ROADWORK A

Johnny Winter, vous connaissez sûrement, et pas seulement parce qu'on a parlé de lui il y à quelques mois, vu qu'il est mort le 16 juillet dernier. Winter, né albinos (ce qui n'est pas une particularité physique des plus rarissimes, mais disons qu'on se souvient de lui en partie pour ça, et en grande partie pour son talent), était un remarquable guitariste et chanteur de rock et de blues, auteur d'albums tout simplement grandioses comme Second Winter, Saints And Sinners, Still Alive And Well, Johnny Winter And, et le live Captured Live ! dont le seul défaut est de ne durer que 47 petites minutes. Winter a aussi collaboré avec divers artistes, dont Muddy Waters qu'il a produit le temps de quelques remarquables albums à la fin des 70's (Hard Again). Winter a aussi collaboré avec son jeune frangin (deux ans de moins que lui, ou trois, je ne sais plus), un dénommé Edgar, lequel est, lui, toujours en vie, et heureusement pour lui. Edgar, c'est de lui qu'on va parler maintenant, car l'album que j'aborde est de sa discographie, et pas de celle de Johnny, même si Johnny joue sur une partie de l'album. Lequel album est un live, double (pour le vinyle, car, avec 66 minutes au compteur, il est suffisamment court pour que tout tienne sur un CD), datant de 1972, et intitulé Roadwork. Edgar Winter, j'avais déjà abordé un de ses albums ici, par ailleurs son album suivant, They Only Come Out At Night (qui contient les immenses Frankenstein et Free Ride). Né albinos lui aussi (pas de bol), Edgar est, comme son grand frère (avec qui il a joué à Woodstock en 1969), fou de rock et de blues. Là où son grand frère s'est limité à la guitare, Edgar, lui, a touché à tout : cuivres, guitare, claviers... Sur son premier opus, Entrance de 1970 (magnifique pochette blanchâtre, avec une sorte de halo, où Edgar pose, sobrement, en buste), il joue de pas mal d'instruments.

ROADWORK B

Verso de pochette

L'année suivante, il fonde son groupe, White Trash (ou Edgar Winter's White Trash), et sort son deuxième album, éponyme du nom de son groupe. Johnny joue dessus, ainsi et surtout qu'un guitariste et chanteur (Edgar chante aussi) du nom de Rick Derringer. Ce mec est un killer de la guitare, qui a bossé, entre 1972 et 1975, avec Todd Rundgren (Edgar Winter aussi), il a joué sur des albums de Johnny Winter, il a collaboré avec Steely Dan, a joué en première partie de Led Zeppelin pour leur tournée américaine de 1977... Ce Derringer est ce que l'on peut appeler une figure du rock américain des années 70. Encore un an après Edgar Winter's White Trash, le groupe sort son troisième album, et son premier opus live, ce Roadwork ("travail de route", ou plus simplement, "chantier") que, personnellement, j'adore, je surkiffe comme vous ne pouvez pas imaginer. Sous sa pochette quelque peu caricaturale représentant Edgar (chant, claviers, saxophone), le chanteur et saxophoniste Jerry La Croix, Rick (chant, guitare) et Johnny (les deux premiers, au recto, les deux autres, voir ci-dessus, au verso), les deux premiers avec de belles expressions très je suis en plein effort rock'n'roll, cet album est, donc, malgré qu'il soit double, court, 66 minutes, et seulement pour 10 titres, mais, croyez-moi, il assure. Il assure tellement que le simple fait qu'il ne soit pas plus connu et révéré est une insulte au rock, selon moi. On trouve aussi, sur ce disque, parmi les musiciens, Jon Smith (saxophone), Bobby Ramirez (batterie), Randy Jo Hobbs (basse), Tilly Lawrence, Marshall Cyr et Mike McClellan (trompettes). La production est signée Rick Derringer. Très bonne production, l'album sonnant férocement rock, êt parfois très funky aussi, le fait qu'il ait été en partie enregistré au mythique Apollo Theater de New York (là même où Jaaaaaaames Brown fera ses deux mythiques albums live), et en partie au club Whisky-A-Go-Go de Los Angeles (mythique aussi) n'y est sans doute pas pour rien (l'influence des lieux ?)...

