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Et ouais les petits gars, encore du Léo Ferré pour vous ! Hmm, que la souffrance doit être horrible pour ceux qui n'aiment pas le Vieux Lion. Mais que le bonheur doit être complet pour ceux qui aiment, qu'ils soient fans ou pas, et ça, ça me fait plaisir. J'ai divagué le temps de quelques lignes, mais, comprenez-moi, c'est pour broder un peu. Non pas parce que cet album n'inspire rien, mais parce qu'il est humainement très ardu voire impossible d'en parler en longueur. Alors, pourquoi avoir décidé d'en parler, blaireau que tu es ? La réponse est toute simple : comment imaginer, ne serait-ce qu'une seconde, un blog musical sans ce disque ? Si vous avez compris ça, vous avez tout compris, même si vous n'avez pas free. Bon, cette fois-ci, j'arrête de faire l'abruti et je deviens sérieux. Et...Basta ! est un album hyper important dans la carrière du Vieux Lion et ce, pour deux raisons : sur le plan artistique, il s'affirme définitivement comme étant un artiste parfaitement complet. Auteur, compositeur, interprète, musicien et... chef d'orchestre ! Rien que ça ! Et, deuxième raison, toujours sur le plan artistique, Ferré est plus engagé et vindicatif que jamais. Même Amour Anarchie et Il N'Y A Plus Rien réunis ne sont pas aussi engagés que ce Et... Basta ! Bon, maintenant, on va voir ce qui se cache là-dessous. Mais, avant de commencer, je tiens à vous dire que cette chronique sera courte, l'une des plus courtes du blog. J'apporte une précision de taille : l'album ne comporte que deux titres et dure un peu plus de 39 minutes.

Cet album, c'est le pinacle du spoken-word façon Ferré. En effet, aucun des deux titres de l'album n'est chanté. Ferré déclame son texte tout en étant accompagné par une musique déstructurée. Ce qui n'est pas un cas isolé chez Ferré. Rappelez-vous de Il N'Y A Plus Rien ou Le Chien par exemple. Bref, tout cela pour dire qu'en terme d'accessibilité, on est pas sur quelque chose qui va s'écouter en buvant un sirop de menthe. Il va falloir s'accrocher, s'y cogner encore et encore avant d'avoir un éventuel déclic. Quelque chose vous aura sans doute frappé à la lecture des premières lignes du paragraphe... les deux titres. Oui, vous avez bien lu, il n'y a que deux titres. Mais, ce ne sont pas n'importe lesquels les gars. Tout d'abord, il y a Ni Dieu Ni Maître. Une chanson que Ferré avait chantée en 1965 et qui est donc ici revisitée. Les paroles restent les mêmes bien évidemment, mais tout le reste change. Qui aurait pu se douter ne serait-ce qu'une seconde en 1965 que Ferré, en 1973, remanierait autant sa chanson ? Qui aurait pu se douter qu'il changerait de la sorte de virage artistique ? À noter que, passé 1973, Ferré, chantera de moins en moins cette chanson, refusant catégoriquement qu'elle devienne un hyme. Il en sera de même avec Les Anarchistes. Sinon, musicalement, on est sur un truc de dingue. Avec ces claviers analogiques et surtout ce piano distillant des notes obsédantes qui parfois, malgré une tonalité peu grave, sonnent comme des cloches d'église un jour de funérailles. Du grand art. À noter que sur l'édition vinyle, la chanson n'est pas créditée. Et, lors de l'écoute, elle prend la suite du morceau titre, sans aucune transition. Il faudra attendre la réédition en CD pour qu'elle soit créditée.

