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On va reparler un peu de jazz sur le blog, ça faisait vachement longtemps. De jazz-rock, pour être précis, enfin, de jazz-fusion encore plus précisément. Le Bulletin Météo, ça vous parle ? Pardon, on va les appeler par leur nom anglophone et véritable, si ça ne vous fait rien (non ? Merci) : Weather Report. Ce groupe est mythique. Il a été fondé au tout début des années 70 (leur premier album, éponyme, date de 1971) par deux pointures du jazz ayant oeuvré notamment pour Miles Davis, et il me semble d'ailleurs que c'est en bossant ensemble sur les albums de Miles (In A Silent Way, Bitches Brew) qu'ils se sont rencontrés...ou en tout cas, que l'idée de Weather Report leur viendra. L'un des deux est le saxophoniste Wayne Shorter, toujours en activité. L'autre est le claviériste Joseph 'Joe' Zawinul, de nationalité autrichienne, mort hélas en 2007. Le duo s'entoure de musiciens qui, s'ils ne sont pas tous aussi connus qu'eux, sont cependant de vraies pointures eux aussi : le bassiste/contrebassiste Miroslav Vitous,le percussionniste Airto Moreira et le batteur Alphonse Mouzon (personnel du premier album). Rapidement, ces deux derniers s'en vont, et sont remplacés par, respectivement, Dom Um Romao et Eric Gravatt. Le groupe sort, en 1972, deux albums, l'un d'entre eux est un double live (Live In Tokyo) qui, à l'époque, ne sortira qu'au Pays du Soleil Levant (désormais, on trouve le double CD assez facilement), et le deuxième, lui, sortira mondialement (en fin du mois de mai), et est donc le deuxième opus du groupe. Il est à la fois live et studio, sa face B proposant trois séquences issues des concerts nippons de janvier 1972 ayant donné le double live ! La face A, elle, est donc entièrement enregistrée en studio, en novembre 1971.

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Le titre de l'album rappellera des souvenirs aux lecteurs de science-fiction, et notamment aux fans de Ray Bradbury (j'en fais partie), car il s'agit aussi du titre d'un de ses recueils de nouvelles (et d'une de ses nouvelles incluse dans ledit recueil). Il s'agit surtout, à la base, d'une citation issue d'un poème de Walt Whitman datant de 1855. Cet album s'appelle donc I Sing The Body Electric.  En français, ça donne donc "Je Chante Le Corps Electrique", pour l'anecdote. L'album est sorti sous une pochette bleutée assez bizarre, on y voit un homme apparaissant comme sous l'effet de rayons X, on y voit son squelette au travers de sa peau, et certaines parties de son corps (tête, coeur) sont remplacés par des organes similaires, mais artificiels. Un homme robotisé, en somme, ce qui est, d'ailleurs, le sujet de la nouvelle de Bradbury (le recueil date de 1969) portant le même titre : une société fabrique des robots de personnes disparues et chères aux familles, afin de combler le vide de leur disparition (les héros de la nouvelle, des enfants, retrouvent ainsi une grand-mère, robotisée certes, mais grand-mère aimante quand même). Fin de la digression littéraire, car mis à part son titre et, à la rigueur, sa pochette, l'album de Weather Report n'a aucun lien avec Bradbury, aucun. On tient ici, en revanche, un grand disque de jazz-fusion, 47 minutes (et 8 titres) absolument remarquables. Rien que les deux premiers morceaux de l'album, le sinistre et envoûtant Unknown Soldier (8 minutes) et le plus relaxant (et court : moins de 5 minutes) mais tout de même assez étrange The Moors, sont d'un niveau tel qu'ils font de I Sing The Body Electric un chef d'oeuvre du genre, d'entrée de jeu, et on parle d'un groupe ayant aussi (en 1976 précisément, pour les deux albums) ces deux disques anthologiques, fleurons absolus du genre, Black Market et Heavy Weather (tous deux avec le bassiste et percussionniste Jaco Pastorius, qui arrivera dans le groupe en 1976 justement).

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Cependant, si vous ne connaissez de Weather Report que ces deux albums anthologiques, I Sing The Body Electric vous surprendra quelque peu, on est ici plus proche des albums de fusion de Miles Davis (Bitches Brew, surtout) que de ces futurs albums de ce que l'on appellera vulgairement de la fusion jazz/funk/world. Assez atmosphérique sur sa première face (Second Sunday In August), Weather Report offre sa face 'musclée' sur sa seconde, la face live, trois morceaux captés au cours de concerts japonais de janvier 1972 qui furent diffusés à la radio nippone (et un double Live In Tokyo de seulement 5 titres sortira donc la même année, uniquement au pays de Zatoïchi, enfin, jusqu'à ce qu'il sorte en CD dans les années 2000 et soit commercialisé partout sous ce format). Là, c'est du lourd, et notamment les quasi-11 minutes du Medley : Vertical Invader/T.H./Dr. Honoris Causa. Le son est remarquable, la performance, anthologique, incendiaire. On peut juste dire que depuis que le double live (qui propose la version complète du medley, longue de 26 minutes, et le reste de ce qui est sur cette face B, plus plein d'autres choses évidemment) est mondialement commercialisé, cette face B a perdu de son attrait. Quiconque possède les deux albums n'écoutera probablement I Sing The Body Electric que pour sa face studio, qui est remarquable, et quant aux morceaux live de la face B, il préfèrera sûrement de mettre le live, justement. Ca n'enlève rien à la prouesse du groupe sur ces morceaux, et pendant de nombreuses années, rappelons que le double live ne sera disponible qu'au Japon, mais certains estimeront que ça fait doublon. Malgré cela, I Sing The Body Electric est un génial album dans son genre, et un des meilleurs du groupe, en plus d'être leur premier sommet.

FACE A

Unknown Soldier

The Moors

Crystal

Second Sunday In August

FACE B

Medley : Vertical Invader/T.H./Dr. Honoris Causa

Surucucu

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