S1

Oui, c'est une sorte de petit cycle 'musique de film' en ce moment, entre les articles sur les scores des trois premiers films de Dario Argento et cet article-ci. Mais je pense qu'une fois le dernier article sur Argento/Morricone publié, ça s'arrêtera (temporairement) là sur le blog. En même temps, ce sont des albums que j'avais vraiment envie d'aborder, et celui-ci, notamment, plus que tout autre. Cet album, sorti en 1977, est la bande-son du film Sorcerer (alias, pour son titre français d'époque, Le Convoi De La Peur), film de William Friedkin, remake du Salaire De La Peur de Clouzot et donc deuxième adaptation (très libre, celle-ci) du roman de Georges Arnaud. Encore une fois, pour plus d'info sur le film, allez sur mon blog cinéma, "Mes Films De Chevet" (lien quelque part dans la colonne de droite), mais sachez que ce film, qui pendant des années sera introuvable (en 2015, il sera rediffusé à la TV et sortira enfin en DVD et blu-ray, en version restaurée), est un chef d'oeuvre total, un monument de cinéma à l'ancienne, au tournage difficile et sans trucages (sauf la séquence, illustrée sur la pochette de l'album de la bande-son, du pont), à l'interprétation criante de réalisme, à l'atmosphère poisseuse, au rythme lancinant et au suspense cruel. Le film sera, à sa sortie en 1977, un retentissant échec commercial, mais alors quelque chose de bien, un four monstrueux et difficilement explicable autrement que par le fait qu'en 1977 sortait La Guerre Des Etoiles, et que face à un tel film, même sans sortir en même temps que lui, peu avaient d'espoirs de marquer l'année. La concurrence, face à ce nouveau cinéma blockbuster, était trop rude. 

S2

Mais on est là pour parler musique, non ? Celle de ce film est signée du groupe de musique électronique allemand Tangerine Dream. Sauf erreur de ma part, ce fut leur première musique de film, mais pas la dernière. D'ailleurs, à ce sujet, il faut souligner un truc assez amusant (enfin, pas pour le groupe, je pense), c'est que plusieurs des films importants dont Tangerine Dream a signé la bande originale furent des échecs commerciaux : Sorcerer donc, mais aussi La Forteresse Noire de Michael Mann (dont une édition DVD serait tout sauf du luxe...), Legend de Ridley Scott (en Europe, la musique du groupe a été remplacée par un score de Jerry Goldsmith). Pour en revenir à Sorcerer, l'album de la bande-son, il est indiqué au dos de pochette, dans un long texte signé William Friedkin, que le groupe a composé cette musique sans rien voir du film, qui était d'ailleurs encore en tournage quand Friedkin a reçu des bandes de la part du groupe, pour approbation. Et pourtant, tout colle parfaitement. Friedkin a eu l'idée de collaborer avec ce groupe après les avoir rencontrés (et écoutés) en 1974, alors qu'il était en promotion de L'Exorciste. Il dira que s'il avait eu connaissance du Dream avant de faire son film, il leur aurait demandé d'en signer la bande-son. Le film en aurait été différent, certainement, mais è una storia diversa. L'album Sorcerer du Dream, entièrement instrumental, long de 44 minutes, troisième meilleure vente britannique de l'histoire du groupe, est une bande-son exemplaire pour un film qui, sans elle, serait tout de même remarquable, mais, putain, il y manquerait quand même quelque chose. 

S3

Musicalement, cet album monolithique est assez flippant (Main Title, Grind (qui survient dans le film dans ce passage à la fois angoissant, comique et horripilant où un Indien - pas un native, mais un d'Amazonie - fait la course avec un des camions de nitro, grimpe dessus, se met face à lui sur la route pour le ralentir et le défier, l'air de dire je suis un homme costaud, un guerrier, tu ne me fais pas peur, tout ça au risque de provoquer un accident mortel, le moindre choc violent pouvant faire sauter les caisses de nitro), Betrayal (Sorcerer Theme) ou Abyss posssèdent des atmosphères sinistres, glauques). Claviers divers et en pagaille, guitares filtrées, tout concourt à faire de cette musique de film un grand moment du genre, ainsi qu'un grand moment d'ambient, qui fonctionne parfaitement sans le film. On peut écouter cet album sans cesse, sans lassitude. On aura à chaque fois envie de se refaire le film, on aura les images les plus marquantes (le camion qui oscille dangereusement, par temps pluvieux, sur une passerelle des plus instables ; le tronc d'arbre dynamité pour libérer la route ; l'hallucinatoire traversée des montagnes ; et ce final, au moins aussi nihiliste que celui du film de Clouzot, mais différent) en tête. Mais même sans avoir vu le film, on peut totalement apprécier l'écoute de cet album vraiment réussi, angoissant au possible et assez varié, tout en étant, du début à la fin, imprégné de cette même ambiance poisseuse, mortifère et oppressante. 

FACE A

Main Title

Search

The Call

Creation

Vengeance

The Journey

FACE B

Grind

Rain Forest

Abyss

The Mountain Road

Impressions Of Sorcerer

Betrayal (Sorcerer Theme)