Allez, pour ce nouveau Music Books, on va parler d'un petit groupe vraiment obscur : les Beatles. En fait, on va même très certainement en reparler ensuite via le prochain article de cette catégorie consacrée aux livres sur le rock (et sur la musique en général, même si pour le moment, seul le rock est concerné dans cette catégorie), donc s'il y à des fans de ce groupe (et je pense qu'il doit en exister quelques uns de par les visiteurs de ce blog...), qu'ils se réjouissent.
Pour cet article, c'est d'un livre très joli que je veux vous parler. Joli, déjà, visuellement : sans être un 'beau livre' de grand format lourd comme une bouteille de propane et lisible uniquement posé à plat sur une table basse (le genre de livre réservé à la peinture, par exemple, et dont le prix de vente est souvent d'une belle indécence), ce livre, édité par Glénat, est d'un format sympathique (un peu plus grand qu'un livre dit de grand format, genre les romans en première publication), possède une couverture rigide, le titre de l'album est, sur le recto comme sur la tranche, en vernis sélectif, et l'intérieur du livre est sympa : aucune photo mais des illustrations signées Fred Peltier, une mise en page simple mais parfaite... On lit ce livre, de plus, avec plaisir, parce qu'il est bien foutu. Et pourtant, il ne s'agit que d'une anthologie de textes déjà existants, publiés autrefois, essentiellement, dans Rock'n'Folk. Car l'auteur n'est autre que Jérôme Soligny. Ce Havrais de naissance et de coeur (il rappelle, à deux-trois-quatre-cinq-six occasions, dans ce livre, d'où il vient, impossible de l'oublier) est un journaliste oeuvrant pour Rock'n'Folk (du moins, n'achetant plus ce journal depuis 2016 ou 2017, je pense qu'à l'heure actuelle, il en fait toujours partie ; je me trompe ?). C'est aussi un écrivain, et avant ça, un musicien et auteur/compositeur, qui a notamment écrit deux chansons pour son pote Etienne Daho (Duel Au Soleil et La Baie).
Soligny, que j'ai eu le plaisir de rencontrer en 2017, au moment de la sortie de ce livre justement (publié en 2017), à l'occasion de l'édition annuelle du Vandisc à Auvers/Oise (dans le 95), une convention vinylique (et du disque, en général) qui a lieu chaque dernier week-end d'avril - cette année 2020, elle n'a pas eu lieu, pour les raisons que l'on sait, et devrait logiquement avoir lieu la dernière semaine de septembre, si tout va bien -, est aussi un fan de David Bowie, qu'il a rencontré plusieurs fois pour des raisons professionnelles, et qui entretenait peut-être des liens d'amitié avec lui. Il est aussi un fan des Beatles depuis son enfance, possède une collection beatleesque probablement assez ahurissante (une bibliographie de plus de 400 titres sur le sujet, notamment ; une édition originale, signée des quatre Beatles, d'Abbey Road...j'en passe).
C'est aussi un très bon journaliste, qui a une plume sympa à lire, à la fois exigeante et légère, il écrit comme il parle. Bon OK, parfois (mais c'est surtout le cas pour son anthologie de textes personnels publiée quelques années avant ce livre, en 2014, Writing On The Edge, qui fait genre 1730 pages, en un seul tome en papier bible, sans illustrations, imprimé en relativement moyens caractères ; c'est souvent passionnant, dans ce gros pavé, que j'ai en dédicacé par l'auteur par ailleurs, mais c'est quand même un pensum dans le genre), il ne fait pas dans la demi-mesure. Dans le gros bloc que je viens de citer, il parle souvent de lui. Un peu aussi dans ce livre bien plus sobre (un peu moins de 400 pages), With The Beatles. Le titre, ça n'aura échappé à personne (du moins, je l'espère), est aussi celui du deuxième album des Beatles. La couverture, une de leurs plus fameuses photos, prises si je ne m'abuse en 1968.
