Pour ce nouveau et 354ème track-by-track, il va être question de reggae et du deuxième opus solo de Bob Marley. Enregistré en 1975 et sorti en 1976, ce disque s'est littéralement fait chier dessus par la critique qui s'attendait sans doute à recevoir une nouvelle livraison similaire à Natty Dread (1974). Si cet album contient quelques chansons engagées, le ton est bien plus pop, bien plus accessible. Pour quel résultat ? L'album a cartonné dans les charts et dans les bacs. Il fut le plus grand succès de son auteur de son vivant ainsi que son premier succès aux Etats-Unis. Il y a une justice. Et c'est un bon gros doigt dans le derche de la critique. A noter également qu'à l'exception d'une chanson, toutes les autres ne sont pas créditées au nom de Marley. Bob les a bien écrites, mais pour éviter de se faire entuber par les maisons de disques, il les a créditées au nom de sa femme, de ses zikos ou de ses potes. Et, pendant les sessions d'enregistrements, deux chansons (Jah Live et Roots) furent écartées. La première se retrouvera sur l'édition remasterisée de 2001 et l'autre ne sera jamais incluse. On dit également que I Know (que l'on retrouvera sur le scandaleux posthume Confrontation (1983) fut enregistrée pendant ces sessions). Ce disque remarquable (track listing d'origine), le voici, décortiqué :
Positive Vibration : La face A s'ouvrait donc avec Positive Vibration. Que dire, si ce n'est que nous sommes en présence de l'un des (nombreux) classiques du répertoire du jamaïcain. Cette chanson, que Bob jouera souvent lors de ses concerts constitue une entrée en matière imparable. Rythme parfait, durée idéale (3'35) et aucun ennuie tout au long de l'écoute. C'est vraiment excellent. Postive Vibration, yeah comme il le chante !
Roots, Rock, Reggae : Un peu de légèreté avec cette seconde chanson. Comme le titre le laisse présager, on va se bouger un peu sur ce titre. Taper du pied si on est assis et tapoter sur le volant si on est en voiture. Une chanson efficace comme un coup de boule. Le rythme, tout comme celui de la chanson précédente, est parfait. Il en va de même pour la longueur (3'40). Pas une seconde d'ennui. On oubliera pas de mentionner de courts mais excellents riffs de guitare ainsi qu'une partition de saxo qui colle nickel à l'ensemble. Encore une excellente chanson pour ce disque. Dance 'cause we are free.
Johnny Was : Changement de ton radical avec cette chanson. Ici, le sujet est grave : Woman hold her head and cry. Cause her son had been shot in the street and died. From a stray bullet. On nous parle d'une femme qui pleure, la tête dans les mains car son fils s'est pris une balle perdue. Evidemment, de tels vers renvoient automatiquement au climat délétère qui régnait en Jamaïque à l'époque. L'île étant en proie à des problèmes sociaux et politiques. Marley en parle en long, en large et en travers dans son opus solo précédent. Grande chanson que ce Johnny Was. Une des meilleures de l'album. Même si elle n'est pas celle qui s'apprécie le plus à la première écoute. Pour ma part, il m'en a fallu pluieurs pour bien l'apprivoiser et l'adorer. Troisième chanson, troisième réussite. Ne vous avais-je pas dit qu'il est top cet album ?
Cry To Me : Après une chanson sublime et déchirante, on revient à de la légèreté. A beaucoup de légèreté même et franchement, ça fait du bien par où ça passe. Ici, Marley n'a eu nul autre objectif que de se faire plaisir. Rien à dire de plus si ce n'est que ce Cry To Me, s'il n'est pas le sommet de l'album est très frais, très entraînant et se boit comme du petit lait. Le sans-fautes continue pour ce Rastaman Vibration.
Want More : Attention ! Pour ce cinquième titre, voici une putain de tuerie qui s'offre à vous. Je ne vois pas quel autre mot convient pour cette chanson. Ça commence tranquillement avec les percussions inhérentes au reggae, suivies d'un riff de guitare sur lequel Bob chante : Now you get, what you want, do you want more ? Des mots qu'il répètent une seconde fois avant que la chanson ne prenne définitivement son envol. 4'15 de bonheur total agrémentées en plein milieu d'un solo de guitare qui donne encore plus de cachet à tout ça. Un sommet, tout simplement. Et je trouve bien dommage que cette chanson ne soit pas considérée comme un classique de son auteur. You think it's the end, but it's just the beginning.
