Pour ce nouveau numéro de Music Books, place à une biographie.
Et je n'ai pas choisi la facilité, par ailleurs : c'est de David Bowie qu'on va parler, en effet, mais je pense que vous l'aviez deviné.
Ce livre est paru pour la première fois en 2013 avant d'être réédité, en version augmentée et légèrement revue, en 2017, de manière à proposer vraiment l'intégralité de la discographie (et de la vie) de Bowie. Ce dernier étant mort en janvier 2016 à peine quelques jours après la sortie de son ultime album ★ (alias Blackstar), et la première édition datant de 2013, inutile de dire donc ce qui a été rajouté au final. Publié aux géniales éditions Le Mot Et Le Reste dont on a déjà parlé ici (le premier livre abordé sur le blog dans cette nouvelle catégorie était publié chez cet éditeur) et qui offre un catalogue ahurissant et extrêmement varié (on y trouve des biographies agrémentées de discographies commentées pour des artistes ou groupes tels que Deep Purple, Pink Floyd, Nino Ferrer, Black Sabbath, Credence Clearwater Revival, The Byrds, The Doors, Dire Straits, King Crimson, Alice Cooper... ; des livres anthologiques sur des textes de rock-critics comme Michka Assayas ou Philippe Paringaux ; des livres proposant des listes d'albums emblématiques d'une certaine période, d'un certain style musical ; des essais sur telle ou telle période, tel ou tel genre, comme le rap, les Stones pendant l'enregistrement d'Exile On Main St. ou bien les différentes versions de l'oeuvre The Wall de Pink Floyd).
Bref, on y trouve de tout, les livres sont bien foutus, faciles à lire, agréables, rien à dire. Celui-ci, écrit par Matthieu Thibault (qui, chez le même éditeur, a écrit une bio/discographie de Sonic Youth et un livre sur l'enregistrement et les séquelles musicales du Bitches Brew de Miles Davis), s'appelle David Bowie : L'Avant-Garde Pop. La couverture que je propose en illustration est celle de la première édition, celle que j'ai ; la nouvelle est un tantinet différente, on a le visuel de Blackstar à la place de celui de 1.Outside (dernière des quatre vignettes). Le livre fait 450 pages dans cette édition 2017. Cette nouvelle édition, je ne la possède pas, je l'ai feuilletée rapidement en magasin mais ayant déjà l'ancienne, je ne voulais pas racheter le livre (vendu dans les 25 euros) rien que pour un chapitre supplémentaire, même s'il s'agit du grandiose, déstabilisant et extrêmement important Blackstar. Mais il est évidemment génial que cette nouvelle édition existe, afin de proposer l'ensemble de la discographie du maître, la précédente se terminait sur The Next Day et l'auteur s'interrogeait, plein d'espoir, sur ce que Bowie allait bien pouvoir nous proposer par la suite. S'il avait su à l'avance que trois ans plus tard, il y aurait encore un album, mais que ça serait le dernier par la force des choses...
Ce livre, super bien foutu, offre quelques illustrations en noir & blanc qui sont tout simplement les visuels des pochettes d'albums. Le livre est découpé en plusieurs parties qui abordent, dans l'ordre, une partie de la vie/carrière de Bowie ("Heurter son public" concerne la période 1993/1997 par exemple). Thibault démarre chaque partie par un rapide tour d'horizon avant de parler de chaque album, un par un, en de longs chapitres qui remettent les albums dans le contexte, les décrivent morceau mar morceaux, paroles et musiques (inspiration, thèmes, niveau musical ; si c'est pas bon, l'auteur ne se gêne pas pour le dire, mais il est plus qu'évident qu'il est un fan de Bowie (ce n'est pas comme celui qui, aux mêmes éditions, défonce à peu près l'ensemble de la carrière de Dire Straits dans le petit bouquin qu'il leur consacre, je ne me souviens plus du nom de l'auteur, mais une recherche internet vous le donnera ; le livre est à éviter si vous aimez ce groupe). Thibault va même jusqu'à parler de la pochette, et le cas échéant, de la tournée promotionnelle qui a suivi l'album, surtout si elle a été documentée par un live, audio et/ou vidéo.
L'auteur parle même des films ou prestations d'acteur (il a joué au théâtre, aussi) de Bowie, sans qu'il ne consacre un chapitre à un film, c'est plus une vision d'ensemble qu'il aborde, selon la période (genre, au moment d'arriver à 1976, Thibault parle du tournage du film L'Homme Qui Venait D'Ailleurs de Nicholas Roeg, premier rôle au cinéma de Bowie et sans doute son meilleur). Les moments difficiles (1976, justement, année de sortie de son chef d'oeuvre Station To Station, mais aussi année où un Bowie émacié, ravagé par la cocaïne et ne se nourrissant que de lait et de poivrons était persuadé que des sorcières aux ordre de satanistes et de Jimmy Page voulaient lui piquer sa semence et vivait cloîtré chez lui, un peu comme le personnage qu'il joue dans le film de Roeg, ruminant de sordides idées nationalistes qui feront frémir à l'époque et qu'il a eût tôt fait de renier ; une période dont il ne se souviendra que peu, à cause de la drogue) ne sont pas oubliés. Les collaborations (avec Mick Jagger, Pat Metheny, le temps d'une chanson ou deux) ne sont pas oubliées. Il y à même une rapide chronique de disque pour les trois albums d'Iggy Pop produits par Bowie (The Idiot, Lust For Life, Blah Blah Blah), ainsi que, autres productions bowiennes, celui des Stooges (Raw Power), celui de Lou Reed (Transformer) et celui de Mott The Hoople (All The Young Dudes).
La période Tin Machine (1989/1992), peu connue et presque oubliée, négligée, dont les albums sont aujord'hui difficiles à trouver sauf le premier, est l'objet d'un chapitre entier. Matthieu Thibault est particulièrement assassin avec 'hours...', de 1999, qu'il qualifie de pire album de la décennie 90 pour l'artiste, il n'est évidemment pas très gentil non plus avec la période 1984/1987, deux albums reniés par Bowie lui-même, mais trouve des qualités à Tin Machine (il y en à, de toute façon), ce qui au final n'est pas si fréquent que ça (il n'encense pas non plus cette période). Aucun extrait d'interview, ni de Bowie ni d'un de ses collaborateurs, ce qui est dommage, mais mis à part ça (et mis à part l'absence de photos, hormis les visuels des pochettes en moche noir & blanc qui ne rend pas justice à la beauté de certaines d'entre elles), rien à dire, David Bowie : L'Avant-Garde Pop est un régal que les fans du regretté caméléon musical savoureront. Même si certaines opinions sur tel ou tel album, telle ou telle chanson, pourront peut-être étonner ou décevoir certains, mais les goûts et les couleurs...
Quoi qu'il en soit, c'est un des meilleurs livres du Bowie, selon moi, et un des meilleurs parus chez Le Mot Et Le Reste, et il y en à, des livres géniaux, chez eux !