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C'est vraiment super dommage que cet album ne soit pas plus connu (le fait que Philippe Manoeuvre l'ait abordé dans un livre récent dans lequel il parle d'une centaine d'albums de rock méconnus et remarquables, les albums oubliés, pourra aider à réhabiliter ce disque), car la seule chose négative à dire à son sujet, c'est sa pochette. D'ailleurs, dans son livre, dans la double page qui aborde cet album, Manoeuvre s'est permis de citer une critique d'un rock-critic (ou spécialiste du rock, je ne sais pas) anglophone qui pense que c'est la pochette de l'album qui l'a empêché de connaître le succès. Celle-ci est, en effet, assez lourde dans son genre : on voit l'auteur de l'album (le guitariste et chanteur américain Rick Derringer) outrancièrement fringué, sur fond vert clinquant, avec un lettrage type néons de night-club. Le trait est lourd, et on a l'impression d'avoir affaire à un énième disque de glam-rock à tendance hard-bourrin, à la New York Dolls, Edgar Winter Band ou Mott The Hoople. Il n'en est rien, All American Boy, sorti en 1973 (une année glam et hard), premier opus solo de Rick Derringer, est certes un disque parfois glam, parfois hard, mais, surtout, c'est du pur rock qui tue sa tantine en skis mal fartés. Et concernant Edgar Winter (frangin du regretté Johnny et tout aussi albinos que lui), il joue un peu sur l'album, et Derringer a eu l'occasion de jouer avec lui, au sein de son White Trash (le double live Roadwork de 1972, immenssémissime), ainsi que de produire son They Only Come Out At Night remarquable de 1973.

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Verso de pochette

Derringer, qui a aussi joué chez Steely Dan et Todd Rundgren, s'offre ici le luxe de faire un disque totalement dans l'esprit de son époque (clinquant, riche en grands moments guitaristiques, varié, 40 minutes de bonheur), un album qui me fait beaucoup penser au disque de Winter que je viens de citer et qui date  de la même année, ainsi qu'au plus bourrin (et datant de 1977) Bat Out Of Hell de Meat Loaf. Tous trois sont assez représentatifs d'un rock US aux limites du hard et du glam, très camp dans l'âme, ambiance The Rocky Horror Picture Show (dont Meat Loaf fit partie), et à ce sujet, le morceau Time Warp (un instrumental) présent sur l'album de Derringer n'est pas une reprise du morceau du même nom présent dans la bande-son du film culte de Jim Sharman (et sa version théâtrale antérieure) que je viens de citer, rien à voir. Je tenais à le préciser. De même que Winter fera, en 1974, un album du nom de Shock Treatment, titre qui sera aussi celui de la suite du film culte, suite sortie vers 1981, je crois, et qui est à oublier totalement (ce qui a été fait, d'ailleurs, depuis longtemps), mais je m'égare du Nord. Revenons à Rick j'ai le nom d'un petit flingue (son vrai nom est Zehringer). All American Boy renferme 12 titres dont 2 instrumentaux (l'autre s'appelle Joy Ride et dure moins de 2 minutes), et tous les morceaux ont été écrits par Derringer à l'exception de la ballade Hold, co-écrite avec Patti Smith, alors encore rock-critic et apprentie poétesse. Une très belle chanson, de même que le long (6 minutes, de loin le morceau le plus étendu) et final Jump, Jump, Jump (une autre ballade, plus belle encore). Slide On Over, Slinky semble être un hommage (ou une pique) à T-Rex et son style de chansons très glam décadent et over the top. Oui, ça m'a fait penser à du T-Rex de la même époque, en effet, du genre de celui de l'album Tanx (Rapids, Tenement Lady...). En mieux.

allamerican

The Airport Giveth (The Airport Taketh Away), avec son titre à l'orthographe antique, est une chanson sur une groupie qui voit sa rock-star préférée se barrer en avion pour un autre concert, la laissant seule et désemparée. Rock And Roll, Hoochie Koo, qui aurait mérité d'être un putain de gros tube de la mort absolue (et que l'on entendait déjà sur le live Roadwork de l'Edgar Winter's White Trash, où il était interprété non pas par Derringer, mais par Johnny Winter en invité ; Derringer, lui, interprétait Back In The U.S.A. de Chuck Berry, qu'il défenestrait grave), est absolument immense. On trouvait déjà cette chanson sur l'album Johnny Winter And (1970) de Johnny Winter, album remarquable sur lequel officiait...Derringer (lequel Derringer a fait partie des McCoys, groupe de rock 60's ayant livré une version anthologique, en 1965, de Hang On Sloopy). Cette version de la chanson, laquelle a été écrite par Derringer, est la meilleure, avec des choeurs féminins inoubliables et un rythme effréné. Elle ouvre l'album en fanfare et en est un des meilleurs titres, mais oublier Teenage Girl, Uncomplicated, Teenage Love Affair et Jump, Jump, Jump serait impardonnable. Dans l'ensemble, cet album très dans l'air de son temps est probablement un des meilleurs représentants du rock 70's américain. C'est vraiment dommage, et même honteux, qu'il soit aussi peu connu...

FACE A

Rock And Roll, Hoochie Koo

Joy Ride

Teenage Queen

Cheap Tequila

Uncomplicated

Hold

FACE B

The Airport Giveth (The Airport Taketh Away)

Teenage Love Affair

It's Raining

Time Warp

Slide On Over Slinky

Jump, Jump, Jump