Les-copains-d-abord

Aujourd'hui est un jour de grand bonheur car voilà que notre Tonton Georges fait son retour. J'aurais préféré, je vous l'avoue que ce soit dans la vraie vie plutôt que sur un blog, mais malheureusement, la résurrection au sens propre du terme n'existe pas. Voici donc Les Copains D'Abord, le dixième album du moustachu de Sète, sorti en 1964. Et cet album est frappé du sceau du changement. La maison de disques est toujours la même, Pierre Nicolas fait toujours partie de l'aventure, c'est sur le plan technique que quelque chose change : cet album est le premier de Brassens à être édité en format 30 centimètres. Tous les autres ayant été édités en 25 centimètres. Donc, qui dit 30 centimètres dit plus de chansons, on en a effectivement deux, voire trois de plus comparé aux albums précédents et surtout, une durée plus longue. Un peu plus de 40 minutes au compteur là où les autres ne pointaient que difficilement à 25 minutes à tout péter. Et, artistiquement parlant, ce disque est une vraie réussite et fait partie des meilleurs de Tonton Georges. Et, comme les précédents, il est sorti sans titre à l'origine mais est maintenant identifié via sa première chanson. 

Comme son nom l'indique, l'album offre donc Les Copains D'Abord, l'une des chansons les plus emblématiques de Brassens qui servira de bande-son aux films Les Copains d'Yves Robert. Pour être franc avec vous, cette chanson n'a jamais fait partie de mes préférées et j'aurais même tendance à m'en lasser. Mais, qui pourra dire que ce n'est pas une bonne chanson ? Mais l'album n'offre que des bonnes chansons. Au pire, certaines sont excellentes, au mieux certaines sont sublimes. Comme Les 4 Z'Arts, chanson parodique relatant un enterrement estudiantin. La chanson est bien évidemment inspirée du Bal Des Quat'z'Arts qui était une fête donnée par les élèves de L'Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris. Cette fête était un carnaval dont les participants, tous déguisés, défilaient dans les rues de la Capitale puis qui faisaient tomber leurs fringues au fur et à mesure que la soirée s'écoulait. Le ton devenait alors plus trivial et la fête se terminait parfois mal. Le Petit Joueur de Flûteau est une pure merveille se déroulant dans un cadre médiéval et qui parle d'un chanteur n'ayant pas d'autre que celle d'être ce qu'il est. Une chanson autobiographique à mots couverts étant donné qu'il avait été proposé à Brassens d'entrer à l'Académie Française, ce qu'il avait refusé car il estimait qu'il n'avait rien à y faire. Et comme il a eu raison de ne pas aller se fourvoyer avec ces écrivains pédants comme pas deux. La Tondue, quant à elle, est un appel à la compassion envers les femmes dites "tondues". Vous savez, ces femmes qui en ont pris plein la gueule à la Libération car elles avaient couché avec un allemand ou qui étaient tombées amoureuses d'un allemand pendant l'Occupation. Le 22 Septembre, en son temps, fit beaucoup parler d'elle. Brassens y rejette catégoriquement la République. La date du 22 septembre n'est pas choisie par hasard puisque c'est un 22 septembre, celui de l'année 1792 que fut proclamée la première République en France. Brassens aurait pu choisir la Deuxième ou la Troisième, mais ça n'aurait pas eu le côté symbolique qui caractérise la chanson. 

Les Deux Oncles, chanson antimilitariste a été pour Brassens une source de vives critiques et a été soumise à la censure. Ce n'est pas le fait qu'elle soit antimilitariste qui a déplu, mais le fait que Brassens, via ces deux oncles, l'un pro-Anglais et l'autre pro-Allemand, dise que maintenant c'est bon, la Seconde Guerre Mondiale est finie et qu'il est temps d'opter pour un rapprochement entre Français et Allemands. Pareils propos ne pouvaient que mal passer à l'époque, la Guerre étant finie que depuis à peine vingt ans. Et, cette chanson est finalement toujours d'actualité vu que, de nos jours, d'un côté on nous dit qu'il faut nouer une amitié franco-allemande, mais de l'autre, on nous assène des documentaires entretenant la haine de l'allemand. Vénus Callypige, étonnement, n'a pas été soumise à la censure. Je dis étonnement car cette chanson est une ode aux belles fesses féminines. Rappelons qu'en 1964, la France était sous le régime Gaulliste. Le Mouton De Panurge est une référence directe au personnage apparaissant dans le Pantagruel de Rabelais. L'expression mouton de panurge désignant aussi quelqu'un qui n'est qu'un suiveur. La Roue Aux Quatre Chansons est une relecture façon Brassens de quatre chansons populaires françaises : Sur La Route De Dijon, Sur Le Pont D'Avignon, Dans La Prison De Nantes et Auprès De Ma Blonde. Une bonne piqûre de rappel pour qui aurait oublié ces chansons. Saturne, pépite absolue, joue sur le cliché véhiculé par les poètes de la Pléiade et consistant à raconter l'histoire d'un poète rencontrant une jeune fille. Mais, comme le temps finit par tout mater, il est conseillé à la jeune fille de vite aimer le poète avant qu'il ne vieillise et ne meurt. Brassens s'amuse de ce cliché en faisant rencontrer au poète une femme d'âge mûr. Exit donc la petite pisseuse. Saturne n'est évidemment pas un nom choisi au hasard car Saturne, dans la mythologie romaine, est le dieu du Temps. Le Grand Pan clôture l'album et c'est une pure splendeur. Pour être honnête avec vous, je n'ai jamais compris de quoi parle cette chanson, mais je crois, j'en suis même sûr, que je m'en fiche totalement tellement cette chanson est énorme. Cependant, j'ai sollicité Clash et il m'a donné une explication sur cette chanson : cette chanson parlerait de la fin de la société imprégnée de religion, Brassens était anticlérical. Il semble vouloir dire comme Nietzsche : "Dieu est mort", tout en prenant soin d'enrober ses propos, soucieux de ne pas heurter une partie de son public. Et, quand on réécoute la chanson ou qu'on y repense simplement, cette explication est plus que recevable.

Vous avez pu constater que je n'ai pas donné d'avis au sujet de certaines chansons, tout simplement parce que je n'ai rien à vous dire de plus à part qu'il faut écouter ces chansons. Vous avez pu également constater que je vous ai offert là une chronique longue et assez scolaire, mais, je crois vraiment que ça s'imposait car les textes des chansons proposées ici, à part celui de la chanson titre, mérite vraiment une explication, les textes étant parfois si complexes qu'il ne donnent pas vraiment d'indice sur leur signification. Toujours est-il que ce dixième album de Tonton Georges est une réussite éclatante et fait donc partie de ses meilleures livraisons. Et, cela va de soi, il est indispensable à tout amateur de vraie bonne chanson française. 

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Face A

Les Copains D'Abord

Les 4 Z'Arts

Le Petit Joueur De Flûteau

La Tondue

Le 22 Septembre

Face B

Les Deux Oncles

Vénus Callipyge

Le Mouton De Panurge

La Roue Aux Quatre Chansons

Le Grand Pan