Encore un peu de Yoko ? Ah, j'espère que vous n'allez pas me crier non ! car après cette chronique, j'ai bien l'intention d'aborder un autre album de Mrs. Lennon, les gars. Après, oui, promis, ça sera probablement terminé. Après avoir abordé ici, il y à longtemps (et dans une chronique du genre assassine, d'ailleurs, ce qui ne serait probablement plus le cas si je devais réaborder le disque), son premier album solo, Yoko Ono/Plastic Ono Band (1970, sorti en même temps que celui de John Lennon, avec une pochette similaire, mais niveau contenu, on ne peut pas dire la même chose), j'avais mis du temps avant de reparler de Yoko. Si ce n'est en abordant les albums qu'elle a fait avec Lennon (les albums avant-gardistes, le Live Peace In Toronto et les Some Time In New York City, Double Fantasy, Milk And Honey). Récemment, il y à dans les deux mois, j'ai enfin proposé des chroniques pour les double albums Fly (1971, son Imagine à elle, surtout d'un point de vue graphique) et Approximately Infinite Universe (sorti en début 1973, enregistré fin 1972), deux albums loin d'être inintéressants, surtout le deuxième (Fly étant un peu trop abrupt et chelou par moments). En cette même année 1973, alors que son Johnnynouchet d'amour est en train d'enregistrer son Mind Games (à la suite duquel le couple se séparera pendant un an et demi, lui partant vivre à Los Angeles, et elle restant à New York ; et ce, afin de ressouder leur couple qui commençait à se faner un peu), la Nipponne ni mauvaise enregistre un album solo qui sortira en novembre 1973 sous une sublime pochette : Feeling The Space.
L'album offre 12 titres, pour 45 minutes. Dernier album que Yoko sortira sur Apple Records, il aurait dû être double (comme les deux précédents...), mais allez savoir pourquoi, Apple renâclera à sortir un troisième double album studio consécutif signé d'une artiste qui, déjà à l'époque, était quasi unanimement détestée des fans des Beatles et du monde du rock, à quelques exceptions probables. La Courtney Love de l'époque devra donc se résigner à sortir un album simple, la pôvrette, va (dit-il avec l'accent du midi). Comment aurait été Feeling The Space s'il avait été double ? On ne le saura jamais (Yoko sortira, au Japon, certaines des chansons retirées en tant que singles). En tant que tel, s'il n'est pas le meilleur album de Yoko (car, oui, elle a fait de très bons trucs, Approximately Infinite Universe, et Season Of Glass, que j'aborderai dans un futur proche), ce disque à la pochette égyptienne, et ultra féministe dans ses thèmes (Male chauvinist pig engineer, qu'on entendait Yoko proclamer en intro de son Sisters, O Sisters, sur Some Time In New York City), est loin d'être négligeable et mauvais. Il a été enregistré avec des musiciens de haute volée, tous ayant joué aussi sur Mind Games de Lennon : David Spinozza (guitare), Jim Keltner (batterie), Michael Brecker (saxophone), Sneaky Pete Kleinow (pedal steel guitar), Ken Ascher (claviers), Gordon Edwards (basse), Rick Marotta (batterie sur If Only). Un certain John O'Cean joue de la guitare sur She Hits Back et Woman Power et pose des choeurs sur Men, Men, Men, il s'agit de Lennon sous un de ses fameux pseudonymes.
Dernier album de Yoko jusqu'à Double Fantasy (fait en duo avec Lennon, on le sait) en 1980, Feeling The Space est un disque qui, comme Approximately Infinite Universe, contredira ceux qui pensent que Yoko Ono ne savait que brailler comme un chat qu'on encule et crame en même temps. Ici, elle ne braille pas, contrairement à ses prestations (le plus souvent dans un grand sac fermé) scéniques de 1969/70. Ses énervements ne sont plus vocaux, mais littéraires. Ici, la meuf est considérablement remontée contre les Hommes, l'album est totalement féministe, rien que les titres des chansons en sont des exemples frappants : Men, Men, Men ; Woman Power ; She Hits Back ; Angry Young Woman ; Woman Of Salem ; Yellow Girl (Stand By For Life) qui est indéniablement autobiographique... Musicalement, on a affaire à du rock quasiment pas expérimental, mais plutôt bien foutu, musicalement assez proche de ce que l'on entend sur Mind Games, ce qui est logique, ce sont les mêmes musiciens. Musiciens qui, tous, sont crédités sur la pochette d'une manière très détaillée, comme sur un catalogue, avec descriptions physiques, taille, poids, dates de naissance, numéro de téléphone (à la ligne correspondant à John O'Cean, alias Lennon, il est indiqué Not for sale. Logique.). On s'en doute, Feeling The Space (sur la pochette duquel Yoko se représente en Sphinx ; sur celle de Mind Games de Lennon, album sur lequel elle brille par son absence physique, elle est représentée en colline), malgré son niveau musical assez intéressant (ce n'est pas un monument non plus), ne se vendra pas bien. Les précédents n'ont pas dû affoler les charts non plus, entre parenthèses. Il est aujourd'hui difficile de se procurer les albums de Yoko en vinyle, mais ils ont été réédités en CD via le label de son fiston Sean (Chimera Music), et si vous avez l'oreille musicale curieuse, je ne peux que vous conseiller de vous pencher dessus (surtout sur ses deux albums de 1973).
FACE A
Growing Pain
Yellow Girl (Stand By For Life)
Coffin Car
Woman Of Salem
Run, Run, Run
If Only
FACE B
A Thousand Times Yes
Straight Talk
Angry Young Woman
She Hits Back
Woman Power
Men, Men, Men