Putain, vous savez quoi ? Je me suis rendu compte que je n'avais quasiment jamais parlé de Jeff Beck ici. Enfin, une ou deux chroniques des Yardbirds, et du Jeff Beck Group, et l'album de Beck Bogert & Appice, mais c'est tout, du moins je crois, et ça remonte, souvent, à longtemps... C'est pas la honte, ça ? Alors je vais un peu rattraper le coup ici. Jeff Beck, les connaisseurs le savent bien, est un putain de géant de la guitare. A une certaine époque (années 60) il était aussi révéré que Clapton, Hendrix ou Jimmy Page. Je dis 'à une certaine époque' parce que si tout le monde continue d'écouter du Clapton, Hendrix ou Page (via Led Zeppelin pour ce dernier, évidemment), j'ai un petit peu l'impression que Jeff Beck (dire 'Beck' seulement pourrait entraîner une confusion avec le musicien et chanteur américain auteur d'Odelay et du hit Loser) est un peu passé dans la trappe de l'oubli. Alors que :
a) il n'est pas mort
b) même, il va bien, sa famille aussi, et il vous embrasse (bon, sur ce dernier point, j'extrapole un peu)
c) il poursuit toujours sa carrière, certes pas aussi abondamment qu'autrefois, mais bon, il a sorti un single (une reprise du Isolation de Lennon, faite avec Johnny Depp) en avril dernier.
Non, Jeff Beck est toujours là, mais il ne semble être écouté que des fans de rock les plus endurcis, il n'a pas la carrure commerciale de Clapton. Sans doute son légendaire sale caractère (il faut pas le faire chier, faut pas lui faire des noises, sinon c'est fini) y est pour quelque chose. Le mec a participé à quelques unes des plus belles aventures de l'histoire du rock anglais, du rock tout court : The Yardbirds, qu'il a rejoint en 1965 après le départ de, tiens, Clapton, et le sien des Tridents. Un certain Jimmy Page, d'abord à la basse, incorporera le groupe un an plus tard environ. Il prendra la guitare aussi, les deux guitaristes se livreront à de vrais duels sur scène, mais, bataille d'égo sans doute, ça tournera court. Jeff Beck finit par plus ou moins se casser en novembre 1966, il se lance en solo, fonde son Jeff Beck Group en 1968, dans lequel jouera Ron Wood (basse) et chantera Rod Stewart. Ce JBG durera, sous différentes moutures (Stu et Woody partiront incorporer les Small Faces devenus Faces) jusqu'au début des années 70. En 1972, Jeff fonde, avec le batteur Carmine Appice et le bassiste Tim Bogert (Vanilla Fudge, Cactus), le supergroupe Beck Bogert Appice, qui ne fera qu'un disque en 1973 et un live la même année. Puis Jeff continue sa carrière solo, collaborant avec Jan Hammer du Mahavishnu Orchestra, faisant un album produit par George Martin, etc...