ROADWORK C

Une vue de l'intérieur de pochette (côté droit de la pochette intérieure)

L'album renferme de grands moments, certains (la moitié, précisément, des 10 titres) sont des reprises, le reste est tiré des albums solo d'Edgar. On notera, parmi les reprises, une version ahurissante, dingue de dingue (Edgar y pousse de ces cris, vocalises !), de 17 minutes (toute la face C) du Tobacco Road de John D. Loudermilk, morceau que l'on trouvait déjà sur Entrance. Save The Planet, qui ouvre le bal, est issu du deuxième album (Edgar Winter's White Trash). Still Alive And Well, signé Derringer, sera repris par Johnny Winter un an plus tard sur son (remarquable) album solo du même nom, qu'il sortira après une cure de désintoxication dont il avait bien besoin (et le titre du morceau et de l'album en diront long sur le fait qu'il allait, dès lors, bien mieux, le titre signifiant 'toujours en vie et en bonne santé' !). Johnny apparaît, sur Roadwork, notamment sur Rock & Roll, Hoochie Koo, sur lequel il chante et joue de la guitare (on notera l'intro, par Edgar, qui est assez sympa : on me demande toujours : "et ton frère, il est où ?" ; hé bien, le voici !), seul souci : la qualité audio est moins parfaite, pour ce morceau achevant la face B, que pour le reste de Roadwork (surtout pour la prise vocale, le chant est sous-mixé). Au rang des bonnes introductions, une, en particulier, est cultissime, ici, celle qui ouvre Cool Fool, en ouverture de la dernière face. Ce morceau servait d'entrée de jeu au groupe, et cette prise vient du concert de l'Apollo. C'est d'ailleurs assez étrange d'avoir placé en ouverture de la dernière face un morceau qui ouvrait les concerts du White Trash, mais bon, dans un sens, ce n'est pas grave. On entend, au début, la voix de l'annonceur (un Black, ce qui est important compte tenu de ce qu'il dit), qui dit, un peu en-dehors du micro (il faut tendre l'oreille pour entendre) : Vous savez, à chaque fois qu'un Black se rend quelque part pour un boulot qu'on nous propose, on entend toujours les gens dire "ah, les Noirs, toujours en retard, jamais à l'heure"... Et regardez toutes ces ordures blanches, là ! (rire de la foule - Ordure Blanche est la traduction de White Trash ; pour bien comprendre cette pique de l'annonceur vis-à-vis du groupe, il faut savoir que le groupe semblait être en retard...). Puis, l'annonceur annonce (c'est le cas de le dire) le groupe, qui démarre Cool Fool, et là, après quelques rires consécutifs, probablement, à la vue du groupe (un albinos au coeur du mythique Apollo, lieu de concert de soul/funk situé en plein Harlem ?), le silence se fait, il faut dire que non seulement Cool Fool est un morceau très rhythm'n'blues et funky, mais qu'il est absolument grandiose.

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Partie gauche de l'intérieur de pochette vinyle

Roadwork tient totalement la route, Tobacco Road, Cool Fool, les reprises de I Can't Turn You Loose (d'Otis Redding) et Back In The U.S.A. (Chuck Berry), notamment, envoient le bois. On tient ici un grand album live, certes pas un très connu (c'est le cas de le dire), mais franchement, c'est du lourd. Interprétation épatante, alternance des styles (rock, blues, boogie), musiciens de haute volée (les frangins Winter, Derringer, tudieu !!!), setlist imparable alternant bonnes reprises et chansons originales vraiment épatantes dans l'ensemble... Roadwork est un des meilleurs albums live de l'époque, et probablement le meilleur album d'Edgar Winter avec They Only Come Out At Night, le remarquable album studio qu'il a sorti un an environ après. A noter qu'une fois la tournée achevée, Winter a splitté White Trash et fondé un autre groupe, baptisé The Edgar Winter Group (c'est sous cette appellation que They Only Come Out At Night sortira, d'ailleurs). Roadwork marque donc la fin du White Trash, et quelle meilleure fin que celle-ci, pour un groupe, que de s'immortaliser sur un live de cet acabit ? Je ne peux, donc, que conseiller l'écoute de ce disque, et surtout en vinyle, c'est là que ça prend tout son sens (je le possède dans les deux formats, et je ne me séparerai jamais de mon exemplaire vinyle) !

FACE A

Save The Planet

Jive, Jive, Jive

I Can't Turn You Loose

FACE B

Still Alive And Well

Back In The U.S.A.

Rock & Roll, Hoochie Koo

FACE C

Tobacco Road

FACE D

Cool Fool

Do Yourself A Favor

Turn On Your Love Light