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Récemment, j'ai réabordé ici Unhalfbricking, chef d'oeuvre de folk-rock britannique et probablement le sommet de Fairport Convention (un des tous meilleurs groupes dans ce domaine), album datant de 1969. Un album sorti dans des conditions pénibles pour le groupe de Sandy Denny (chant) et Richard Thompson (guitare) : ils venaient (le groupe, pas spécialement Denny et Thompson) d'être victime d'un terrible accident de la route, et perdirent un de leurs membres, le batteur Simon Lamble, même pas 20 ans (ainsi que la petite amie de Thompson). C'est dans ces conditions que le groupe entrera en studio, peu après, toujours en 1969, pour accoucher au forceps du successeur d'Unhalfbricking, un album qui s'appellera Liege & Lief et sera très rapidement considéré (et c'est toujours le cas) comme un de leurs meilleurs albums. Pour certains, on tient même ici le sommet du groupe. Personnellement, je continue de penser que c'est le précédent opus, mais ce qui est sûr et certain, c'est que Liege & Lief est un chef d'oeuvre, un album essentiel, un jalon du genre folk-rock, un écrin à bijoux musicaux, et que le groupe a raison d'en être fier. Et que s'il n'y avait pas Unhalfbricking, oui, en effet, ça serait clairement le sommet du groupe pour l'éternité des siècles ! Le groupe (Sandy Denny, Richard Thompson, Ashley Hutchings - basse -, Simon Nicol - guitare) a ici officiellement incorporé le violoniste Dave Swarbrick, qui n'était qu'invité sur le précédent opus, et à la batterie, a fait venir un certain Dave Mattacks, qui, par la suite, collaborera notamment avec Paul McCartney (il joue sur Ram), John Lennon (Mind Games)... La production est signée Joe Boyd, producteur depuis les débuts de 1968, et quasiment le manager du groupe (producteur aussi, de Nick Drake).

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Intérieur de pochette

Sandy Denny et Simon Nicol partiront du groupe peu après la sortie de l'album, tous deux reviendront, lui en 1976, elle un an plus tôt. A sa sortie, Liege & Lief ne marchera pas fort dans les charts ; il sera bien accueilli, mais ce n'est que par la suite que l'influence de l'album se fera sentir. Il y avait pourtant de quoi influencer la musique, car les 40 minutes de ce disque sont pour le moins fulgurantes, un crossover remarquable entre musique traditionnelle/celtique, folk et rock. Intégralement interprété par Sandy Denny, cet album offre 8 titres, ce qui est peu, mais attendez de voir de quels titres il s'agit ! Mais avant de parler d'eux, parlons un peu du contenant : le titre de l'album puise dans le vieil anglais, et signifie, en gros, loyal et prêt. La pochette est assez rustique au recto (six photos individuelles des membres du groupe, teintes rosées, dans un cadre type tableau), mais au verso, voir plus bas, on a une photo, teintes rosées aussi, d'une sorte de statue, un totem. A l'intérieur, plusieurs photos et illustrations avec les paroles des chansons, une par chanson, un peu comme des vignettes. Dans l'ensemble, c'est assez étonnant, original, ça participe à la réussite de l'ensemble (l'album suivant, Full House en 1970, que j'aborderai ici prochainement, ira encore plus loin, Richard Thompson imaginera en effet des textes assez drôles pour illustrer diverses photos de cartes à jouer, reproduites tout du long de la pochette intérieure, textes ayant parfois un lointain rapport avec certaines des chansons de l'album). Liege & Lief s'ouvre par un Come All Ye vraiment irrésistible, 5 minutes qui donnent envie de se trémousser, de bouger son gros cul, de danser, et on parle de folk-rock à tendance celtique, là. Difficile de se dire que quelques semaines plus tôt, le groupe avait subi un drame, et perdu un de ses musiciens, jeune en plus, dans de terribles circonstances. Avec l'album, ils ont fait catharsis, clairement. Reynardine, qui suit, est un air traditionnel revisité par Fairport Convention, sublime. On a aussi, en final de la face A, le touchant Farewell, Farewell (signé Thompson). Entre les deux, une tuerie folk-rock de 8 minutes, qui durera souvent plus longtemps en live, j'ai nommé Matty Groves. Un peu comme A Sailor's Life sur le précédent opus (mais en moins contemplatif et triste ; ici, c'est plus énergique), Matty Groves, air traditionnel revisité, démarre classiquement, mais la fin du morceau est une sorte de jam électrico-acoustique absolument bluffante, le genre de truc qui vous fait aimer direct non pas le morceau en question, mais l'album, voire même le groupe ayant signé ledit morceau. Oui, le sommet de Liege & Lief, pas étonnant, hein ?

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Verso de pochette

Encore un air traditionnel (sur les 8 titres, 5 en sont !) en ouverture de la seconde face : le remarquable The Deserter. Considéré par certains rock-critics, à l'époque (John Mendelsohn, dans Rolling Stone), comme la seule chanson vraiment marquante de l'album (oui, Liege & Lief fut plutôt bien accueilli, mais pas non plus accueilli comme le Messie, il y à eu des 'pour' et des 'contre', comme toujours), c'est en effet une réussite. Pas ma préférée, ceci dit. Le morceau suivant, bien que ne durant que 4 petites minutes, est un Medley incluant quatre morceaux traditionnels : The Lark In The Morning, Rakish Paddy, Foxhunters' Gig et Toss The Feathers. C'est le passage qui m'a le moins marqué depuis ma première écoute, difficile de se rendre compte des différentes parties, ça va assez vite, trop vite (4 minutes pour un medley de quatre morceaux). Mais la suite et fin est immense : les 7,30 minutes de Tam Lin (immense, vraiment grandiose, c'est un morceau traditionnel, le dernier pour l'album) et un Crazy Man Michael plus que réussi en final. Au final, Liege & Lief offre un condensé de folk-rock des plus envoûtants, un album quasiment parfait, dont la production est, il faut le dire, meilleure que pour Unhalfbricking (même si la production de cet album n'était pas mauvaise). Pour fans du genre, ou pour découvrir ce genre, c'est totalement recommandé, quasiment essentiel, même.

 

FACE A

Come All Ye

Reynardine

Matty Groves

Farewell, Farewell

FACE B

The Deserter

Medley :

a) The Lark In The Morning

b) Rakish Paddy

c) Foxhunters' Gig

d) Toss The Feathers

Tam Lin

Crazy Man Michael