Bon, autant le dire tout de suite : je n'ai pas acheté ce disque. Mais je l'ai, en vinyle, d'époque, pressage Bronze (nom du label, qui avait aussi signé Motörhead, autrement dit, ils ratissaient large), reçu en bonus d'une commande d'un autre album (d'Alice Cooper) que j'ai, lui, acheté. Et quand j'ai déballé le colis et constaté le cadeau, j'étais vraiment content (ça fait toujours plaisir), mais aussi quelque peu interloqué. Je connaissais de nom ce groupe (le Earth Band de Manfred Mann, groupe anglais mais le claviériste est sud-africain), mais je n'aurais sans aucun doute jamais pensé à acheter un de leurs disques, surtout en vinyle. Bon, c'est l'occasion ou jamais de découvrir quelque chose, c'est comme ça que j'ai découvert Man (ayant reçu un de leurs albums, Slow Motion, en cadeau bonus d'une commande et ayant ensuite obliqué vers le monumental live Maximum Darkness) après tout. Mais là, je ne savais pas trop... plein de chose me hurlaient nanar ! nanar ! à la face : l'année de sortie (1983), la pochette (hideuse et ridicule, je parle du recto, car le verso montre une carte détaillée de l'Afrique du Sud), et je ne sais pas, le nom du groupe, à la fois connu et vaguement flou dans ma mémoire, me fait penser à Barclay James Harvest (qui faisait du rock progressif à tendance pop à la même époque), groupe que je n'ai jamais pu encadrer au final. Oui, ce disque de Manfred Mann's Earth Band, quelque part, c'est du rock progressif, je le classe d'ailleurs là-dedans. Mais Somewhere In Afrika, c'est aussi et surtout autre chose : de la world.
Verso de pochette, aussi beau que le recto est immonde
Et autant le dire, c'est aussi et surtout un excellentissime album que j'ai adoré dès la première écoute, ainsi qu'aux suivantes, et qui doit faire partie des albums que j'écoute le plus souvent en ce moment, sincèrement. Pas pour me forcer à aimer, je viens de dire que je l'aime. Mais pour voir s'il tient la route, s'il tient le cap d'un certain nombre d'écoutes, et pour le moment, c'est le cas en ce qui me concerne. Somewhere In Afrika est peut-être le meilleur du groupe, ou leur pire, je ne sais pas, car je n'ai pas spécialement envie de poursuivre ma découverte de la discographie de ce groupe. J'aurais trop peur soit d'être atrocement déçu par les autres albums par rapport à celui-ci, soit, au contraire, de trouver au final que Somewhere In Afrika (la manière décrire le nom du pays, avec un k, fait très afrikaans, ce qui, compte tenu du sujet de l'album, est normal) n'est finalement pas bon par rapport aux autres. Car pour moi, putain, il l'est. Ce disque a été enregistré avec des musiciens africains (mais pas que), et est centré autour de l'Afrique, de l'Afrique du Sud précisément, et de l'Appartheid. Trois ans avant le Graceland de Paul Simon et le fameux Sun City de 'Miami' Steve Van Zandt (vous vous rappelez, cet album-collectif anti-Appartheid, cette chanson géniale et chorale avec notamment Bono, Springsteen, Pat Benatar ?), mais trois ans après Peter Gabriel et son Biko, Manfred Mann's Earth Band livre un disque engagé et conceptuel. Somewhere In Afrika, enregistré à Londres, Greenwich et Stockholm entre 1981 et 1982, aborde un sujet qui fâche (Paul Simon se fera taper sur les doigts pour avoir osé enregistrer en Afrique du Sud) et parle des Bantoustans, ces régions créées, durant l'Appartheid, par le gouvernement afrikaner, afin d'y regrouper les populations noires, des sortes de ghettos à ciel ouvert baptisés homelands en anglais, tuislands en afrikaans. Les familles n'y étaient même pas réunies, la plupart du temps.
Originaire d'Afrique du Sud (né à Johannesburg, dans la région sud-africaine du Transvaal, un 21 octobre ; ma date de naissance, année exceptée, lui est né en 40), Manfred Mann quittera son pays en 1961, étant ouvertement anti-Appartheid. On comprend donc que, tôt ou tard, la question de faire un disque engagé sur le sujet serait arrivée. L'album, qui contient quelques reprises (Demolition Man de The Police, et une sublime et africanisée version de plus de 7 minutes du Redemption Song de Bob Marley & The Wailers), est remarquable du début à la fin, et propose une face assez pop/rock (Eyes Of Nostradamus, la reprise de Police, Tribal Statistics) et une face plus centrée world, avec la reprise de Marley et surtout, une Africa Suite de quatre morceaux (totalisant un peu plus de 8 minutes et réunie, en CD, sur une seule plage audio apparemment), qui démarre par une reprise de Brothers And Sisters Of Azania, le morceau achevant la face A. On y trouve du chant africain (traduit en anglais sur la sous-pochette proposant les paroles, y compris des reprises, ce qui n'est pas courant quand il s'agit de reprises, pour des raisons, souvent, de droits), des atmosphères qui ne sont pas sans rappeler les passages les plus world du futur Graceland de Simon. On y trouve aussi des ambiances un peu progressives, et encore, pas tant que ça. C'est parfois imprégné de hard-rock. C'est un disque difficilement classable, mais franchement remarquable. On notera que la version américaine de l'album possède un tracklisting assez différent, on y trouve deux titres (Rebel, Runner) qui sont royalement absents de la version originale, et un ordre différent pour les morceaux. Somewhere In Afrika est un excellent album que je conseille, par curiosité, ne vous fiez pas à sa pochette, vraiment moche et ridicule (mais elle contient quand même un message : un homme blanc et un homme noir ; oui, je sais, c'est facile, mais c'est pas moi qui l'ai faite, cette pochette, en même temps) !
FACE A
Tribal Statistics
Eyes Of Nostradamus
Third World Service
Demolition Man
Brothers And Sisters Of Azania
FACE B
Africa Suite :
a) Brothers And Sisters Of Africa
b) To Bantustan ?
c) Koze Kobenini ? (How Long Must We Wait ?)
d) Lalela
Redemption Song (No Kwazulu)
Somewhere In Africa