En 1994, Pink Floyd sortait The Division Bell, un disque franchement réussi, sorte de version suramplifiée de A Momentary Lapse Of Reason (1987, leur précédent opus studio et le premier depuis le départ de Roger Waters en 1985). Un disque très pop/rock, qui déplaira (tout comme l'album de 1987) à certaines catégories de fans du groupe, mais en attirera d'autres. La tournée sera triomphale, et immortalisée par un double live anthologique (sorti aussi en DVD dix ans après) en 1995, P.U.L.S.E., sans doute le meilleur live officiel du groupe. En ce qui concerne les albums, ça sera tout, enfin, mis à part un double live de la tournée The Wall (Is There Anybody Out There ? - The Wall Live, concert de 1980/81 à Earl's Court, Londres) sorti en 2000 et un best-of devenu mythique et best-seller international (Echoes - The Best Of Pink Floyd), qui a eu, pour le Floyd, le même retentissement que la compilation 1 des Beatles sortie à la même époque, celle de les remettre au goût du jour et de leur attirer de nouveaux fans. On aura aussi droit aux rééditions, sobres ou méga-collector, entre 2011 et 2012, et à la reformation éphémère de 2005, au cours du Live 8, du groupe, pour un concert unique. En 2008, Rick Wright, claviériste, décède. A ce moment précis (je me souviens, c'était en septembre), je me suis dit ça y est, le Floyd, c'est fini, terminé, avec Waters qui ne veut plus revenir définitivement car il a tourné la page et Wright qui vient de mourir, le Floyd se résume à David Gilmour et Nick Mason, et ne peut plus porter ce nom. Fallait bien que ça arrive un jour, non ? Reste ensuite aux fans le plaisir toujours intact d'écouter leurs albums, et pour ceux qui sont vraiment fanatiques hardcore (comme me myself I, mais ça, vous le savez déjà, si vous suivez ce blog), d'écouter aussi leurs innombrables bootlegs, dont pas mal sont abordés ici et continueront sans doute de l'être.
Pink Floyd en 2014 : Gilmour et Mason
Mais, il y à quelques mois, une annonce fut faite : un nouvel album du Floyd, pour la fin de l'année, vers octobre ou novembre. L'album, on le saura assez vite, s'appellera The Endless River, et sera constitué en grande partie de morceaux datant des sessions (1993/94) de The Division Bell. On aura Rick Wright aux claviers, de manière évidemment posthume. Pas plus de Roger Waters sur l'album que de bouteilles d'eau en tranches dans les rayons des supermarchés. Le titre de l'album est une allusion évidente à The Division Bell, il s'agit d'un morceau des paroles de High Hopes, mythique chanson qui achevait l'album de 1994. La pochette sera révélée en octobre (un homme canotant sur une mer de nuages, belle photo, typique d'Hipgnosis, fameux studio de design ayant, autrefois, signé la quasi-totalité des pochettes du groupe ; la photo est plus précisément l'oeuvre d'un tout jeune photographe égyptien du nom de Ahmed Emad Eldin), et la date de sortie est celle du 10 novembre, soit hier, jour où je me suis rué comme un gueudin dans mon magasin culturel préféré pour me l'acheter (j'ai failli le prendre en vinyle en plus du CD, ça sera sans doute pour plus tard ; j'ai cependant indiqué, en bas, dans le tracklisting, la séparation des faces vinyle, l'ordre des morceaux est le même que pour le CD, et on a cette distinction de face a, face b, etc, sur le CD aussi), renversant au passage trois poussettes, deux personnes âgées et un autocar slovaque dans ma précipitation pour arriver le plus vite possible au rayon 'musique' du magasin. 27 secondes plus tard, j'avais le disque en pogne. Enfin, non, peut-être pas 27 secondes, peut-être 73 secondes, un truc comme ça (hé, les mecs ! Prenez pas forcément au pied de la lettre tout ce que j'écris, hein ? Il faut ici piger que je n'ai pas flâné dans le magasin, voilà tout).
