Un tel vivier, Crosby, Stills & Nash, ne pouvait que livrer, en dehors des albums collectifs, que du lourd. Déjà qu'à la base, chacun vient d'un groupe majeur (Buffalo Springfield pour Stills, Byrds pour Crosby ; bon, OK, les Hollies, d'où vient Nash, est moins marquant), alors quand ils se sont réunis, direct, tout le monde en a parlé comme de la réponse américaine (malgré la nationalité britannique de Nash) aux Beatles. En 1970, alors que le groupe a, avec l'ajout de Neil Young (lui aussi, hein, pas la peine d'en parler...), sorti un deuxième album monumental, Stills se lance en solo. Crosby et Nash le feront l'année suivante, année de la séparation, pour cause de GROS problèmes d'égo, de Crosby, Stills, Nash & Young. Apparemment, il fallait assister aux engueulades backstage de ces titans pour comprendre ce que signifiait vraiment le mot 'engueulade'. Entre le tempérament très sudiste et colérique de Stills, le tempérament un peu cintré sur les bords de Crosby et le tempérament une fois énervé, ça peut aller très loin de Nash, sans parler de la réputation ténébreuse et presque autistique du Loner... En 1972, Crosby et Nash, qui ont toujours été plus liés ensemble qu'ils ne l'ont été avec les autres et que les autres ne l'ont été entre eux, vont former un duo. Comment l'appeler, ce duo ? Ah ! ben tiens, Crosby & Nash, c'est original... Voici donc le premier album, et il y en aura d'autres (dont un live), de David Crosby & Graham Nash. La pochette, on le voit, est d'une simplicité monacale. Noir total, et en bas à droite, une photo du duo, saluant. En vinyle, la pochette est ouvrante, et la photo est sur l'intérieur de pochette, on a une fenêtre découpée, visuble sur la photo ci-dessus, qui permet à la photo d'être en partie visible (on les voit en pied sur la photo complète).
- Et si on intervertissait le code de couleur de la pochette avec celui de nos fringues sur la photo ?
- Nan, David, faut pas être si vicieux avec les gens...
Le titre de l'album ? On ne va pas chercher la complication : Graham Nash David Crosby. Oui, sans séparation du style tiret (-) ou slash (/). Et dans l'ordre inversé du nom du groupe. Et en fait, c'est Graham Nash David Crosby, avec deux couleurs différentes, couleurs associées aux tenues portées par les deux musiciens/chanteurs sur la photo, afin que ceux qui ignoreraient encore qui est Crosby et qui est Nash (on ne sait jamais, de telles personnes doivent, encore, exister de par le monde ; mais en 1972 ? Vu tout le shebang qu'il y à eu, depuis 1969, autour de Crosby, Stills & Nash & Young ?) puissent les identifier directos. Enregistré à Los Angeles au studio de Wally Heider, cet album dure 35 minutes et offre 11 titres. Un peu comme pour le Long May You Run de Neil Young & Stephen Stills (1976) qui possède 9 titres, on sait direct que le rapport de force ne sera pas totalement équilibré. Chacun signe, en effet, ses propres chansons, et il n'y en à pas un nombre pair ! Nash en signe 6 et Crosby, seulement 5. Après, si on regarde la discographie solo du Croz', on se rend compte que son premier opus solo (un des meilleurs albums de tous les temps) date de 1971, et que son deuxième album solo date de 1989. En fait, depuis 2013, il s'est sorti les doigts et a sorti pas moins de 4 albums, mais pendant un bon moment, la drogue aidant, il n'a pas foutu grand chose, hormis les reformations sporadiques de CSN (et les albums faits avec Nash). Certains diront que Nash, ce n'est pas forcément mieux, oui, c'est vrai, encore que... Enfin bref.
Ce premier album de Crosby & Nash est une belle réussite, qui offre notamment un des grands classiques de Nash : Immigration Man, dans lequel Nash parle d'une mésaventure qu'il a eue avec les douanes américaines au moment d'entrer sur le territoire des USA. Les douaniers l'ont retenu un long moment, et pendant ce temps-là, des gens n'ont cessé de venir vers lui pour lui demander un autographe, devant des douaniers ans doute interloqués, l'air de dire alors il est vraiment célèbre, ce hippie britannique, il n'a pas dit ça pour rire ? L'album offre aussi, côté Nash, le sublime et countrysant Southbound Train, le sublime Frozen Smiles, le très beau Strangers' Room, et la minute peu utile de Blacknotes. Comme ce moceau ne sert à rien, c'est presque logique de dire qu'en fin de compte, le rapport de force est équilibré, sur cet album. Et Crosby ? Page 43 est magistral, The Wall Song, Whole Cloth et Where Will I Be ? sont intouchables... Si vous voulez savoir en détail qui a écrit quoi, le tracklisting en bas d'article indique, par le même jeu de couleurs (c'est moi qui le fais, ce n'est pas ainsi sur la pochette), qui a fait quoi. Faut bien s'amuser un peu, des fois. Quant aux musiciens qui participent à cet album, excusez du peu, mais c'est littéralement la crème de la scène folk/country/soft-rock de l'époque, entre Lee Sklar, Chris Ethridge, Dave Mason, Jerry Garcia, Russ Kinkel, Johnny Barbata, Greg Reeves... Avec de tels mecs, difficile de foirer son coup. Crosby & Nash ne l'ont pas foiré. Remarquable album !
FACE A
Southbound Train
Whole Cloth
Blacknotes
Stranger's Room
Where Will I Be ?
Page 43
FACE B
Frozen Smiles
Games
Girl To Be On My Mind
The Wall Song
Immigration Man