Crazy Baldheads : Nouveau grand moment avec ce Crazy Baldheads. Le titre parle de lui-même : folles têtes chauves, si on le traduit littéralement. Bien entendu, la chanson nous parle des Skinheads. Inutile de rappeler ce qu'étaient les Skinheads, tout le monde le sait. Le sujet a fait couler bien de l'encre au cours des années 70. La chanson est tributaire d'un texte très engagé. Chase those crazy bladheads out of the town sont, notamment, les mots que l'on peut y entendre. Tous les énumérer serait possible bien sûr, mais, il vaut mieux écouter la chanson. Laquelle est excellente, d'une durée idéale (3'15) et dans laquelle la basse de Barett, bien lourde, fait des ravages. Encore une réussite.
Who The Cap Fit : On en vient maintenant à la chanson que j'aime le moins sur cet album. Mais gaffe, ce n'est parce qu'elle est celle que j'aime le moins qu'elle n'est pas réussie ! Bien au contraire. Ici, on nous parle de la versatilité de l'Homme. Comment son attitude se transforme au gré des situations que l'on rencontre dans la vie. Your worst enemy could be your best friend. And your best friend, your worst enemy sont parmi les mots que l'on peut entendre. Certes, le message n'est pas des plus poussés. Ce que chante Marley pourrait être qualifié de banalités, mais ce qu'il chante a au moins le mérite de se vérifier chaque jour. Et les gens malheureusement trop naïfs seraient bien inspirés d'écouter cette chanson et d'en lire le texte juste une seule fois pour éviter des déconvenues pouvant conduire à des issues malheureuses. Comme je l'ai dit plus haut, cette chanson est celle que j'aime le moins, mais elle est tout de même excellente.
Night Shift : Dans sa jeunesse, Bob Marley a exercé pleins de petits boulots avant de devenir la star qu'il est devenu. Dire qu'il en a chié grave pour se faire un nom dans la musique relève du pléonasme. Et, parmi ces petits boulot exercés, il y avait celui d'apprenti soudeur dans un entrepôt et intégré à une équipe de nuit. Le sujet de la chanson, c'est ça. Et Bob, qui garde certainement des souvenirs douloureux de ce petit boulot, les exprime non sans une pointe d'ironie. Musicalement, c'est encore une fois super efficace. Et encore une fois, d'une durée au poil (3'12). A (re)découvrir. And if it's all night, it got to be alright.
War : Inspirée par un discours prononcé par l'empereur éthiopien Haïlé Sélassié Ier à l'Assmeblée générale des Nations Unis le 4 octobre 1963, cette chanson est un putain de classique du jamaïcain et est aussi le sommet absolu de l'album. Ni plus, ni moins. Et, cette chanson était aussi importante pour Bob puisqu'il la jouera à chacun de ses concerts en la doublant tout le temps avec No More Trouble issue, elle, du Catch A Fire des Wailers, enregistré en 1972. Lequel était au passage un album remarquable également. Pour en revenir à War, en fait, que dire de plus que ce que l'on a déjà dit ? Rien. Il suffit juste d'écouter et d'apprécier la chanson à sa juste valeur. Immense, tout simplement. War in the East, war in the West, War up North, war down South...
Rat Race : Dixième et malheureusement, dernière chanson de l'album. Et, le moins que l'on puisse dire au sujet de Rat Race, c'est qu'en plus d'être un nouveau témoin du climat de violence qui régnait en Jamaïque au beau milieu des années 70, elle conclue l'album de façon imparable et en constitue un nouveau sommet. 2'50 seulement au compteur pour cette chanson, mais 2'50 de bonheur pur et dur avec des paroles en béton. Encore une chanson de Bob quelque peu oubliée et qui mériterait une réhabilitation. Oh, it's a disgrace, to see the human race, in a rat race...
Voilà ce qu'est donc ce Rastaman Vibration : une tuerie de reggae du début à la fin. Un disque qui a sa place toute trouvée dans n'importe quelle discothèque et qui saura ravir même ceux qui n'ont pas d'affinités ni avec le genre, ni avec Bob Marley. Pour ma part, je le classe premier de mon top 3 Marleyien. Devant Natty Dread et devant... Exodus !
Face A
Positive Vibration
Roots, Rock, Reggae
Johnny Was
Cry To Me
Want More
Face B
Crazy Baldheads
Who The Cap Fit
Night Shift
War
Rat Race