Je ne sais pas si je vous ai donné envie de vous pencher sur les albums (pas forcément super faciles à trouver) de Kevin Coyne, mais moi, moi qui dans ma première chronique sur ce chanteur, il y à un peu plus d'un an, disais que je n'avais pas l'intention de fouiller dans sa discographie parce que j'avais été tellement scotché par son album de 1973 Marjory Razorblade que je craignais que le reste ne soit pas aussi bon (ou au contraire, tellement génial qu'il effacerait Marjory Razorblade de ma mémoire), hé bien moi, je ne le regrette pas, d'avoir changé d'avis. Matching Head And Feet, que j'ai abordé l'autre jour, est en effet tellement monumental (mais, aussi, franchement éloigné du style psychiatrique de Marjory Razorblade ; rien que vocalement, Coyne, qui y chante d'une voix très hargneuse, ne semble pas être le même chanteur) qu'il m'a rassuré direct : non, je n'ai pas dépensé 15 euros pour le vinyle de l'album pour rien. J'ai donc décidé de continuer un peu, et après cette chronique, vous aurez droit à trois autres albums de l'anti-star décédée en 2004. Cette nouvelle chronique concerne l'album qu'il fera après Matching Head And Feet, justement (autant les aborder chronologiquement), en 1976, et qui s'appelle Heartburn. La pochette, conçue par Hipgnosis, le représente, recto comme verso (c'est la meme chose, en inversé, voir plus bas), devant un immeuble large et circulaire. Au recto, en haut du bâtiment, une jeune femme semble sur le point de se jeter dans le vide (au verso, une photo de Coyne se trouve à cet emplacement de la pochette).
Long de 38 minutes, Heartburn a été enregistré avec une partie des musiciens ayant joué sur le précédent opus : Andy Summers (guitares) et Peter Woolf (batterie). On a aussi Zoot Money (un comparse de Summers) aux claviers et Steve Thompson à la basse. L'album est produit par Norman Smith et comme les précédents (et tous les Coyne jusqu'à 1980) sauf le tout premier Case History de 1972, est sorti sur Virgin Records, Kevin Coyne fut un des tous premiers artistes signés sur ce label conçu en 1973. Le précédent opus était très abrasif, bluesy et violent, hargneux, sauvage, féroce, sans compromis, il respirait parfois le chaos, la tension (Saviour). Heartburn reprend un peu la fibre de Marjory Razorblade, en conservant quand même des sonorités rock. Coyne, qui chante comme toujours de sa voix si difficile à aimer (sorte de croisement entre Van Morrison et Captain Beefheart), se permet même le luxe de s'autoplagier, si on peut dire, et personne ne va le lui reprocher tellement la chanson est réussie : Daddy, qui achève génialement le disque est en effet une relecture de Mummy, de Marjory Razorblade, morceau lui aussi génial. L'album sinon s'ouvre sur Strange Locomotion, Don't Make Waves et Happy Band, trois morceaux assez différents de moins de 3 minutes chacun, qui passent comme des ouragans sur le Caine, et vraiment réussis. Strange Locomotion n'est autre, il me semble, qu'une reprise d'un morceau que Coyne chantait, à la fin des années 60, dans le groupe Siren, qui le fit découvrir (ils n'ont fait que deux albums, et le deuxième s'appelle, justement, Strange Locomotion).
Heartburn offre le touchant I Love My Mother, le fantastique My Mother's Eyes, le génial America, le court mais réussi Big White Bird, et franchement, encore une fois, je ne vois rien de négatif à dire à son sujet, aucune mauvaise chanson. Il est vrai qu'il faut s'habituer au timbre de voix de ce chanteur un peu oublié (même si Marjory Razorblade trône souvent dans les 'discothèques idéales' ; il est en revanche rare d'entendre parler de ses autres albums et nul doute qu'à sa mort en 2004, il avait 60 ans, ce fut pour le moins discret, j'avoue ne pas me souvenir si Rock'n'Folk, que j'achetais à l'époque, en avait parlé via un article nécrologique digne de ce nom, et non pas juste en citant son nom comme ça dans la partie 'ils nous ont quitté' de leurs notules), mais sinon, ce mec avec un univers bien à lui et signait des chansons imparables. Sachez que le prochain article de ce petit cycle Coyne sera consacré, dans quelques jours, à un live, live que l'on m'a conseillé sur le blog quand, il y à un peu plus d'un an, j'avais abordé ici Marjory Razorblade. J'espère que vous avez hâte, moi en tout cas, j'ai hâte d'en parler !
FACE A
Strange Locomotion
Don't Make Waves
Happy Band
I Love My Mother
Shangri-La
FACE B
America
Big White Bird
Games Games Games
My Mother's Eyes
Daddy