Tug Of War a été un gros succès (boosté par Ebony And Ivory, duo avec Stevie Wonder, et par Wanderlust, sublime ballade, sans oublier la complainte dédiée à John Lennon, Here Today) en 1982, et l'année suivante, Paul McCartney a profité du fait d'avoir enregistré un petit pacson de chansons durant les sessions de cet album pour en offrir un second, Pipes Of Peace, boosté par un autre duo, Say, Say, Say (avec Michael Jackson) et la chanson-titre, merveille antimilitariste. Si on met de côté un McCartney II (1980) plutôt expérimental et très inégal, on peut donc dire que, mort de John Lennon exceptée, les années 80 ont assez bien démarré pour l'ex-Beatles. Malgré tout, Pipes Of Peace, son disque de 1983, offre certes quelques très belles chansons, il n'en demeure pas moins très inégal lui aussi, on sent bien qu'il s'agit d'un disque constitué de chansons non utilisées pour Tug Of War, des rogatons ou peu s'en faut. L'album se vendra bien, cependant. A l'époque, Macca aurait pu sortir un triple album sur lequel il aurait chanté le bottin italien en allemand en s'accompagnant de musiciens balinais jouant des mazurkas que ça se serait super bien vendu quand même. Se sentant probablement définitivement hors de portée, il décide de frapper un grand coup : il écrit un scénario de film, oui, de film. Le film en question, réalisé par Peter Webb, sortira en 1984 (en France, ça sera en 1985) et on y trouve, parmi les acteurs, Macca et Linda, Bryan Brown, Ringo Starr et son épouse Barbara Bach (épousée en 1983), Ralph Richardson et Tracey Ullman.
Comédie musicale centrée autour d'une histoire incroyablement rikiki (McCartney découvre que les bandes de son dernier album lui ont été volées, il a 24 heures pour les retrouver afin d'éviter la faillite de son label ; c'est pas du Christopher Nolan...), le film s'appelle Give My Regards To Broad Street et, ça ne surprendra personne, sera un gigantesque bide commercial à sa sortie. Malgré des séquences intéressantes montrant Macca et son groupe (Eric Stewart, notamment, ancien membre de 10cc) en train de répéter ou de jouer sur scène (la vision d'un Macca fardé de blanc, chevelure en brosse et blanche, tenue immaculée, ambiance glam à mort, fera piquer les yeux à certains, voir l'illustration de verso de pochette située juste au-dessus et la photo plus bas dans l'article), le film est un ratage. Parallèlement au film il y à évidemment eu sa bande originale. Give My Regards To Broad Street est donc cet album, sorti en 1984, en CD et en vinyle (aussi en K7, mais bon, ce format est désormais bien dépassé). La version CD dure 61 minutes pour 15 titres, la version vinyle, à peu près 43, pour 17 titres (certains morceaux sont regroupés sur une seule plage audio sur le CD, par rapport au vinyle). Il est indiqué sur la pochette du vinyle que l'album dure plus longtemps en CD et en K7. Macca ne voulait apparemment pas sortir l'album en double vinyle (ou c'est EMI qui ne voulait pas), il a donc été obligé de rogner sur la durée de pas mal des morceaux.
