Irrémédiablement, cette pochette fera penser à une marque de cigarettes très connue (qui fut celle que mon père fumait, avant qu'il ne décide heureusement d'arrêter), les fameuses Gitanes. La ressemblance, tant du point de vue du lettrage, du motif, des couleurs, est trop évidente pour que ça ne soit qu'une coïncidence. Cette marque de cigarettes n'est peut-être pas aussi connue, dans le monde, que Marlboro ou Lucky Strike, mais elle est quand même connue, Bowie en fumait, par exemple. Cet album est le sixième de J.J. Cale, il s'appelle Shades et il date de 1981. Il fait suite à deux albums ma foi très bons (Troubadour et 5, qui contenaient respectivement les hits Cocaine et Don't Cry Sister), lesquels faisaient suite à une parfaite trilogie inaugurale (dont j'ai abordé récemment les deux derneirs opus), Naturally, Really et Okie. Albums vraiment remarquables (surtout le premier, avec Call Me The Breeze, After Midnight et Bringing It Back) qui avaient posé les bases du son de J.J. Cale : roots, laid-back, apaisant avec sa voix voilée et plutôt douce, des arrangements sobres, des ambiances coin du feu (c'est limite si on entend pas le crépitement du bois dans la cheminée ; si votre vinyle est en état moyen, le crépitement des sillons peut faire la farce)...
Après cinq albums au pire très réussis (Really et 5) au mieux absolument parfaits (pour moi, le reste), J.J. Cale nous offre donc, en 1981, ce Shades à la pochette qui, je doit le dire sans aucune honte, m'a fait acheter le disque, en vinyle, en brocante. Au prix de 1 €, certes, ce qui ne se refuse pas, d'autant plus qu'il est dans un état remarquable, mais tout de même, si j'avais voulu me le payer en vinyle sur le Net, je ne l'aurais pas acheté au même prix, et quant au CD, si les albums de J.J. sont souvent vendus à des prix totalement compétitifs (dans les 6 €), je n'aurais pas trouvé mieux que cet achat en brocante, dans ma ville en plus. Content, le ClashDo, surtout que Shades, à défaut d'être un grand opus, n'est vraiment pas mauvais du tout. A ce que j'ai pu constater un peu partout, l'album, court comme il se doit (10 titres, 33 minutes) avec J.J., est assez mal apprécié. On l'estime raté, un des albums mineurs de Jay Jay avec les deux albums suivants, Grasshopper et N°8. Sincèrement, Shades n'est pas du niveau de Naturally et Okie, c 'est clair. On ne trouvera ici aucun classique jijicalien. Des bonnes chansons, ça oui, on en trouvera : What Do You Expect, Mama Don't, Carry On, Pack My Jack, du très bon (ces quatre morceaux totalisent 14 minutes), pas de l'exceptionnel comme le furent Call Me The Breeze ou Don't Cry Sister, mais on se régale. Tout n'est pas d'un niveau aussi bon, Love Has Been Gone et Deep Dark Dungeon très courtes (2 minutes ; mais sur les 10 titres, la moitié n'atteint pas les 3 minutes) sentent un peu le remplissabe poussiéreux, mais rien de grave.
On notera que deux titres, ici, Pack My Jack et Cloudy Day, dépassent les 5 minutes, durée rarement atteinte par une chanson de J.J. Cale ; comme ce sont deux des meilleures pièces de ce sixième opus, c'est vraiment très bien. Enregistré en divers endroits (comme à son habitude, Cale a enregistré des bribes par çi par là, mixé le tout, et usé une légion de musiciens, parmi lesquels Kenney Buttrey, Hal Blaine, Carol Kaye, Jim Keltner, David Briggs (pas le producteur de Neil Young, mais un homonyme), Russ Kunkel, Leon Russell, Glen D. Hardin, Christine Lakeland, Tommy Cogbill et James Burton) et produit par le fidèle Audie Ashworth, Shades est un très correct petit opus de Jay Jay, qu'un amateur de ce genre de musique appréciera à sa juste valeur : idéal en fond sonore, idéal pour se détendre, ce n'est pas un disque qui révolutionnera votre quotidien, il risque fort de ne pas faire partie de vos albums de chevet, mais il serait quand même vraiment dommage de le négliger.
FACE A
Carry On
Deep Dark Dungeon
Wish I Had Not Said That
Pack My Jack
If You Leave Her
FACE B
Mama Don't
Runaround
What Do You Expect
Love Has Been Gone
Cloudy Day
Cale avait de multiples talents qu'on n'évoque pas assez souvent : guitariste talentueux, compositeur, parolier mais aussi arrangeur, ingénieur du son (il adorait bricoler et jouer avec la technologie, d'ailleurs, son premier album en 1971 démarre par...de la boite à rythmes !) et on peut ajouter chanteur car cette retenue dans le chant comme dans le jeu a finit par créer un véritable style. C'est à ça qu'on reconnait un grand artiste, à son influence et au style personnel qu'il parvient à créer. Sur YT, on trouve le doc qu'on lui a consacré en 2005 ("To Tulsa and Back, On Tour with JJ Cale", sans sous-titres) en le suivant lors d'une tournée, ce film résume parfaitement le bonhomme.