HN 16

Attention, voici un chef d'oeuvre. Je ne dis pas ça en l'air, ce disque sorti en 1974 est un vrai chef d'oeuvre dans son genre. Bien que son genre soit, au final, difficile à cibler : c'est à la fois un disque pop et un disque bien rock, un disque de reprises et un disque de chansons originales... En tout cas, c'est un disque de Harry Nilsson, et un disque produit par John Lennon. Ce dernier se contente de produire le bouzin, et il signe un morceau, mais il ne joue d'aucun instrument ici, et n'espérez pas l'entendre dans les choeurs, c'est peine perdue. Lennon (alors en plein lost weekend : durant la période 1973 (fin d'année)/1974 (quasiment toute l'année), il vécut seul, à Los Angeles, volontairement séparé de Yoko, afin de laisser respirer leur couple qui était alors en crise ; ce lost weekend, au cours duquel il enregistra ses albums Walls And Bridges et Rock'n'Roll, fut une période assez délicate pour Lennon, qui dérapa pas mal, crise de la quarantaine avec 6 ans d'avance), Lennon, donc, avait envie de produire un album de son chanteur préféré (et le chanteur préféré des Beatles en globalité), Harry Nilsson, lequel était un de ses amis de beuverie durant le lost weekend, d'ailleurs, au même titre que certains des musiciens apparaissant sur le disque (Ringo, Keith Moon, Klaus Voormann...), musiciens qui sont d'ailleurs pour beaucoup d'entre eux la crème du son pop/rock américain, citons Jesse Ed Davis, Jim Keltner, Chuck Findley, Jim Horn, Bobby Keys, 'Sneaky' Pete Kleinow, Danny 'Kootch' Kortchmar...

HN 18

Commencé à Los Angeles et achevé à New York, cet album s'appelle Pussy Cats (j'ignore si son titre est une allusion au Pin Ups de Bowie, disque de reprises sorti en 1973, mais en tout cas, les deux titres sont similaires) et est donc sorti en 1974. Sa pochette, amusante, montre une sorte de maison de poupée avec deux petites poupées aux effigies (photos collées en montage) de Nilsson et Lennon. Ils sont assis à une table, et sous la table, on distingue deux cubes de lettres (un D et un S) et, entre les deux cubes, un petit tapis, en anglais : rug. Ce qui fait une sorte de rébus : D-rug-S under the table, soit 'drogues sous la table', allusion probable (et ironique) au fait que les deux zigotos responsables de l'album s'y connaissaient en la matière. C'est surtout Nilsson qui a morflé, il suffit de l'entendre sur l'album : sa voix, si claire, fine, riche (rappelez-vous Without You...), a pris un coup dans l'aile, elle est voilée. Selon l'anecdote, Nilsson aurait pété une de ses cordes vocales (en raison de ses excès en tous genres, alcool, clope, soirées interminables et bruyantes...) durant l'enregistrement de l'album, mais aurait choisi de ne rien dire à Lennon afin de ne pas l'affoler et de risquer de faire capoter le projet. Au contraire, il s'est forcé, et ça donne le résultat audible sur Pussy Cats. Ce n'est pas une voix destroy et déglinguée, mais c'est totalement incomparable avec l'ancienne voix, celle des albums (notamment, hein) Schmilsson, Aerial Ballet ou A Little Touch Of Schmilsson In The Night (le précédent opus, un disque de reprises de vieilleries à la sauce old school, sur lequel Nilsson est ahurissant de maîtrise vocale). Ca en rajoute au côté un peu à part de l'album, lequel est déjà à part en raison de son producteur (Lennon n'a pas produit beaucoup d'albums autres que les siens. Citons des albums de Yoko Ono, de Bill Elliot And The Elastic Oz Band, d'Elephant's Memory, des groupes peu connus, quasiment oubliés, t tous ont dees liens avec sa propre production musicale).

HN 17

Musicalement, ce disque est une réussite flagrante, majeure. Qu'elles soient des reprises ou des originaux, les 10 chansons de l'album (pour un total de 36 minutes) sont parfaites. Citons les reprises d'abord. On a un bon gros délire qui sent bon la tise, Loop De Loop (une chanson des années 60, on a Save The Last Dance For Me (une chanson écrite par Mort Shuman et Doc Pomus, qui fut chantée par Ben E. King), Many Rivers To Cross (immortelle chanson de Jimmy Cliff), Subterranean Homesick Blues (classique de Bob Dylan période Thin wild mercury sound) et le gros classique rock'n'roll 50's de Bill Haley & His Comets, Rock Around The Clock. C'est du Grand Art, tout simplement. Les autres chansons sont signées Nilsson, et sont également remarquables, citons les plutôt hantés Don't Forget Me et Black Sails, le plutôt rythmé et étonnant All My Life, ou bien Old Forgotten Soldier. On a aussi une double rareté, un morceau en deux temps : la première partie est signée Lennon, et la seconde, Nilsson (d'après un air traditionnel) : Mucho Mungo/Mt. Elga. Assez suave, lente, onirique, c'est un passage un peu étonnant sur le disque ; au premier abord, pas la meilleure chanson de l'album, mais elle s'avère très attachante ! Les arrangements sont soit très pop/rock, avec la participation des pointures citées plus haut (on a parfois trois batteurs crédités pour le même morceau, soit Ringo, Moon et Keltner !), soit dans le style des premiers albums de Nilsson (Aerial Ballet, Harry...), à savoir, orchestraux, à l'ancienne. Dans tous les cas, la production, très 70's dans l'ensemble et ayant malgré tout très bien vieilli, est pile poil ce qu'il faut. Pussy Cats est un des meilleurs albums de Harry Nilsson, un disque remarquable qui compte aussi parmi mes préférés du bonhomme. On notera pour finir, pour l'anecdote inutile, que les notes de pochette sont signées Derek Taylor, ancien attaché de presse des Beatles. Elles sont assez savoureuses dans l'ensemble, d'ailleurs !

FACE A

Many Rivers To Cross

Subterranean Homesick Blues

Don't Forget Me

All My Life

Old Forgotten Soldier

FACE B

Save The Last Dance For Me

Mucho Mungo/Mt. Elga

Loop De Loop

Black Sails

Rock Around The Clock