53 minutes, et 18 titres (!!!), telle est la durée de ce disque qui, à la base, autrefois, devait s'appeler The Big Spliff. Le groupe voulait, juste après The Division Bell, faire un disque d'ambient. Mais le projet fut assez rapidement abandonné, avant d'être relancé en 2013, l'album ayant au passage gagné son nom définitif. Totalement instrumental selon les premiers souhaits du groupe, The Endless River contiendra, au final, un morceau chanté par Gilmour : Louder Than Words, et des vocalises discrètes de ci de là. C'est un disque assez étrange, même selon les canons du groupe, et il faudra aux fans sans doute quelques écoutes (je sais qu'il m'en faudra quelques unes) pour bien parvenir à l'aimer. 18 titres (formant, par groupes de 3, 4, 7 et 4 titres, quatre longues suites musicales, une par face ; on déconseillera très fortement l'écoute de ce disque en MP3 ou en mode shuffle ! The Endless River a été fait pour être écouté d'une traite et dans l'ordre) pour seulement 53 minutes (le vinyle est double, ce qui est excessif, car tout tiendrait facilement sur un seul vinyle, mais bon, on va dire que c'est pour que le son soit meilleur, question d'élargissement des sillons, hein), la grande majorité des titres sont très courts. En fait, les deux titres les plus longs, It's What We Do et Louder Than Words, durent 6,15 et 6,25 minutes respectivement. Ce sont les deux plus longs morceaux de l'album, je le rappelle ! Sur 18 titres, pas moins de 9, soit la moitié, durent moins de 2 minutes (mais plus d'une minute quand même ; le plus court, Unsung, dure 1,05 minute) ! On sent que l'album est construit comme un tout, une entité, un peu comme les albums de Brian Eno (Another Green World), empereur de l'ambient. Notons un Louder Than Words beau à chialer, un diptyque Allons-Y qui n'est pas sans rappeler certains éléments de The Wall, des bribes de Shine On, You Crazy Diamond dans It's What We Do, et Talkin' Hawkin' qui fait réintervenir la voix électronique du scientifique Stephen Hawking, laquelle voix apparaissait déjà dans Keep Talking, sur The Division Bell ; il s'agit d'ailleurs, moins les effets de wah-wah qui l'accompagnait, du même passage vocal. La première écoute de l'album peut sembler frustrante, un groupe ayant, par le passé, livré des morceaux-fleuves comme Echoes, Shine On, You Crazy Diamond, Dogs ou A Saucerful Of Secrets se retrouve avec un disque constitué en majeure partie de bribes de morceaux instrumentaux, difficiles à retenir séparément, et passant beaucoup trop vite (de The Lost Art Of Conversation à Allons-Y (2), tous les titres durent moins de 2 minutes). Etait-ce pour faire ça que le Floyd a voulu refaire un album ? On est en droit d'être un peu interloqué, surtout vu les déclarations de Gilmour et Mason, récemment.
Aucune tournée pour promouvoir le disque, et, surtout, la fin du groupe, définitive et officielle. Waters ne voulant pas revenir, Wright décédé (et bien qu'il était évidemment hors de question, depuis son éviction en 1968, qu'il revienne un jour, Syd Barrett est lui aussi mort, on le sait, en 2005), le Floyd se résume à David Gilmour (toujours aussi épatant à la guitare et au chant, entre parenthèses) et Nick Mason, agrémentés de musiciens d'appoint tels Guy Pratt, le légendaire producteur de The Wall et du Berlin de Lou Reed Bob Ezrin, Jon Carin, Phil Manzanera (Roxy Music, albums solo d'Eno ou de John Cale ; il est juste coproducteur ici). Deux musiciens seulement, ce n'est plus un groupe. Personnellement, je ne suis pas mécontent du tout que mon groupe préféré sorte un nouvel album, même si ce disque me sera sans aucun doute plus appréciable dans quelques mois, après plusieurs écoutes. La première écoute fut agréable, mais au final un peu frustrante, certains morceaux sont tellement beaux qu'il aurait été préférable qu'ils soient plus longs (mais on a aussi quelques plages assez anodines, peu utiles). Rien de grave, en même temps, The Endless River sonne très bien, un bon disque d'ambient et du Floyd, pas leur sommet, mais 20 ans après leur dernier opus, cet ultime livraison mérite vraiment l'écoute. Difficile, aussi, d'être mécontent, car, après tout, il y à quelques mois, personne ou presque ne savait qu'un tel album allait arriver. Bien qu'il lui faudra faire ses preuves sur la durée, cet album est, dans l'ensemble, d'une excellente facture, sublimement bien produit, un disque du Floyd, autrement dit !
FACE A
Things Left Unsaid
It's What We Do
Ebb And Flow
FACE B
Sum
Skins
Unsung
Anisina
FACE C
The Lost Art Of Conversation
On Noodle Street
Night Light
Allons-Y (1)
Autumn 68
Allons-Y (2)
Talkin' Hawkin'
FACE D
Calling
Eyes To Pearls
Surfacing
Louder Than Words