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Récemment, j'ai parlé d'un album live absolument grandiose (malgré sa courte durée de seulement 41 minutes) sorti en 1976, et signé du guitariste Robin Trower, ex-membre de Procol Harum. Voici un autre de ses albums, et il s'agit probablement de son meilleur album studio, et de son meilleur album tout court. Disque d'or à sa sortie (comme quasiment  tout ce que Trower a fait de 1973 à 1976), il est sorti sous une pochette énigmatique et assez proche de celles des albums de rock progressif ou d'ambient, une pochette qui, comme celle de l'album précédent (et premier ; car celui-ci est son deuxième) et de plusieurs de ses suivants, est signée "Funky" Paul Olsen. L'album date de 1974 et s'appelle Bridge Of Sighs, c'est un disque court, il ne dure que 37 minutes, et n'offre que 8 titres (à noter que sur le vinyle, le premier morceau de la seconde face, qui dure 7,30 minutes et est le plus long, est découpé en deux sous-parties : on a une sorte de séparation de sillons assez étonnante, qui fait qu'on a l'impression d'avoir 5 morceaux au lieu de 4 sur la face, mais il n'y en à bien que 4 ; il existe aussi plusieurs pressages de l'album sur lesquels le visuel de pochette est inversé, pour le recto (c'est bien la même image, mais dans l'autre sens, quoi), ce qui ne change pas grand chose, l'image étant toujours aussi étrange et abstraite. Dès son premier album solo en 1973 (Twice Removed From Yesterday), Trower s'est entouré du bassiste et chanteur James Dewar et du batteur Reg Isidore (qui, en 1975, sera remplacé par Bill Lordan), Trower se contentant de la guitare. Aucun clavier. L'ambiance générale de l'album est rock, teinté de blues et de funk. Malgré la pochette qui peut faire croire à du rock progressif, ça n'en n'est absolument pas ! L'album, comme le précédent et le suivant, est produit par Matthew Fisher, autre ancien membre de Procol Harum.

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Verso de pochette

Guitaristiquement parlant, Robin Trower est un titan. On le comparera souvent à Jimi Hendrix, ce qui peut sembler un peu présomptueux, Hendrix étant ce qu'il est, et on en parle souvent comme d'un des rares guitar-heros incomparables. Mais pour le style, je vous assure, Trower tient beaucoup d'Hendrix, on a les mêmes sonorités de guitare, assez funky et en même temps, très sensuelles et bluesy. Tout du long de ce deuxième album, Robin et sa petite bande nous embarque dans un univers absolument grandiose. Il faudrait pouvoir décrire la voix chaude et efficace de Dewar ; on comprend aisément que Trower ne chante pas une broque sur ses albums : quand on a un chanteur aussi bon que James Dewar, on se contente de jouer de la guitare (si Trower a décidé de ne pas chanter, c'est probablement qu'il ne s'estime pas bon chanteur, ou alors qu'il n'arrive pas à chanter tout en jouant de son instrument). Sur les 8 titres de l'album (dont 6 signés Trower seul, les deux restants sont des collaborations avec Dewar), on en a 3 qui se retrouveront sur le gigantesque Live ! de 1976 cité plus haut et que j'ai abordé récemment ici : Lady Love, Little Bit Of Sympathy et le tétanisant Too Rolling Stoned (le fameux morceau de plus de 7 minutes). Ce sont de grands moments de Bridge Of Sighs, mais n'allez pas croire que ça soient les seuls : Day Of The Eagle, In This Place, le morceau-titre, pour ne citer qu'eux, qu'ils soient mouvementés (Day Of The Eagle) ou plus apaisés (In This Place), sont sensationnels.

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La production est efficace, elle frappe bien, la guitare sonne divinement. On a vraiment l'impression, parfois, d'entendre Jimi, descendu de son Paradis pour enregistrer un nouvel album. Que Trower ne soit, au final, pas plus connu de nos jours (il est toujours vivant, toujours plus ou moins en activité, un peu au ralenti, cependant), alors qu'il le fut vraiment beaucoup entre 1973 et 1980 (durant toute cette période, de plus, Dewar fit partie de son groupe), est assez étonnant et même un vrai affront. C'est un peu pareil pour Peter Frampton, ancien membre d'Humble Pie s'étant lancé en solo vers 1971, et ayant eu beaucoup de succès dans les années 70, le tout culminant en 1976 avec le double live Frampton Comes Alive !, ce guitariste blondinet adepte de la talk-box et offrant un rock FM populaire et efficace fut aussi cartonneur que Robin Trower à l'époque, mais hélas, les deux sont, désormais, bien oubliés des masses... Je ne peux que vous conseiller de rattraper ce retard (cette erreur ?) en vous tournant, notamment, vers ce Bridge Of Sighs à la pochette quelque peu orientalisante, et aux morceaux tout simplement fantastiques.

FACE A

Day Of The Eagle

Bridge Of Sighs

In This Place

The Fool And Me

FACE B

Too Rolling Stoned

About To Begin

Lady Love

Little Bit Of Sympathy