En 1991 un gros coffret (reconverti par la suite en un boîtier fatbox sous fourreau plus conventionnel) de trois CDs proposant le meilleur de sa carrière à ce point, sort : Beckology. Presque quatre heures de musique (chaque CD est bien rempli, on a environ 225 minutes de musique !). Ces trois disques offrent un condensé remarquable, et chronologique, des Tridents à sa carrière solo, de Jeff Beck. Le son est parfois, pour le premier CD (les premiers morceaux), un peu moyen, mais ça s'améliore grandement par la suite, ne vous inquiétez pas. Musicalement, la qualité est là, et si vers la fin du dernier disque, ça peut sembler moins bluffant (clairement, le meilleur de la carrière de Jeff Beck est entre la seconde moitié des 60's et la première des 70's, en fait, jusqu'à 1977 environ), rien n'est à chier ici. 55 morceaux en tout. Les Yardbirds et le Jeff Beck Group (avec et sans Rod et Woody) sont évidemment super bien représentés : Heart Full Of Soul, Shapes Of Things, Psycho Daisies, Over Under Sideways Down, I'm A Man, Train Kept A-Rollin', Happening Ten Years Time Ago (notamment) pour les premiers (on ne dira jamais assez à quel point les Yardbirds étaient monumentaux), Plynth (Water Down The Drain), All Shook Up, une autre version de Shapes Of Things, Rock My Plimsoul, Jailhouse Rock pour le Jeff Beck Group. Beck Bogert Appice, évidemment (extraordinaire reprise du Superstition de Stevie Wonder et un Blues Deluxe/BBA Boogie live de plus de 16 minutes)... La carrière solo de Jeff, qui démarre en 1967 avec le single, présent ici, Hi Ho Silver Lining, occupe le tiers de ce coffret super efficace. On notera une reprise du People Get Ready des Impressions, en 1984, avec Rod Stewart, pour l'album Flash. Beckology est, pour un fan du guitariste caractériel (apparemment, à l'époque des Yardbirds, certains concerts furent annulés parce que monsieur ne voulait plus monter sur scène, plus envie, énervé contre quelque chose, etc), vraiment essentiel. On notera en plus, ça ne gâche rien, un livret assez imposant, plus de 60 pages (au format longbox autrefois, au format classique - la version rééditée de ce coffret est un gros boîtier plastique sous fourreau cartonné avec le livret glissé à part - désormais), richement illustré et bien complet.
CD 1
THE TRIDENTS :
Trouble In Mind
Nursery Rhyme (live)
Wandering Man Blues
THE YARDBIRDS :
Steeled Blues
Heart Full Of Soul
I'm Not Talking
I Ain't Done Wrong
Train Kept A-Rollin'
I'm A Man
Shapes Of Things
Over Under Sideways Down
Happening Ten Years Time Ago
Hot House Of Omagarashid
Lost Woman
Rack My Mind
The Nazz Are Blue
Psycho Daisies
Jeff's Boogie
Too Much Monkey Business (live)
The Sun Is Shining (live)
You're A Better Man Than I (live)
Love Me Like I Love You (live)
JEFF BECK SOLO :
Hi Ho Silver Lining
Taily Man
Beck's Bolero
CD 2
THE JEFF BECK GROUP :
Shapes Of Things
I Ain't Superstitious
Rock My Plimsoul
Jailhouse Rock
Plynth (Water Down The Drain)
Drinking Again
Definitely Maybe
New Ways New Train
Going Down
I Can't Give Back The Love I Feel For You
BECK BOGERT & APPICE :
Superstition
Black Cat Moan (live)
Blues Deluxe/BBA Boogie (live)
Jizz Whizz
CD 3
JEFF BECK SOLO :
Cause We've Ended As Lovers
Goodbye Pork Pie Hat
Love Is Green
Diamond Dust
Freeway Jam (live)
The Pump
People Get Ready
Escape
Get Us All In The End
Back On The Street
Wild Thing
Train Kept A-Rollin'
Sleep Walk
The Stumble
Big Block
Where Were You
Je me suis vu derièrement le concert de 2008 (Live at Ronnie Scott's, avec l'adorable et exceptionnelle bassiste de 22 ans, Tal Wilkenfeld), c'est quand même du très très haut niveau.Bon, faut aimer le jazz-rock mais il sort des sons de son instrument (jouant la plupart du temps sans médiator), proprement inouïs. Sa discographie part un peu dans tous les sens (il a eu sa période électro entre 1999 et 2003) et dernièrement il est plutôt sur une base à nouveau jazz-rock. J'ai le souvenir d'une grande claque à un concert au Zénith en 1990 peu après la sortie de Guitar Shop où il évoluait en trio avec Terry Bozio et Tony Hymas. Donc un batteur et un clavier, planqués derrière leurs intruments. Et El Becko tout seul à arpenter la scène. Je me disais que ça allait assez barbant, uniquement instrumental en plus. Et bien, non, pas du tout, une claque comme rarement en concert. Tout y était au top, la musique, l'interprétation, la générosite, la bonne humeur, un régal. Peut-être pas mon guitariste préféré mais incontestablement un maestro unique.