...S'il vous plaît, épargnez-nous les soirs à passer, en couple, à regarder passer les masses, et les dimanches à parader dans les allées du centre commercial de Meadowhall. Nous ne voulons pas d'une vie pareille. C'est mauvais pour la santé. Faites quelque chose, ou alors c'est rideau (à partir du moment où ça ira bien avec les murs et le sofa). Si ça, c'est pas de la note de pochette ! Pour info, c'est une traduction incomplète et personnelle et donc pas forcément super fiable (même si mon niveau d'anglais est, sans me vanter, excellent), d'un texte situé au dos du boîtier CD de cet album sorti en 1994. Cet album est le quatrième de Pulp, groupe de rock britannique fondé en 1978, et oui, aussi tôt que ça. Leur premier album, un EP à la qualité globalement moyenne (du rock indépendant à la sauce new-wave/folk), It, date de 1983. Freaks, leur deuxième opus, et le premier de longue durée, est sorti en 1987 et n'est pas non plus génial. Separations, en 1992, est déjà un peu mieux, mais tout de même loin de ce que le groupe de Jarvis Cocker (originaire de Sheffield comme un autre Cocker avec lequel il n'a pas de liens, Joe) fera par la suite. Et cette suite démarre là. En 1993, le groue sort une compilation, un best-of, ce qui peut sembler étonnant vu la qualité franchement moyenne (et pas très commerciale) du début de leur carrière. Et le groupe, la même année, et d'ailleurs avec ce best-of, est signé sur un gros label, Island Records, le label de U2, Bob Marley & The Wailers et PJ Harvey.
Entre 1992 et 1994, le groupe, alors constitué de Cocker (chant, claviers, guitare), Russell Senior (guitare, violon, basse), Candida Doyle (claviers divers et variés), Steve Mackey (basse) et Nick Banks (batterie et percussions), enregistre son quatrième album, qui sortira en avril 1994 et s'appelle His 'n' Hers. La pochette est une relecture peinte d'une photo du groupe. Le livret est des plus sobres, une feuille cartonnée pliée en deux, avec les imposantes paroles des 11 chansons dedans, proposées en gros blocs, et avec cette désormais fameuse mention : s'il vous plaît, merci de ne pas lire les paroles pendant l'écoute de l'album. En anglais dans le texte, évidemment. On sent le sens de l"humour typiquement british de Cocker (auteur de tous les textes), penchez-vous sur les paroles (mais merci de ne pas écouter l'album en même temps, hein ?) et vous vous en rendrez compte. L'album aligne 11 merveilles le temps de 51 minutes absolument admirables, et est considéré comme le breakthrough album de Pulp. Celui par lequel tout a démarré. C'est totalement vrai, et absolument justifié, la qualité, ici, étant un milliard de fois supérieure au meilleur des trois précédents opus qui ne sont à écouter que si on est fan acharné du groupe. 1994 est une grande année britpop : Parklife de Blur, Definitely Maybe d'Oasis...et cet album. Si le Blur est probablement le meilleur des trois, le Pulp n'en est pas le moins bon (problème de logique simple : qui est le moins bon, alors ? Vous avez quatre heures). On y trouve des morceaux aussi monstrueux que She's A Lady (presque 6 minutes de tuerie électro/pop, une montée en puissance avec la si caractéristique voix de lad ennuyé de Jarvis Cocker et son accent du Yorkshire), Do You Remember The First Time ? et Joyriders, sans oublier Babies.
Aucune chanson n'est foirée sur ce His 'n' Hers ("pour lui et pour elle") très bien produit. On sent cependant que, bien qu'ayant effectué avec ce disque un pas en avant considérable, Pulp n'est pas encore au maximum de leur capacité. Different Class, sorti l'année suivante, est encore meilleur (et renferme quelques uns des plus gros hits du groupe : Sorted For E's & Wizz, Common People, F.E.E.L.I.N.G.C.A.L.L.E.D.L.O.V.E., Disco 2000, I Spy). La suite sera elle aussi d'un acabit assez imposant, This Is Hardcore (dernier opus en date à ce jour, Cocker s'est ensuite tourné vers une carrière solo et des productions), bien qu'un peu long, est lui aussi essentiel à tout fan de britpop. Mais ce quatrième album de Pulp, ce His 'n'Hers de 1994 à la pochette bien sympathique, fait partie des essentiels de britpop lui aussi, un album magnifique et quasiment parfait, rempli de chansons super efficaces (Lipgloss, She's A Lady, Pink Glove) remarquablement produites, écrites et interprétées. Un pur régal dans son genre, qui renvoie Oasis loin, très loin (Oasis a toujours été plus direct, rock couillu et ras-du-front qu'intellectuel, tandis que Pulp, avec ses textex léchés et ses arrangements chiadés, fait plus subtil et recherché), et pourtant, les Gallagher Brothers sortaient leur excellentissime premier album en cette même année (et allaient, en 1995 et 1997, sortir deux autres albums franchement surpuissants, bien que Be Here Now soit trop long). Bref, je suis nettement plus Pulp qu'Oasis. De toute façon, allez en magasin, et constatez par vous même : de l'Oasis, c'est sans pulpe !
Joyriders
Lipgloss
Acrylic Afternoons
Have You Seen Her Lately ?
Babies
She's A Lady
Happy Endings
Do You Remember The First Time ?
Pink Glove
Someone Like The Moon
David's Last Summer
