Allez, encore un p'tit peu de Bob Dylan. Mais si les deux précédents articles le concernant étaient des réécritures (d'albums issus d'une période assez difficile), celui-ci est un album qui n'avait pas encore été abordé ici. Ce n'est pas un album, d'ailleurs, mais une compilation d'inédits, un des volumes de la fameuse collection des Bootleg Series (dont on va beaucoup parler dans les semaines à venir). Vraiment une collection remarquable, celle-là, qui nous offre, assez régulièrement, des condensés d'inédits studio, de prises alternatives ou d'enregistrements live issus de périodes bien définies. Comme par exemple le tome 5 (qui fut le troisième sorti ; en effet, les trois premiers tomes sont, en fait, une triple compilation, la première des Bootleg Series, consacrée à des inédits studio allant de 1961 à 1991, sortie justement en 1991) qui propose un concert de 1975, période Rolling Thunder Revue. Ou le tome 11, consacré aux fameuses Basement Tapes (un coffret de 6 CDs). Il y à aussi le tome 4, qui offre le mythique concert de 1966 dit du "Royal Albert Hall" (en réalité, un concert donné à Manchester, on a longtemps cru qu'il avait été donné au RAH)... Il y à vraiment, pour le fan du Barde, de quoi faire, même la période que j'ai réabordé récemment, sa période chrétienne, est concernée, via le tome 13 (un double CD live, mais aussi un coffret de 10 CD + un DVD). S'il y à bien une période qui ne semblait guère appeler un Bootleg Series, c'était celle-là, et pourtant...
Et pourtant.
De même, la période concernée par ce tome 10, sorti en 2013 sous la forme d'un double CD (l'édition collector, que je possède, en rajoute deux : un consacré au live de 1969 au Festival de Wight, très très bon même si Dylan n'y était pas spécialement dans une forme exceptionnelle, et l'autre, c'est l'album de 1970 Self Portrait, remastérisé). Là aussi, pour être honnête, on ne s'attendait guère à un volume sur cette période : 1969/1971. Période maudite s'il en est, elle est celle au cours de laquelle un Dylan arborant un petit collier de barbe à la mormonne va sortir deux albums (tous deux en 1970) mais surtout, ne fera pas vraiment parler de lui, jusqu'à 1973 et son retour via la bande originale du film Pat Garrett & Billy The Kid (dans lequel il joue un petit rôle). Enfin, il participera, en 1971, au Concert For Bangladesh, certes, mais à part ça, ça sera du genre ermite dans sa petite ferme, entouré de poules (je parle bel et bien de gallinacées, voir les photos dans l'épais livret accompagnant le double CD, vendu dans un fourreau). Juste avant le début de cette période, en 1969, Dylan sort Nashville Skyline (des prises alternatives de Country Pie et I Threw It All Away, morceaux de cet album, sont sur cette compilation, mais pour l'essentiel, prière de se tourner vers le volume 15 des Bootleg Series), disque étonnant de country/folk sur lequel le Barde chante d'une voix de crooner redneck auquel il ne manquerait plus que les Jordanaires (fameux groupe vocal country américain) en arrière-plan, un disque très sympa, étonnamment court (27 minutes !), qui fera jaser à l'époque, c'est la première fois que Dylan fait un disque pareil. Puis il va, en studio (sous la houlette du producteur Bob Johnston, et avec notamment, comme musiciens, Al Kooper, une partie du Band, Kenny Buttrey, Pete Drake, Norman Blake et David Bromberg, la liste est très longue et sur l'intérieur de pochette de l'album, prend presque un pan entier, sur deux colonnes), enregistrer Self Portrait, double album qui sort en 1970 et sera sévèrement critiqué (Greil Marcus, spécialiste et fan du Barde, démarrera sa fameuse chronique, dans Rolling Stone, par "What's this shit ?"). Quelques mois plus tard, toujours la même année, il sort New Morning, mieux accueilli. Puis silence radio quasiment absolu jusqu'à 1973.
Ce tome 10 des Bootleg Series, Another Self Portrait, donc le frontispice est un autre autoportrait (plus réussi que celui de la pochette du double album de 1970, mais toujours pas sublime) de Dylan, s'intéresse donc à cette période aussi peu connue que maudite. A l'heure actuelle, personne ou presque ne peut dire avec certitude comment Dylan en est venu à faire ce double album qui a failli foutre en l'air sa carrière (dans le genre vous voyez bien que je ne suis pas un artiste de génie, ce Self Portrait, que je ne peux me résoudre à détester vu que j'ai découvert Dylan par son biais, se pose là), Dylan lui-même a sans doute émis diverses explications contradictoires. Ce mélange entre titres lives (captés à Wight, il y en à, sur le double album, de mémoire, quatre), morceaux originaux peu enthousiasmants pour la plupart, et reprises (une partie de l'album est constitué de reprises, parfois bâclées), sera vraiment mal reçu par la presse et le public, surtout que c'est un double album. Quand, en 1973, Dylan quittera Columbia Records pour le label Asylum (pour une période d'un an environ), son ancien label, énervé de cette trahison, sortira, en représailles, Dylan, un disque constitué de chutes de studio de cette période (de très mauvaises chutes de studio, d'ailleurs), une pure merde jamais sortie officiellement en CD (suf dans un coffret intégrale, je crois, et encore) et que Dylan n'a jamais reconnu. Rien de cet album merdique de 1973 n'est sur ce tome 10, au passage. Cette double compilation, longue de 113 minutes (35 titres en tout), est il faut bien le dire remarquable, tant pour la qualité audio que pour la qualité musicale. Le coffret 4 CD est encore meilleur, compte tenu de la présence du live à Wight (dommage que deux extraits du live soient sur le second disque, ça fait doublon, ils n'auraient pas pu les retirer du second CD pour l'édition en coffret ?). Notons au passage que la version remastérisée de Self Portrait présente sur le 4ème CD dure environ 40 secondes de plus que l'ancienne version !