Je précise qu'entre le tracklisting CD, celui du vinyle qui sépare des plages audio qui, en CD, sont regroupées, et celui de la K7 qui lui aussi propose un découpage similaire mais avec une durée équivalente au CD), c'est le dawa pour parler de Give My Regards To Broad Street. Deux morceaux (So Bad, Goodnight Princess) sont uniquement sur le CD. Je ne possède l'album qu'en vinyle (le jour où Macca rééditera ce disque dans son Archive Collection, car il faudra bien qu'il passe par cet album tôt ou tard, je l'achèterai en CD, mais ce n'est pas une priorité, ni pour lui, ni pour moi ; qu'il réédite Wild Life, Red Rose Speedway et London Town avant !), je ne sais pas ce que valent ces deux titres supplémentaires (So Bad est à la base un morceau de Pipes Of Peace). Je sais en revanche que l'album, dans sa globalité, mis à part quelques passages vraiment sympathiques (et une chanson aussi sous-estimée que sublime, No More Lonely Nights), est plus que décevant. Il est, tout simplement, vain, raté. Ce disque fera parler de lui à sa sortie, et pas en bien, vous pouvez me croire. McCartney, ici, réutilise son répertoire solo (Wings inclus) mais aussi et surtout celui des Beatles, afin de réarranger ces chansons à la sauce orchestrale. Ce qui ne plaira pas aux fans les plus intransigeants qui estimeront que putain, pas touche les Beatles, ah non (et que Macca ait été un membre du groupe, et même le principal artisan des chansons sélectionnées, comme Yesterday, Good Day Sunshine ou le déjà orchestral Eleanor Rigby n'y changea rien). Ce n'est pas la première fois que Paul fait dans l'arrangement orchestral, loin de là. En 1971, il s'est amusé à enregistrer une version instrumentale et orchestrale de son album Ram (dans la foulée de l'enregistrement de l'album), avec cordes et cuivres, et cette version musique d'ascenseur de son chef d'oeuvre sortira en 1977 sous le pseudonyme de Percy 'Thrills' Thrillington (l'album porte le nom de Thrillington, n'a pas du tout marché à sa sortie, et a été réédité en CD et vinyle en mai dernier). Il ne révèlera que tardivement (en 1984, au moment de la sortie de l'album qui nous intéresse, il ne l'avait pas encore avoué) qu'il se cachait bel et bien sous ce pseudonyme, un de ses fameux faux noms avec Paul Ramon, Clint Harrigan et The Fireman.
Mais là, c'est sous son nom à lui qu'il signe Give My Regards To Broad Street, de toute façon, son visage est sur la pochette (expression un peu pensive, vaguement inquiète, et franchement ridicule sur la pochette, qui ne donne pas envie de sortir le disque de son étui) et son nom en grand, alors impossible de se cacher. Mais il aurait dû, car cet album et le film qu'il accompagne n'ont vraiment pas fait que du bien à sa carrière. 1984 est une très mauvaise année mccartneyienne. Pourtant, on trouve des trucs sympas sur cette bande-son remplie de plages audio, certaines très courtes et constituées d'incidental music (c'est à dire, de musique d'accompagnement). Enfin, j'imagine que la version CD est plus intéressante que le vinyle. Eleanor Rigby/Eleanor's Dream dure dans les 3 minutes en vinyle, mais la version CD, elle, en dure 9 ! Ce qui s'appelle tailler dans le gras. Non, on a quand même de bons moments : No More Lonely Nights dans sa version initiale qui ouvre le disque (en final, on a aussi une version dite playout, dansante, qui ne vaut pas grand chose), Not Such A Bad Boy (un autre morceau inédit, assez amusant et efficace à défaut d'être immense), les versions réarrangées de Wanderlust, Silly Love Songs, For No One et The Long And Winding Road... En revanche, pour d'autres titres, ça n'apporte franchement pas grand chose. Et dans l'ensemble, sans être épouvantable à écouter (à condition de l'écouter à doses homéopathiques ; et encore, comme je l'ai dit, je n'ai que le vinyle, bien plus court que le CD, je n'ai jamais entendu la version CD qui dure, elle, une heure), cet album vraiment à part dans la discographie de McCartney, et qui compte parmi ses ratages (je le laisse donc dans cette catégorie) même s'il a fait pire (mis à part Coming Up, je ne supporte plus McCartney II) n'est quand même pas un moment de gloire. Macca va légèrement se rattraper avec son album suivant, même si là aussi, ça ne fera vraiment pas l'unanimité. La suite au prochain numéro...
FACE A
No More Lonely Nights
Good Day Sunshine
Corridor Music
Yesterday
Here, There And Everywhere
Wanderlust
Ballroom Dancing
Silly Love Songs
FACE B
Silly Love Songs (Reprise)
Not Such A Bad Boy
No Values
No More Lonely Nights (Ballad Reprise)
For No One
Eleanor Rigby/Eleanor's Dream
The Long And Winding Road
No More Lonely Nights (Playout Version)