Comme un acte de repentance, de résipiscence voire de contrition. Pour souvenance, Rock Fever s’était – presque à l’unisson – gaussé de Silverchair et de ses contiguïtés matoises avec Nirvana. Il faut dire que le groupe, diligenté et régenté par Daniel Johns, s’était donné le bâton pour se faire narguer, rudoyer, estamper… Ainsi, leurs trois premiers albums, Frogstomp (1995), Freak Show (1997), puis Neon Ballroom (1999) avaient laissé un souvenir mitigé (Pour être gentil, voire croquignolet…). Au mieux, Daniel Johns et ses acolytes (Chris Johannou et Ben Gillies) passaient pour des pantomimes et des copies éhontées de Nirvana. Au pire, les trois jeunes éphèbes étaient taxés de vulgaires cacochymes, profondément engoncés dans cette vague grunge, un néologisme musical qui connaîtra sa quintessence entre l’orée et le milieu des années 1990 ; avant de disparaître subrepticement des écrans-radars… Ou presque… Puisque Silverchair, justement, échappera à cette période de convalescence, en obliquant vers des directions spinescentes.
Déjà, avec leur troisième livraison, Neon Ballroom, Daniels Johns et ses fidèles prosélytes s’immisçaient vers de nouvelles anfractuosités musicales. Hélas, l’influence grunge restait encore beaucoup trop prégnante. Conscient de ces mêmes stigmates, Daniels Johns décide de bifurquer vers d’autres scansions mélodiques. Pis, le chanteur souffre de problèmes articulaires et doit se résoudre à abandonner la guitare. L’anamnèse des troubles pathologiques conclut à une arthrite sévère. Pugnace, le jeune troubadour s’affaire doctement à l’ouvrage. Mais les premières ébauches n’enthousiasment guère l’adulescent. Daniel Johns ne souhaite pas rééditer un album dans le sillage et le continuum de ses sinistres antécesseurs. C’est dans ce nouveau sophisme que s’inscrit Diorama, le quatrième album de Silverchair, sorti en 2002. Au niveau des influences musicales, cette quatrième livraison revendique orgueilleusement ses obédiences à David Bowie, Queen et John Lennon.
Que s’est-il passé chez Silverchair pour opérer – presque drastiquement – une telle mutation ? On pourrait presque invoquer un cas de métempsychose. En l’espace d’un seul disque, Silverchair est passé de clone avarié de Nirvana à un groupe pop rock et nanti d’un véritable éclectisme musical… A moins que l’on ne se soit leurré… Oui, Rock Fever doit reconnaître (éhontément…) son incurie. Souvenez-vous… Lors de la chronique de Freak Show, l’auteur de ces lignes avait tancé et vilipendé Silverchair pour son opportunisme, son indigence et ses errances musicales. Non, Silverchair n’est pas seulement un avatar de Nirvana. Par ailleurs, le groupe ne provient même pas de la scène de Seattle. Indubitablement, à l’écoute de ce Diorama, Silverchair mérite mieux que ces saillies et ces épigrammes.
Mieux, avec Diorama, Silverchair s’insurge contre toutes ces diatribes et s’émancipe définitivement de ses allégeances musicales. Cette émancipation s’amorce dès le morceau d’ouverture, l’excellent (le sublime…) Across The Night. Une telle transmutation s’explique sans doute dans l’apport du compositeur Van Dyke Parks.
Le célèbre métronome vient prodiguer ses précieux conseils. Son omniscience se ressent tout au long de cet album hétéromorphe qui varie entre mélopées soyeuses (The Greatest View, World Upon Your Shoulders), envolées lyriques (One Way Mule, Tuna in the Brine) et encore quelques furibonderies de circonstance (Without You et The Lever). Mais ces quelques tonitruances ne transgressent en rien le travail (le fossé ?) accompli depuis le troisième album. Mieux, ces irascibilités ne sont plus les pâles copies du passé. A l’aune de ce quatrième album, Johns Daniels affirme sa proéminence. Il est l’unique compositeur de cette galette éparse et aux variations chatoyantes. Toutefois, au-delà de ses fabuleux apparats, Diorama n’est pas exempt de tout grief. Parfois, on retrouve encore cette ingénuité et quelques baguenauderies immanentes, à l’instar de My Favourite Thing.
Cependant, rien de grave. Autant l’annoncer sans ambages. On tient là le disque le plus éloquent de Silverchair, loin s’en faut ! Mieux, on éprouverait presque de la bienveillance et de l’empathie pour nos trois jouvenceaux. Hélas, avec leur livraison suivante, Young Modern (2007), Silverchair ne rééditera pas de telles fulgurances.
Alice In Oliver
Dieu ait pitié de nous, Silverchair...