Et il y a donc ce morceau... le morceau titre... putain de dieu, j'ai même peur d'en parler pour tout vous dire. Et...Basta ! est une longue diatribe, un long monologue qui dépasse légèrement les 35 minutes! Oui, vous avez bien lu : 35 minutes. Et comme le texte est parlé, je peux vous dire que l'immersion à la première écoute est extrêmement difficile. L'acclimatation exige une patience énorme. Ce morceau ne s'offre pas comme une chanson de variétoche. Ce morceau, il faut l'affronter pour le mériter. Certains diront que j'en fais trop et pourtant... non. Avec Et...Basta !, toute forme de chanson connue est ici allée se faire foutre. Ce morceau étale tous les souvenirs personnels de Ferré. Rien ny échappe. Les blessures, la solitude, ainsi que la désespérance qui est la sienne au moment de l'enregistrement de l'album, ne pouvant voir qu'avec impuissance que mai 68 qui suscita énormément d'espoirs en tous genres, ne fut en fait qu'un coup d'épée dans l'eau. De façon plus ou moins directe, sont évoqués également le mépris auquel le Vieux Lion a dû faire face lors de ses années de vaches maigres, mais aussi quand il a commencé à vivre de ses chansons : Dis-donc Ferré, ça ne te gêne pas de gagner de l'argent avec tes idées ? Non, ça ne me gênait pas non plus de ne pas en gagner avec mes idées, toujours les mêmes ! Vois-tu, la différence qu'il y a entre moi et Mr. Ford ou Mr. Fiat, c'est que Ford ou Fiat envoient des ouvriers dans des usines et qu'ils font de l'argent avec eux. Moi, j'envoie mes idées dans la rue et je fais de l'argent avec elles. Ça te gêne ? Moi non, et voilà ! Ainsi que la trahison, l'amour qui crève et les séparations qui font mal (qu'elles soient amoureuses ou amicales). Clairement, dans ce morceau, Ferré se fout à poil comme il ne l'a jamais fait auparavant et comme il ne le fera jamais plus après. Ce morceau est un monument de noirceur, complexe et qui sort de la tronche d'un mec à la fois en colère et résigné. Musicalement, même si ce n'est pas rock pour un sou, on sent bien l'affection que Ferré avait pour le rock progressif. Écoutez cette musique... Entre ce piano, ces nappes de claviers, ces percussions, ces choeurs limite grégoriens et ces guitares hispanisantes qui interviennent lors des 7-8 dernières minutes, on est sur quelque chose qui vient d'ailleurs, d'une autre planète. Quand on écoute ça, on se demande tout simplement si Ferré était vraiment humain.

À noter qu'en vinyle, le morceau titre est donc séparé en deux parties. La première faisant plus de 17 minutes, 17'32 minutes précisément et la seconde faisant plus de 17 minutes également et plus précisément 17'45 minutes. Ben ouais les mecs, plus de 35 minutes sur une seule face de vinyle... impossible. Mais, je vous garantis que ça fait bien chier d'aller tourner le disque pour aller écouter la suite. Même en vinyle, il aurait fallu qu'on puisse l'écouter d'une traite. Mais bon , le principal est d'avoir l'album chez soi. Ferré était un des rares artistes, si ce n'est le seul, à pouvoir changer complètement quelqu'un, que l'on adhère à ses idées ou non. Et sinon, vous avez remarqué cette pochette ? Cette pochette avec ce corbeau à l'oeil jaune. Sachez tout simplement qu'elle trouve tout simplement son origine dans le texte du morceau titre : Je suis un vieux corbeau qui court après une charogne comme un chien de course après le leurre, je suis un vieux corbeau de la plaine où je vais m'englânant de trucs dégueulasses, de vieilles graines d'homme qu'on a trop employées, je suis un vieux corbeau qui court après une corbeaute, je coasse comme on peut coasser quand on est un vieil oiseau de cinquante-sept piges.

Putain ! J'ai réussi à dire autant de choses sur cet album venant d'une autre planète ? Moi ? Je n'en reviens pas !

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 Face A

Et...Basta ! (Partie 1)

Face B

Et...Basta ! (Partie 2)

Ni Dieu Ni Maître