Le moins que l'on puisse dire, c'est que le début de carière solo de George Harrison est atypique. Après avoir inauguré sa carrière en 1968 avec Wonderwall Music, bande originale d'un film psyché/daté, album mélangeant musique indienne (enregistrée directement en Inde) et musique continentale, entièrement instrumental, et ayant été non seulement le premier disque solo d'un Beatles mais aussi le premier album sorti sur Apple Records, après avoir donc sorti ce disque, Harrison va encore plus surprendre son monde en sortant, en 1969, Electronic Sound. Cet album est sorti sur un sous-label d'Apple Records, Zapple, qui ne durera que le temps de deux albums (l'autre, sorti à peu près en même temps, c'est le Unfinished Music #2 : Life With The Lions de Lennon & Yoko, inaudible à jeun, bourré, défoncé ou les deux en même temps). Une fois ces deux anti-best-sellers publiés, ce sous-label, qui aurait dû être destiné à des productions avant-gardistes ou de poésie, va mettre la clé sous la porte. Ce qui explique qu'un pressage vinyle d'époque de n'importe lequel de ces deux albums est encore plus cher qu'un manoir avec piscine et court de tennis adjacents à Neuilly (j'exagère cependant un peu, on peut trouver des manoirs avec piscine et court de tennis adjacents, à Neuilly, pour moins que ça). Vive les rééditions vinyles récentes qui m'ont permis d'avoir ces deux albums sous ce format, malgré leur intérêt musical des plus...limités. Surtout le LennOno, d'ailleurs, mais on est là pour parler de Harrison.
Electronic Sound a été fait en collaboration avec un certain Bernie Krause, un musicien avant-gardiste qui a initié Harrison aux joies du moog (le moog que l'on entend tout du long ici, on n'entend d'ailleurs que ça, est le même qui servira pour Abbey Road des Beatles la même année, sur lequel il sera bien plus parcimonieusement et judicieusement utilisé) et créera la polémique des années plus tard, bramant un peu partout qu'une des deux faces serait un truc qu'il aurait fait seul, et non pas un truc signé Harrison. Laquelle des deux faces ? Comme toutes deux se ressemblent, c'est pas évident à dire, mais ça serait la face B, que Harrison aurait, selon Krause, enregistré à l'insu de ce dernier, après lui avoir demandé de jouer devant lui du moog pour lui montrer toute l'étendue des possibilités de cet instrument. En plus, pendant des années, le doute s'installera gentiment sur l'ordre des deux morceaux (oui, il n'y à que deux morceaux, un par face, pour un total de 43 minutes), tous deux instrumentaux remplis de moog et de boucles sonores, suite à des erreurs sur les pressages américains et canadiens qui les ont intervertis sans intervertir les titres. Apparemment, l'ordre indiqué en bas, qui est celui du vinyle ainsi que de la réédition vinyle et CD 2014, est le bon : Under The Mersey Wall (18 minutes) en A, No Time Or Space (25 minutes) en B. Le second morceau, en plus d'être le plus long, démarre par des sortes de pétarades (coups de pistolets), et serait donc signé Krause plutôt que Harrison. La pochette, elle, en revanche, est bien de Harrison, et elle n'est pas des plus jolies, il faut le reconnaître.
Sous-pochette
Musicalement, cet album est plus une épreuve qu'autre chose, et j'ai failli le reclasser dans les ratages, où il se trouvait autrefois (j'ai conservé le tag). Il est souvent considéré comme le pire de Harrison, mais ce n'est pas vraiment un album digne de ce nom, c'est une tentative de faire de la musique électronique, en cela son titre n'est absolument pas trompeur et ceux qui ont acheté ce disque à l'époque n'avaient qu'à s'en prendre à eux-mêmes s'ils se sont sentis floués. Mais c'est probablement tout aussi difficile d'accès en 2018 que ça l'était en 1969. Je dois cependant dire qu'après plusieurs écoutes, j'apprécie un peu plus ce disque qu'au début, j'avais envie de stopper l'écoute toutes les 5 minutes environ. Je me surprends maintenant à l'écouter de temps en temps, presque par plaisir. Oui oui, par plaisir. Un plaisir limite maso, mais tout de même. On ne me force pas à écouter ce disque en me braquant un fusil à pompe sous le menton, je le précise. Et cet album n'est en rien un de mes préférés de Georgie Boy. Mais avec le temps, j'arrive à commencer à comprendre les raisons de l'existence de ce disque, et je trouve cet Electronic Sound plutôt attachant. Un peu comme le cousin de campagne un peu con que l'on voit rarement, que l'on apprécie de revoir de temps en temps à condition que ça soit vraiment de temps en temps et pas trop souvent, et à qui on donne du sacré con de toi, va en lui bourrinant gentiment l'épaule droite à condition de ne pas être placé à sa gauche. C'est clair que si on compare avec All Things Must Pass (l'album suivant, 1970) ou Cloud Nine (1987), on va passer un sale quart d'heure à essayer de chercher les points de comparaison. Mais si on cherche à comparer cet album avec les albums de musique électronique qui seront faits, par Tangerine Dream, Klaus Schulze, Cluster ou Vangelis quelques années plus tard, force est de constater que, bien que nettement moins mélodique qu'eux, Electronic Sound n'est pas vain. Il est même courageux et un peu précurseur. Non, mais sincèrement, surtout de la part de Harrison (si ça avait été Lennon, ça aurait été différent, vu les conneries avant-gardistes qu'il faisait à l'époque avec sa Yoko d'amûûûr), fallait oser faire un disque pareil alors que tout le monde s'attendait à ce qu'un Beatles, et lui en particulier, sorte un disque pop, vous ne trouvez pas ?
FACE A
Under The Mersey Wall
FACE B
No Time Or Space