Préfacé par Eric Krasker (un spécialiste français du groupe, le Mark Lewisohn français), ce livre est découpé en plusieurs parties : articles puis (sur deux colonnes par page) articles de chroniques de disques, DVD, concerts et livres. D'abord sur les Beatles, puis sur chaque ex-Beatles. La partie 'articles' sur le groupe, à elle seule, fait 130 pages, le tiers du livre. Normal, logique. La partie sur Lennon parle aussi de Yoko et Sean. Celle sur Ringo est tellement courte (un article, deux pages...) que Soligny aurait pu l'inclure dans la partie George Harrison, même si ça aurait involontairement impliqué "Beatles de seconde zone", dans un sens, et n'aurait pas été très juste. On a aussi une partie sur George Martin, et une sur Jeff Lynne, leader de l'Electric Light Orchestra. Les Beatlemaniaques savent pourquoi Lynne est présent, justement, dans ce livre, mais pour les autres, rappelons-le : ce chanteur et multi-instrumentiste, producteur aussi, est non seulement un Beatlemaniaque, mais il a surtout collaboré avec trois des quatre membres du groupe : il a en partie produit le Flaming Pie de McCartney en 1997, le Time Takes Time de Ringo en 1992, et a produit tous les Harrison solo (Traveling Wilburys inclus, dont il a fait partie comme membre) de 1987 à l'album posthume de ce dernier en 2002, et a participé au Concert For George de 2001, fait en son hommage au Royal Albert Hall. Il a aussi produit les deux chansons inédites, basées sur des démos de Lennon, présentes sur les deux premiers volumes de la fameuse Anthology des Beatles en 1995/1996: Free As A Bird et Real Love. Bref, ce mec a produit les Beatles, même si ce n'est que le temps de deux chansons. Ce n'est pas rien.
Bon, With The Beatles offre du très bon : des articles (avec interviews) consacrées à des sorties d'albums du groupe ou de leurs ex-membres, notamment. Soligny n'écrivant que depuis les années 90, ce sont des actualités récentes : sortie de The Yellow Submarine Songtrack, de Let It Be...Naked, Love, 1+ (réédition plus tardive de la compilation 1, en version visuelle, un DVD de clips), ressorties en DVD de Yellow Submarine et Magical Mystery Tour qui occasionnent des articles sur la genèse de ces deux films, article sur la sortie du coffret vinyle, sur le coffret des albums américains, sur celui consacré aux albums en mono...Soligny se permet une petite pique à Universal, qui ne lui a pas offert, malgré son statut de rock-critic, le coffret, il a été obligé de l'acheter à la FNAC, plaignons-le un instant, mes frères, et reprenons la lecture de cet article.
On a aussi des articles sur la genèse de Band On The Run des Wings, une nécrologie sur Harrison, une sur George Martin (avant ça, une longue et passionnante interview du vieux briscard que Soligny a rencontré en 1998), deux interviews de Yoko Ono (que Soligny défend bec et ongles, elle n'est pas que la salope castratrice ayant entraîné la fin du groupe ; le groupe allait déjà pas super bien avant que Lennon et elle ne se mettent ensemble), une de Sean Lennon et sa compagne Charlotte Kemp-Muhl, membres du groupe The Ghost Of A Saber Tooth Tiger... Des interviews de Macca, dont la première qu'il a faite (en 1994). Un extrait hilarant d'une conférence de presse organisée en 1992 à l'occasion de la sortie de Time Takes Time, de Ringo, à laquelle Soligny (plutôt défenseur des albums du batteur, par ailleurs) a participé, me fait hurler de rire : les questions de la presse, d'une débilité totale, et les réponses consternées d'un Ringo atterré par tant de conneries (à la question "Pourquoi commencer votre tournée par la Suède ?" il répond "Il faut bien démarrer quelque part, c'est une question aussi conne que si vous m'aviez demandé pourquoi la tournée se termine en Italie". Et une des questions suivantes est "Pourquoi terminer par l'Italie ?", ce à quoi Ringo répond "Oh non, c'est pas possible..."), c'est du caviar, dommage que ça soit si court.
Ce livre est très intéressant, même passionnant, il se lit facilement. Après, comme à chaque fois, un Beatlemaniaque n'apprendra rien, et un lecteur assidu de Rock'n'Folk a déjà lu ces articles, même s'ils sont ici présents en version rallongée, souvent. A noter, pour finir, que dans son gros pavé de 2014 Writing On The Edge, Soligny avait mis un chapitre consacré aux Beatles/Ex-Beatles. On ne retrouve ici aucun des articles présents dans le pavé, pas de doublons. Soligny envisageait déjà de faire With The Beatles à l'époque, ou alors n'envisageait pas de mettre, dans son pavé de 1700 pages, un chapitre aussi imposant sur les Beatles (s'il avait tout mis, son pavé aurait dépassé les 2000 pages, il aurait été vendu en deux tomes, ça aurait été invendable, même illisible en raison de son épaisseur décourageante, de la folie). Bref, si vous possédez Writing On The Edge, n'ayez pas peur d'avoir des doublons : hormis à la rigueur, je crois, un article, il n'y en à pas dans ce With The Beatles très conseillé.