On va reparler un peu de ce groupe mythique des 60's et désormais, hélas, retombé dans un gros et profond oubli : Jefferson Airplane. Quand je dis que le groupe est tombé dans l'oubli, je n'exagère qu'à peine : Jefferson Airplane reste un nom connu, et synonyme de l'ère hippie/flower power/psychédélique/fume, c'est du bon/où sont mes buvards ?, mais si on les compare à Hendrix, aux Doors ou aux grosses valeurs sûres que sont les Beatles et les Stones, y'à pas photo, c'est pas la même chose. Pourtant, le groupe de la chanteuse Grace Slick a de quoi être mémorisé : des albums prodigieux (After Bathing At Baxter's, Volunteers, Surrealistic Pillow), des chansons géniales (Somebody To Love, White Rabbit, Eskimo Blue Day, Young Girl Sunday Blues...), une chanteuse (ben, Grace Slick) iconique de son époque, et possédant une voix assez imparable, même si elle en faisait parfois un peu trop dans ses vocalises, des musiciens géniaux (le bassiste Jack Casady, le guitariste Jorma Kaukonen, qui fonderont Hot Tuna par la suite ; mais aussi Paul Kantner), des pochettes géniales... Tiens, en parlant de pochette, celle de cet album est particulièrement réussie. Si, si, je vous assure. Bon, c'est vrai, on dirait une boîte à cigares, mais c'est parce que ç'en est une, de boîte à cigares. En carton à pochette, certes, mais tout de même. Car la pochette de cet album, Long John Silver, sorti en 1972 et dernier album studio du groupe, est constituée d'un pré-découpage et pré-pliage permettant de la transformer en boîte à cigares. Par contre, une fois que la boîte est construite, on ne peut plus y mettre le disque (glissé dans une sous-pochette proposant les paroles d'un côté, et une photo de neuf cigares - et il y à 9 chansons sur l'album, évidemment, une par cigare), ce qui est bien con, donc, si vous achetez ce disque en vinyle, que ce soit en réédition ou en occasion et en état parfait, c'est à dire, non modifié, réflechissez bien avant de jouer au petit fabricant de Roméo Y Julieta.
Illustration ornant l'intérieur du 'couvercle de la boîte' (intérieur de pochette, donc)
Ceci est le dernier album studio de l'Airplane. Peu après, le groupe va exploser. Casady et Kaukonen ont formé Hot Tuna (du blues-rock un peu psyché) en 1969 et continueront dans ce groupe, le reste du groupe se resolidarise en Jefferson Starship. Puis, encore quelques années plus tard, en un simple Starship (vous vous rappelez le tube pop FM/New-wave Nothing's Gonna Stop Us Now, sorti dans le début des 80's ? C'était eux !). Trois groupes (quatre en comptant Hot Tuna) en un, quasiment du jamais vu ! Pour en reviendre à Long John Silver, album cité dans le Carrie de Stephen King (ce qui ne signifie rien quant à sa qualité, c'est juste une anecdote sans intérêt), c'est un album généreux (42 minutes) sorti par un groupe quasiment à plat, mais agrémenté, à l'époque, du violoniste Papa John Creach. Est-ce un grand album ? Sincèrement, non. Ce n'est pas non plus une merde abyssale à faire pâlir tous les Marquis de Sade, à faire rougir les putains de la rade, à faire crier grâce à tous les échos, à faire trembler les murs de Jéricho (qui a dit je vais t'aimer, qu'il se dénonce, le salopiot ?), mais on est clairement en présence d'un album honnête mais secondaire, qui achève correctement, mais pas plus, une discographie qui, jusque là, n'avait d'ailleurs rien de honteux. Aucune merde, quelques grands crus, Long John Silver fait partie du bas du panier mais c'est un bas de panier qui vaut bien le haut du panier de groupes moins talentueux. Essentiellement chanté par Grace Slick, l'album contient cependant deux chansons (Trial By Fire, et le long Alexander The Medium) interprétées par, je crois, respectivement Kaukonen et Kantner (Slick chante cependant aussi sur la seconde). Slick, quant à elle, en fait parfois vraiment un peu trop dans son registre de vocalises timbrées, un dirait parfois une banshee atteinte de colique, mais sa voix si particulière fait tout de même son petit effet sur le morceau-titre, Easter ?, Eat Starch Mom et The Son Of Jesus.
Long John Silver n'offre, en fait, aucune mauvaise chanson, sérieusement, même si Milk Train en est incontestablement le maillon faible (mais le morceau étant le plus court du lot, ce n'est pas grave). On ne peut pas comparer positivement ce disque avec le chef d'oeuvre de 1967 After Bathing At Baxter's, mais on n'est pas vraiment dans le même registre ; ici, tout en étant encore un peu psychédélique, Jefferson Airplane livre un album plus rock classique, parfois un peu heavy, et moins aventureux et lysergique. Ce n'est pas le disque idéal pour découvrir le groupe, mais il serait tout de même dommage de passer à côté, même s'ils ont fait nettement mieux. C'est un honnête album, mal situé dans leur discographie, car pas non plus l'album idéal pour une fin de parcours. J'avoue, je l'aime plutôt bien, même si je ne le ressort pas souvent de sa pochette. Notons, en final, que l'édition CD de l'album ne permet évidemment pas de le transformer en boîte à tiges à cancer. Privilégier, donc, le vinyle ; rien que pour sa pochette originale, c'est un ajout indispensable à toute collection vinylique qui se respecte, et rien que pour ça, je suis content de l'avoir !
FACE A
Long John Silver
Aerie (Gang Of Eagles)
Twilight Double Dealer
Milk Train
The Son Of Jesus
FACE B
Easter ?
Trial By Fire
Alexander The Medium
Eat Starch Mom