Allez, alors que le cycle Joni Mitchell approche lentement mais sûrement de sa conclusion (encore une dizaine de jours, je pense, avant la parution de la conclusion), pourquoi ne pas parler un peu d'un de ses ex ? Lequel ? Me répondez-vous avec un peu d'ironie dans la voix (il faut dire, j'ai eu l'occasion de le dire d'ailleurs dans certains articles, que la Canadienne a pas mal papillonné, Jackson Browne, James Taylor, Larry Klein, John Guerin, Graham Nash...).
Graham Nash, tiens. C'est évidemment de lui que je voulais parler. Les deux ont été ensemble en 1968/1970, c'est pour elle qu'elle a écrit le sublime Willy (1970), c'est en partie leur séparation qui a donné l'album Blue (1971). Graham Nash, citoyen britannique, ancien membre des Hollies (King Midas In Reverse, Carrie Ann...non, ça ne dit rien à personne ? N'y aurait-il pas un retard à rattraper ?), petit groupe de pop britannique qui n'a pas cherché à faire mieux que les Beatles parce qu'ils savaient bien que c'était pas possible. Nash, en 1969, a fondé, avec deux autres loustics échappés respectivement des Byrds et de Buffalo Springfield, David Crosby et Stephen Stills, un fameux supergroupe, Crosby, Stills & Nash. Les Beatles américains, tel était leur surnom, un peu prétentieux (on raconte que les Beatles se sont opposés catégoriquement à ce que CSN soit signé sur Apple Records...), mais pas inexact. Bon, c'est pas vraiment le même style de musique. CSN, c'est de la folk-rock. Mais quel niveau, sinon ! Un premier album magistral en 1969, un second (avec Neil Young, le groupe devient CSN & Y) en 1970, immense (et une prestation monumentale à Woodstock entre les deux), un double live fantastique en 1971, 4-Way Street, qui va marquer la fin, pendant 3 ans, de ce supergroupe aux (crises d')egos de malade.
Entre 1970 et 1971, Graham Nash se lance en solo, et enregistre, à Los Angeles et San Francisco, son premier opus solo : Songs For Beginners ("chansons pour débutants"). Ce n'est pas le premier du groupe à faire ça. Stephen Stills a sorti son premier opus solo en 1970 (en 1971, il en sort un deuxième), et Crosby sortira le sien quelques mois avant Nash en 1971, quant à Neil Young, sa carrière est lancée depuis 1968, excusez-le. De même que Crosby, Nash s'est ici entouré de pointures absolues. De même que pour Crosby, Stephen Stills est royalement absent de ces pointures. C'est un fait, Crosby et Nash se sont toujours super bien entendus, ils feront des albums ensemble, étaient les seuls à ne pas vraiment vouloir de la tournée de reformation de 1974 au final... Ici, sur Songs For Beginners, on a Crosby, justement (guitare électrique sur I Used To Be A King), Neil Young (piano sur trois titres), mais aussi, accrochez-vous, Rita Coolidge, Bobby Keys, Dave Mason, Phil Lesh, Johnny Barbata, Dallas Taylor, Chris Ethridge, David Lindley, Jerry Garcia, Calvin "Fuzzy" Samuels, les choristes Venetta Fields, Sherlie Matthews, Clydie King... Totalement produit par Nash seul, totalement écrit par Nash seul sauf Be Yourself co-écrit avec Terry Reid (lui aussi, mais pardon, quels albums il envoyait à l'époque...), ce premier opus offre deux gros classiques de l'ex-Hollies : Military Madness et Chicago. La deuxième citée est un pur chef d'oeuvre sur la convention démocrate nationale de 1968, The whole world watching et tout ce bordel, et le procès des Sept de Chicago (sept hommes qui furent accusés d'appel à la révolte et de conspiration, parmi lesquels Abbie Hoffman, Jerry Rubin et un membre des Black Panthers jugé séparément, Bobby Seale), une chanson prenante, avec des choeurs sublimes, et qui, en live, sera toujours un grand moment (on la trouve sur 4-Way Street, mais aussi sur CSNY 1974).
Le reste de ce très court (32 minutes) album ? Sincèrement, c'est du grand art. Ce premier opus solo est sans doute un des meilleurs du Britannique de l'étape (Crosby et Stills sont ricains ; Young canadien), et il est bien difficile de citer une chanson qui soit moins réussie que les autres. A la rigueur, We Can Change The World, qui dure une minute et n'est, tout simplement, qu'une coda à Chicago, dont il reprend, sans interruption après Chicago justement, le refrain mantra. Mais pour peu connues qu'elles soient, les chansons de Songs For Beginners, de Wounded Bird à Be Yourself en passant par Sleep Song (deux/trois ans plus tard, Nash fera un Another Sleep Song !) et Man In The Mirror (évidemment, rien à voir avec la future chanson de Bambi Jackson, hein ? Mais pourquoi je précise ça, moi ?) et évidemment l'ouverture, Military Madness, tout est superbe ici. Pour un premier album solo, c'est totalement prometteur. Son suivant, Nash attendra janvier 1974 pour le sortir. Entre temps, il aura cependant eu l'occasion de briller d'une autre manière, mais ça, j'en reparle prochainement...
FACE A
Military Madness
Better Days
Wounded Bird
I Used To Be A King
Be Yourself
FACE B
Simple Man
Man In The Mirror
There's Only One
Sleep Song
Chicago
We Can Change The World
C'est marrant que ta (très bonne) chronique soit publiée aujourd'hui, car j'ai réécouté cet album hier à la suite du Turbulent Indigo de la Joni. Faut dire que j'ai une gravure CD qui réunit ces deux albums, m'étant dit que d'une certaine façon, je les remettais ensemble....
Sinon, rien à dire de plus, c'est du très très bon, rien à jeter dans ce court album même si je reconnais que le timbre de voix de Nash est celui que j'aime le loin (je le trouve un peu impersonnel) parmi ses trois autres compères.