S'il y à bien un album que je ne m'attendais pas à aimer à ce point, c'est celui-là. Non pas parce que c'est un album d'Elliott Murphy car, comme je l'ai dit ici récemment, j'aime énormément ce chanteur/songwriter américain, j'ai même abordé, ici, tout aussi récemment, ses cinq premiers albums. Celui-ci est d'ailleurs son sixième, donc c'est dans la continuité. Mais je ne sais pas, je ne le sentais pas trop, ce disque : sa pochette (mon exemplaire, vinyle, possède un autre visuel, voir plus bas) est assez quelconque, une simple photo de Murphy en tenue et haut-de-forme, souriant gentiment ; le fait, aussi, que l'album date de 1984, une année qui ne figure pas vraiment parmi les plus glorieuses de tous les temps même s'il y à pire, y était aussi pour quelque chose. Le fait, enfin, que les quatre premiers opus de Murphy étaient si monumentaux que j'avais été un petit peu déçu par son cinquième (Murph The Surf, 1982, cependant vraiment très bon) et que je me disais que celui-ci, ce sixième opus, ne pouvait pas être d'un meilleur tonneau. Con que je suis. Car Party Girls/Broken Poets, tel est le titre de l'album, est vraiment excellent, qu'on se le dise. Sous sa pochette prise, pour les photos (recto de mon exemplaire vinyle, et les deux photos de Murphy sur la sous-pochette), à Paris, on y distingue en effet Notre-Dame (rappelons que, depuis les annés 70, Elliott Murphy, citoyen américain, vit en France), cet album offre une dizaine de chansons qui, dans l'ensemble, sont de purs petits joyaux. Notons que la version CD en rajoute deux, en bout de piste, cette version CD dure un petit peu moins d'une heure (contre une quarantaine de minutes pour la version vinyle).
Pochette vinyle
De même que pour Murph The Surf, Elliott Murphy (chant, guitare, harmonica, composition) s'est entouré ici de Richard Sohl (claviers, ancien du Patti Smith Group), Ernie Brooks (basse) et Tony Machine (batterie), et on notera la participation amicale et vocale de David Johansen, chanteur des New York Dolls, sur un titre, Blues Responsibility. Le mélange entre la voix quelque peu frêle de Murphy et celle, plus chaude et grave (une voix à la Jagger en plus rauque encore) de Johansen, est intéressant. Cette chanson n'est pas la meilleure de l'album, mais comme Party Girls/Broken Poets n'en contient aucune de mauvaise... Parmi les meilleures, on peut en tout cas citer le géniallissime morceau d'ouverture, Three Complete American Novels, ou bien encore The Streets Of New York, Party Girls And Broken Poets et le remarquable Winners, Losers, Beggars, Choosers. Elliott possède un talent fou pour dépeindre les petites gens, un peu comme Bruce Springsteen au début de sa carrière (tout du long de sa carrière, pourrait-on dire, en fait), et si je parle du Boss, c'est parce qu'entre les deux musiciens (amis de longue date), il a longtemps été dit qu'ils étaient rivaux, surfant sur le même genre, mais c'est, au final, Springsteen qui a remporté la palme (un autre rival existait aussi, Bob Seger, j'en reparle bientôt sur le blog via quelques uns de ses albums). D'ailleurs, si les premiers albums de l'un et de l'autre (The Wild, The Innocent & The E Street Shuffle pour le Boss, Lost Generation pour Murphy, il ne s'agit pas de leurs tout premiers albums à l'un et à l'autre, mais leurs deuxièmes, précisément, et sortis à un an de décalage) sont similaires dans la forme et le fond, Springsteen, en 1984, était passé à la vitesse supérieure, du rock musclé et pop (Born In The USA), méritant dès lors totalement son surnom de 'Patron' du rock, tandis que Murphy continuait à sortir de petits albums à la fois rock et folk, touchants et textuellement recherchés et qui, bien entendu, marchaient moins bien, sortaient sur de petits labels (AZ Records), faisaient peu parler d'eux, mais étaient achetés et adulés, en tout cas, par des fans discrets et fidèles.
Pour les mauvaises langues, Elliott a perdu la bataille contre le Boss, mais il n'y en à jamais vraiment eu une, de bataille (entre le Boss et Seger, faut voir, Seger ayant toujours été plus rock que Murphy, qui est assez dylanien dans l'âme ; voir, pour Seger, des albums comme Night Moves ou Stranger In Town). En 1984, les deux zigotos ont sorti un disque chacun, et personnellement, entre le rock bien calibré et musclé de Born In The USA et le rock littéraire, dylanien, un peu bohème de Party Girls/Broken Poets, je ne choisis pas, j'adore les deux. Tout ça pour dire que la carrière d'Elliott Murphy mérite amplement qu'on s'y intéresse, car le bonhomme a sorti de ces albums, putain, de ces albums...des trucs totalement géniaux, je pense évidemment à Aquashow (1973), à Night Lights (1976)... et ce disque de 1984, bien que moins connu et moins souvent cité qu'eux, mérite vraiment qu'on l'écoute au moins une paire de fois. Ce n'est peut-être pas son meilleur (ce n'est pas son meilleur, en fait), mais c'est un des meilleurs albums de 1984, et de loin.
FACE A
Three Complete American Novels
Winners, Losers, Beggars, Choosers
Doctor Calabash
Blues Responsibility
Saving Time
FACE B
Party Girls And Broken Poets
Like A Rocket
Last Call
Something New
The Streets Of New York