Pour cette nouvelle chronique concernant Harry Nilsson, je n’ai pas choisi la facilité. Enfin, si, dans un sens, car j’ai décidé d’aborder l’album qui suit Nilsson Schmilsson (1971) et Son Of Schmilsson (1972), albums déjà abordés ici récemment, donc c’est dans la continuité (et l’album qui suivra, la bande-son éponyme, sortie en 1974, du film nanardesque Son Of Dracula, a aussi été abordé ici récemment). Mais ce n’est pas vraiment la facilité quand même, car cet album que j’ai choisi d’aborder aujourd’hui n’est pas d’un genre facilement chroniquable, du moins, me concernant : c’est en effet un disque de reprises, et des reprises de vieilles chansons, produites à l’ancienne. Bref, un peu comme le tout dernier opus en date (sorti cette année) de Bob Dylan, Shadows In The Night, ou comme le tout premier album que Ringo Starr a sorti en solo, en 1970, Sentimental Journey. Il n’est bien évidemment pas exclu que ce dernier album ait été une source d’inspiration pour Harry Nilsson quand il se décida, en mars 1973 (l’album a été enregistré en quelques jours de ce mois, et sortira en juin de la même année), à enregistrer, sous la houlette d’un certain Derek Taylor à la production (Derek Taylor n’était autre que l’attaché de presse officiel des Beatles, et journaliste de profession), cet album, intitulé A Little Touch Of Schmilsson In The Night.
Le titre de l’album est une allusion non seulement aux deux derniers opus de Nilsson, qui proposaient dans leurs titres une version modifiée comiquement de son patronyme, mais c’est aussi, il faut le savoir pour sa culture générale car pour ce qui est du contenu de l’album, ça n’a aucune incidence, c’est aussi, donc, une référence à Shakespeare, plus particulièrement à sa pièce Henry V, dans laquelle on (le Chœur, autrement dit, pour une pièce de théâtre, le narrateur) prononce la phrase « A little touch of Harry in the night » pour parler de Henry V partant, de nuit, visiter ses troupes avant une bataille. Long de quelques 36 minutes, A Little Touch Of Schmilsson In The Night, sous sa pochette formidablement peu en raccord avec le contenu (une photo d’un Nilsson barbu/chevelu/bérettu, en train de fumer), offre 12 titres, que des reprises donc, toutes arrangées par Gordon Jenkins, qui fut l’arrangeur de Frank Sinatra. Excusez du peu. Réédité en CD en 1988 (cette édition est aujourd’hui difficile à trouver, mais l’album existe dans un coffret 5 CD de la série Original Album Classics, vous savez, ces petits coffrets budget avec des pochettes de carton en guise de boîtier CD) avec des bonus-tracks sous le titre de A Touch More Schmilsson In The Night, l’album sera, à sa sortie en 1973, plutôt bien accueilli, et on parle encore de l’album en des termes assez élogieux concernant la performance vocale d’Harry Nilsson sur ses 12 titres. Selon des avis divers, il n’a jamais aussi bien chanté qu’ici, même s’il est toujours sur le même ton crooner/lacrymal (ce sont les chansons qui veulent ça : rien, sur cet album, n’est rythmé). Compte tenu qu’il n’y à le plus souvent aucune pause entre les morceaux, comme si tout ou presque avait été enregistré d’une traite le même jour, on a le plus souvent l’impression d’écouter une seule chanson assez longue…avant de regarder le timing sur sa chaîne hi-fi et de découvrir qu’on en est déjà à la troisième ou quatrième !
Je ne vais pas décrire par le menu cet album, car au même titre que le Sentimental Journey de Ringo (qui, à sa sortie, fut un peu moins bien accueilli, mais il faut dire aussi qu’il est moins réussi dans l’ensemble, Ringo n’ayant jamais été, au contraire de Nilsson, un grand chanteur), ou que le dernier Dylan (que je déteste – son dernier album, hein, pas Dylan en globalité, certainement pas, même), décrire une chanson serait les décrire toutes. Je vais juste en citer quelques unes, comme As Time Goes By, une des plus célèbres ici, la fameuse chanson du film Casablanca, qui achève l’album ; ou bien Always, ici très courte (1,35 minute), signée Irving Berlin, tout comme What I’ll Do ?, ou bien encore I Wonder Who’s Kissing Her Now, qui fut chantée par Ray Charles… Au dos de la pochette de l’album, on a une série de 12 vignettes illustrées (les titres des morceaux dedans) et accompagnés d’un petit texte indiquant la provenance de la chanson, ou les raisons qui ont poussé Harry Nilsson a la reprendre. Pour les anglophones, c’est dans l’ensemble très utile. Pour finir, A Little Touch Of Schmilsson In The Night est donc un disque assez à part pour Nilsson. Certainement pas un ratage, l’album est à conseiller si vous aimez ce genre de chansons anciennes, et les arrangements à la Sinatra, sirupeux, mielleux. On a quand même assez souvent l’impression d’écouter toujours la même chanson, c’est un peu lassant à force, et heureusement que l’album ne dure que 36 minutes, et pas 46 ou même plus. Je ne peux vraiment pas dire que c’est un de mes préférés du bonhomme, c’est même loin d’être le cas, c’est même celui qui me branche le moins, voilà c’est dit. Mais c’est un disque remarquablement interprété, on sent que Nilsson y a mis tout son cœur, qu’il n’a pas fait ce disque car il le devait, mais parce qu’il le voulait, ce n’est pas un disque de commande. D’ailleurs, à l’époque, ce genre de disques n’était pas vraiment à la mode, c’était somme toutes un pari risqué pour Nilsson, qui venait de se révéler à la face du monde entier avec ses deux immenses albums pop/rock un peu déjantés (surtout le deuxième) de 1971/72. Une curiosité, donc. Un disque qui mérite d’être écouté, en tout cas !
FACE A
Lazy Moon
For Me And My Gal
It Had To Be You
Always
Makin’ Whoopee
You Made Me Love You
FACE B
Lullaby In Ragtime
I Wonder Who’s Kissing Her Now
What I’ll Do ?
Nevertheless (I’m In Love With You)
This Is All I Ask
As Time Goes By