1978 est l'année Balavoine : il cartonne (enfin) avec son troisième album, Le Chanteur, qui contient deux singles qui marcheront très fort : Lucie et la chanson-titre, surtout, qui fut matraquée 10 fois par jour à la radio et sera un tube monstrueux. Une chanson remarquable, ce qui ne gâche absolument rien. Et l'album, bien que pas parfait tout de même, est lui aussi une réussite. En plus, alors que l'album cartonne, Balavoine enchaîne directement avec l'enregistrement de ses chansons pour Starmania, l'opéra-rock de Berger et Plamondon, qui sera en version scénique en 1979, en avril. On ne va pas revenir sur Starmania, culte et grandiose collection de chansons (et opéra-rock dde science-politique-fiction plutôt très très bien écrit), qui fut rebooté plusieurs fois, y compris dans d'autres langues que celle de Molière. Bref, 1978, Balavoine est, enfin, au sommet. En juin, Balavoine entre en studio, tout auréolé de gloire, afin d'enregistrer son quatrième album. Barclay, qui mis à part son directeur artistique Léo Missir, ne croyait plus trop en lui, a totalement changé son fusil d'épaule. Si Balavoine veut chanter le bottin téléphonique de la Saône-Et-Loire en russe avec du reggae comme accompagnement, quil le fasse, c'est open bar. Personne ne peut se douter de ce qui va se produire.
Sorti en octobre 1979, l'album, le plus court du bonhomme (34 minutes), s'appelle Face Amour/Face Amère, et il se vendra à 130 000 exemplaires. Le Chanteur a accompli l'exploit de se vendre à 800 000, lui ! Bref, c'est à nouveau un bide commercial, Balavoine se retrouve dans une position assez étrange : auréolé du succès monstrueux de son précédent opus, entaché du bide de son nouveau, il ne sait probablement pas trop ce qui lui est arrivé. C'est simple : Le Chanteur a tellement marché qu'il a foutu en l'air toute chance de récidive. Face Amour/Face Amère, que Balavoine qualifiera de sinistre par la suite (il clame, dans la courte chanson-titre, le droit au désespoir), est un disque sombre, amer, on sent que Balavoine, surpris par le succès prodigieux de son précédent album et par sa soudaine notoriété, a trouvé que tout était allé un peu trop vite et ne le représentait pas vraiment. Enregistré avec ses habituels musiciens, ici crédités, pour la première fois, sous un nom de groupe (Clin D'Oeil), l'album offre trois singles : Me Laisse Pas M'En Aller, Dancing Samedi, Tu Me Plais Beaucoup. La première, construite sur le même principe que Le Chanteur, ne marchera pas, et je ne parle même pas des deux autres, qui ne sont pas mauvaises, mais n'avaient, franchement, que peu de chances de faire leur trou dans les charts. L'album est, autant le dire, une vraie réussite, majeure, un des meilleurs du chanteur du Chanteur, mais ça, il faudra du temps pour s'en rendre compte. En 1979, c'est la douche froide.
La pochette semble d'ailleurs, quelque part, le prédire involontairement. Au recto, Balavoine est au sommet, littéralement. Au sommet d'un mont enneigé, il brandit fièrement le drapeau français (de la chanson française ?) vers le ciel, on ne voit, derrière lui, que le ciel, des nuages et les sommets de quelque montagnes. Au verso, on le voit de dos, et on se rend compte que la montagne gravie est un petit tas de neige dans une station de sports d'hiver, près des remontées mécaniques. Autodérision salutaire de la part du chanteur, mais aussi, indirectement, signe d'une rapide redescente : il n'est peut-être pas au sommet, tout compte fait, succès rapide mais éphémère, il prend son ticket comme les autres chanteurs qui attendent leur tour de succès derrière lui. Bien entendu, dès l'année suivante, Balavoine va reconnaître le succès, et cette fois-ci, ça sera du définitif. En attendant, il sort ce disque mal-aimé à l'époque, insuccès malvenu et injustifié, l'album étant, franchement, une incontestable réussite. Quiconque n'a jamais entendu Rougeagêvre (qui s'achève sur des guitares bien rock, solo de dingue), Me Laisse Pas M'En Aller, Dancing Samedi, Toi Et Moi (court mais efficace) et Pauvre Bobby ne sait pas, je pense, à quel point cet album est un des meilleurs sortis en France à la fin des années 70. Ce disque de 79, constitué d'une face amour et d'une face amère (évidemment) plutôt que d'une face A et d'une face B, est donc remarquable. L'année suivante, Balavoine nous embarquera dans un autre monde...j'en reparle demain !
FACE A (Face Amour)
Face Amour/Face Amère
Toi Et Moi
Me Laisse Pas M'En Aller
Love Linda
Tu Me Plais Beaucoup
FACE B (Face Amère)
Ces Petits Riens
Dancing Samedi
Pauvre Bobby
Drôle De Galaxie
Rougeagêvre
Quant à Me Laisse Pas M'en Aller, effectivement basée sur le même moule que Le Chanteur, elle est largement meilleure que son modèle