Ce disque mérite amplement son titre : c'est en effet la déclaration d'amour d'un groupe non seulement à ses fans ne les ayant pas laissés sur le bas-côté (car à l'époque de la sortie de cet album, c'était pas gagné), mais aussi et surtout à un de ses membres, Brian Wilson, frangin de deux autres membres (Carl et Dennis) et cousin des autres (Mike Love, Al Jardine, quoi que, concernant Jardine, je ne suis pas sûr qu'il y ait en fait un lien familial). Hé oui, je parle des Beach Boys. Cet album s'appelle Love You, ou The Beach Boys Love You, et est sorti en 1977, année de la sortie, aussi, du premier et unique album solo de Dennis Wilson, Pacific Ocean Blue, auquel certaines chansons peuvent évidemment faire penser (celles chantées par Dennis, mais pas seulement, car les arrangements, la production, sont parfois similaires). En 1977, les Garçons de la Plage ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes. Les années 70 furent aussi durailles que la bataille du même nom (et si vous avez pas pigé, c'est pas grave), malgré l'excellence de Sunflower (1970), Surf's Up (1971, un chef d'oeuvre) et Holland (1973, autre chef d'oeuvre). Le groupe en est quand même réduit, la plupart du temps, à délivrer l'ancienne marchandise (la fameuse pop surf en chansons de 2,15 minutes) des débuts quand ils font des concerts, le public n'ayant pas forcément envie d'entendre Sail On, Sailor ou Till I Die, malgré l'ébouriffante réussite de ces deux chansons.
En 1976, le groupe publie 15 Big Ones, dans lequel ils revisitent, sans gloire mais sans honte non plus, le passé. Mais 1977 sera l'année du chef d'oeuvre ultime du groupe, ce Love You à la pochette chamarrée, produit par un Brian Wilson à moitié en déliquescence (il pétait totalement les plombs, les premiers signes ayant eu lieu une dizaine d'années plus tôt avec les sessions chaotiques et avortées de Smile) mais ayant réussi, grâce à l'amour de ses compères et proches, à se surpasser avec ce disque qu'il estime être son préféré de tous ceux qu'il a usinés. Déjà sous la coupe du Dr Eugene Landy, un psychiatre qui a certes, pour le coup, réussi à le faire enregistrer ce disque mais deviendra rapidement, et durablement, un contrôleur total de la vie et de la carrière de Wilson, Brian Wilson, il suffit de regarder la photo présente sur la sous-pochette (je n'ai pas réussi à en trouver une image sur le Net, désolé) pour s'en rendre compte, était vraiment pas en bon état. Cette photo de Brian barbu, en train de sourire comme un taré avec le regard un peu perdu, fait mal. En revanche, le texte, signé Carl, Dennis, Al et Mike (bref, les quatre autres), fait du bien, ils expliquent à quel point ils aiment leur frère/cousin/ami et à quel point ils le remercient pour ces nouvelles chansons (il y en à 14, pour environ 34 minutes) et pour s'être à ce point impliqué dans l'enregistrement de l'album. Un album qui a du étonner, et pas en bien, la maison de disques ayant, en 1972, signé les Biche Bois et leur propre label Brother Records : Reprise Records.
En effet, Love You est assez futuriste, électro dans l'âme et pour son époque, beaucoup de synthétiseurs et de programmations des plus étonnantes, aussi bien pour l'époque que pour le groupe en question. Les paroles (absentes de la pochette) sont parfois des plus simplistes, comme sur le très court (57 secondes) Ding Dang ou Johnny Carson (ode à l'animateur TV du même nom), mais musicalement, c'est vraiment original. Encensé par une partie de la presse rock de l'époque (Patti Smith, déjà chanteuse mais rock-critic à la base, et qui continuait de temps en temps à publier des textes apparemment, louera les mérites de l'album), Love You sera cependant un bide commercial absolu, et ce n'est que bien des années plus tard que l'on commencera à parler de chef d'oeuvre - ce qu'il est incontestablement - à son sujet. Des chansons comme Love Is A Woman, Let Us Go On This Way, The Night Was So Young, Solar System, Roller Skating Child, Mona (chantée par Dennis), Airplane, Johnny Carson sont pourtant immenses, il y à réellement très très peu de choses négatives à dire au sujet de ce disque osé, ambitieux, courageux et essentiellement chanté par celui qui, en plus, joue d'à peu près tout, ici, Brian Wilson. Sa voix a cependant un peu perdu de sa splendeur, ses abus divers (drogue, alcool) sont évidemment à mettre en cause, mais son talent pour la pop, lui, est...intact ! Love You, album étonnant, à la fois du Beach Boys pur jus de fruits pressé à la main et tentative d'innovation musicale (suivie d'un Adult/Child qui, lui, restera au stade du projet, inachevé et jamais sorti, sauf en version bootleg) avec ses claviers omniprésents (mais on entend quand même des instruments 'classiques' ici), est clairement le dernier chef d'oeuvre du groupe, leur dernier grand, grand album. Et bien entendu, un de leurs grands meilleurs avec Pet Sounds, Surf's Up et Holland. Quant à la suite de la discographie du groupe, sincèrement, mieux vaut la passer à la trappe. Ces L.A. (Light Album), Summer Paradise, The Beach Boys ou That's Why God Made The Radio, entre autres, sont de vraies raclures, et Love You les renvoie bien loin aux oubliettes !
FACE A
Let Us Go On This Way
Roller Skating Child
Mona
Johnny Carson
Good Time
Honkin' Down The Highway
Ding Dang
FACE B
Solar System
The Night Was So Young
I'll Bet He's Nice
Let's Put Our Hearts Together
I Wanna Pick You Up
Airplane
Love Is A Woman
C'est vrai que c'est un bon album, plutôt osé pour un groupe de cette trempe au niveau des arrangements. De là dire que c'est un chef d’œuvre... Brian Wilson a un peu perdu de sa splendeur niveau vocal ? Il suffit d'écouter le final de "Roller skating child" pour rester effaré de ce que peut provoquer comme dégâts la cocaïne, notamment au niveau des cordes vocales.
Pour la suite, dommage que le projet "Adult/Child" soit tombé à l'abandon car il contenait de bonnes idées. A la place, l'autre enfoiré de Mike Love a imposé son abominable "MIU album".
Enfin, mention spéciale à la chanson "Ding Dang" co-écrite avec Roger McGuinn : on ne le répétera jamais assez, la drogue c'est de la merde !