Pêle-mêle, on trouve ici, dans le désordre (le reproche à faire à Another Self Portrait est qu'il ne propose pas ses morceaux dans un ordre chronologique strict), des morceaux issus des sessions de Self Portrait (en mars) et New Morning (en juin). On y trouve aussi bien des prises alternatives ou de démo (certaines sans les overdubs de cordes) de morceaux tels que All The Tired Horses, Little Sadie, Went To See The Gypsy, Time Passes Slowly (cette chanson est présente en deux versions, je trouve que la seconde, très riche, possède une partie d'orgue électrique qui n'est pas sans me faire penser à la version Joe Cocker de With A Little Help From My Friends, l'orgue sonne un peu comme la guitare du morceau de Cocker repris aux Beatles ; c'est moi, ou ça ressemble vraiment un peu ?), If Not For You (plus sobre), Days Of 49 ou Copper Kettle. On a aussi des inédits, comme Working On A Guru, Railroad Bill, Thirsty Boots, This Evening So Soon, House Carpenter, Bring Me A Little Water), inédits essentiellement tirés des sessions de Self Portrait. Ces inédits (souvent des reprises, au passage) sont très très bons, certains sont franchement supérieurs aux morceaux originaux présents sur le double album, à se demander comment Dylan a pu ne pas les foutre directement dessus, Self Portrait aurait été cent fois meilleur. Mais évidemment, Dylan voulait briser son statut de prophète folk et de star du genre, il en avait marre, et il se disait qu'en sortant un disque médiocre, double qui plus est, un disque paresseux (beaucoup de reprises) d'autant plus, hé bien, son statut allait en prendre un coup et on ne le verrait dès lors plus que comme un simple artiste folk. Je me demande si, quand il a fait sa paire Human Touch/Lucky Town en 1992, Springsteen n'a pas pensé à un truc de ce genre, pour qu'on le descende de son piédestal un peu encombrant de Boss du rock, mais c'est une autre histoire. Pour revenir à ce tome 10 des Bootleg Series, on y trouve aussi des titres live issus du concert de Wight (Highway 61 Revisited, I'll Be Your Baby Tonight), un extrait des Basement Tapes (Minstrel Boy) de 1967, la version présente sur le double album étant live, elle...On a aussi une version alternative de Wallflower, morceau de 1971 que Dylan offrit, en 1972, à Doug Sahm, qui l'enregistrera avec lui. Au final, Another Self Portrait est un régal qui permet de réévaluer un peu cette période compliquée. C'est marrant de se dire qu'en gros, le meilleur de ce que Dylan a enregistré à l'époque attendra aussi longtemps pour être commercialisé (même si New Morning, que j'ai mis du temps à aimer, est un très bon disque) !
CD 1
Went To See The Gypsy
Little Sadie
Pretty Saro
Alberta #3
Spanish Is The Loving Tongue
Annie's Going To Sing Her Song
Time Passes Slowly #1
Only A Hobo
Minstrel Boy
I Threw It All Away
Railroad Bill
Thirsty Boots
This Evening So Soon
These Hands
In Search Of Little Sadie
House Carpenter
All The Tired Horses
CD 2
If Not For You
Wallflower
Wigwam
Days Of '49
Working On A Guru
Country Pie
I'll Be Your Baby Tonight (live)
Highway 61 Revisited (live)
Copper Kettle
Bring Me A Little Water
Sign On The Window
Tattle O'Day
If Dogs Run Free
New Morning
Went To See The Gypsy
Belle Isle
Time Passes Slowly #2
When I Paint My Masterpiece
CD 3
Intro
She Belongs To Me
I Threw It All Away
Maggie's Farm
Wild Mountain Thyme
It Ain't Me, Babe
To Ramona
Mr. Tambourine Man
I Dreamed I Saw St. Augustine
Lay, Lady, Lay
Highway 61 Revisited
One Too Many Mornings
I Pity The Poor Immigrant
Like A Rolling Stone
I'll Be Your Baby Tonight
Quinn The Eskimo (The Mighty Quinn)
Minstrel Boy
Rainy Day Women #12 & 35
CD 4
L'album Self Portrait remastérisé
Another Self Portrait, sur la pochette ce n'est pas lui, rien que la coupe de cheveux, la raie un peu de côté. Peut-être un hommage, ça me fait penser aux beatniks, Kerouac, Cassidy. S'il s'est mis en retrait après son soi-disant accident de moto il n'a pas chômé non plus. John Wesley Harding immense et trop méconnu, Nashville Skyline, les Basement Tapes, Self Portrait que je ne connais pas, Planet Waves j'aime vraiment bien, le live Before the Flood je trouve moyen.
Après le retour avec Blood on the Tracks, Desire.
J'ai vu Dylan en concert 3 fois, c'est un mec assez spécial, il joue ses classiques, tu les reconnais à peine. Je ne discute pas, ce n'est pas le même homme qu'en 1966 et c'est tout à son honneur de ne pas être son propre Tribute Band comme les Stones,…
Suréavalué comme pense Joni Mitchell ?
Je ne pense pas, ça fait 50 ans qu'il fait SA musique, incontournable à une époque mais toujours pisté par Rock Fever, une référence.