout le monde, il faut aimer les dingueries, clairement, et être un petit peu patient, car ce n'est pas au bout d'une seule écoute qu'on peut se faire une idée définitive, et un avis tout aussi définitif, sur ce disque inclassable et unique. Une preuve supplémentaire (avec Dashiell Hedayat, Red Noise, Moving Gelatine Plates, Catherine Ribeiro, Magma...) que le rock en France, à l'époque, putain, c'était pas les BB Brunes ou Clara Luciani, c'était vraiment quelque chose dont on pouvait être fier vis-à-vis des autres nations du rock.
FACE A
Aimez-Vous Les Uns Sur Les Autres
Interlude
La Vie
God Money
Le Gâteau Du Peuple
Les Temps Modernes
FACE B
Vive Le Progrès
Bizarre
Interlude
Aux Années 60
Viendra Le Temps
Lettre A Elysa
Astro-Pionniers