Emerson, Lake & Palmer, alias ELP... Les anti-rock progressif, en entendant ces trois noms, généralement, tremblent, ou ressentent une violente douleur anale, ou ont envie d'éclater de rire, ou font un pfff méprisant, ou parfois même, les quatre à la fois. Et les amateurs de rock progressif (dont me, myself, I), généralement, se garent en deux catégorie : les pro- et les anti- ELP. Pas de milieu. Même chez les progueux, ce groupe, ou supergroupe plutôt (chacun de ses membres est, dans sa partie, un virtuose et était connu avant la formation d'ELP), est controversé ! Alors chez les anti-prog, pas la peine de dire que même Yes, Genesis, Jethro Tull et Ange sont plus appréciés (tout en étant dénigrés) qu'eux. Faut dire qu'Emerson, Lake & Palmer ont rarement fait dans la mesure : après un premier opus (éponyme) qui ne se distingue pas tant que ça du commun des albums de prog, ils ont livré un album constitué en partie d'un morceau de 20 minutes occupant toute une face (Tarkus et son morceau-titre) ; puis d'un live (sorti après, mais enregistré avant) proposant une relecture prog de la suite du compositeur russe Modeste (ce que ne sont pas ELP) Moussorgski Tableaux D'Une Exposition (Pictures At An Exhibition), ce qu'il fallait oser faire ; puis, Trilogy ; puis Brain Salad Surgery, et sa suite Karn Evil 9, tellement longue (29 minutes !) qu'elle est sur deux faces, dont la totalité de la seconde ; puis un triple live au titre interminable (Welcome Back My Friends, To The Show That Never Ends...Ladies And Gentlemen, Emerson, Lake & Palmer) qui non seulement propose Karn Evil 9 dans une version de 35 minutes occupant TOUT le dernier disque vinyle, mais aussi une version, en deux faces (dont une entière), et de 27 minutes, de Tarkus, plus un Take A Pebble en deux parties (sur deux faces) dont une de 11 minutes et une de 3, plus, entre les deux parties de Take A Pebble, un solo de piano de 11 minutes... Pour les anti-ELP, ceci représente l'Enfer sur Terre, d'autant plus que la production est un peu moyenne. Ensuite, le groupe sort un double album hautement prétentieux du nom de Works, Vol. 1, proposant une face de compositions solo par chaque membre et une face collective, et, peu après, Works, Vol. 2 (qui, lui, est simple, à pochette blanche alors que le volume 1 est à pochette noire), qui propose une sorte de suite, des morceaux supplémentaires des sessions du premier volume. La suite de leur carrière (arrivé à là, on est à 1978) est totalement sans aucun petit intérêt, même le second opus de Works l'est, d'ailleurs.
Les trois coupables, dans l'ordre de leur appellation
Constitué donc de trois pointures du genre (le pianiste Keith Emerson, ancien des Nice ; le bassiste, guitariste et chanteur Greg Lake, ancien de King Crimson ; le batteur Carl Palmer, ancien d'Atomic Rooster), ELP est un groupe assez caricatural, morceaux longs et encore plus longs en live qu'en studio, etc... Trois poseurs assez antipathiques par moments, car se prenant vraiment pour la plus belle invention depuis le pain de mie tranché (faut lire les interview d'époque, c'est du style on est vraiment trop bons pour le commun des mortels, je ne suis pas sûr que vous nous méritez ; putain j'suis vraiment trop beau et fort ; notre version des Tableaux D'Une Exposition est, je pense, aussi bonne que celle de Moussorgski (bande de connards...ils l'ont vraiment dit, ça. Non, en fait, ils ont dit pire, ils ont dit : si les gens aiment notre version, c'est aussi bien que s'ils aimaient celle de Moussorgski) ; vous nous avez trouvés super bons hier soir, mais on n'était pas en forme, entre nous, bla bla bla). Après avoir assisté, en 1974, à un de leurs shows, Lester Bangs, ce fameux rock-critic culte, dira : s'il y à bel et bien une crise de l'énergie, ces types sont des criminels de guerre, allusion à la débauche d'effets soniques, de lasers, de matos que le groupe utilise sur scène - à eux trois ! - et, donc, à l'électricité utilisée par eux au cours de leurs shows (et rappelons qu'il y à eu une crise énergétique en 1973/74). La citation du groupe, au sujet de Moussorgski, provient du même article de Lester Bangs que celui dans lequel je le cite ci-dessus. Vous allez me dire : mais je croyais que tu aimais ELP ! (au vu des autres articles, sur le blog, les concernant), et en effet, j'aime ELP, entre leur premier opus et le triple live de 1974 inclus (après, je ne réponds plus de rien si on me confie un de leurs albums ; pas sûr que je le restitue en bon état, j'aurais trop envie de casser le disque et/ou - et plus probablement 'et' que 'ou' - de déchirer la pochette), mais je sais aussi reconnaître que l'on trouvera difficilement plus caricatural, prétentieux, arrogant, suffisant et pompier que ce trio de progueux qui a sans doute réussi à faire détester le prog à des personnes qui, avant, aimaient ce courant musical.
Ce live, sorti en 2011, est officiel, malgré sa pochette très bootleg, sa qualité de son très 70's et un peu moyenne (mais il y à bien pire, aussi) et le fait qu'il soit distribué sur un label méconnu (Shout ! Factory). Il fait partie des quelques lives d'ELP qui ont été, il y à deux-trois ans, édités, au grand bonheur des fans, et sont issus soit de bootlegs, soit des bandes conservées par les membres du groupe. Au choix, il y à eu un live de 1977, un de 1978, un de 1974, un de 1970... celui-ci, long de 79 minutes pour seulement 7 titres (pas des bluettes de 2,30 minutes, donc), date de 1972, et a été enregistré à Porto Rico, au cours d'un festival du nom de Mar Y Sol. Le 2 avril (les dates du festival étaient les 1, 2 et 3 avril, précisément). Il faisait apparemment très chaud, selon les commentaires des trois membres du groupe dans le fin livret du CD. La performance est chaude, aussi ; disons plutôt que ce Live At The Mar Y Sol Festival offre vraiment un condensé du meilleur d'Emerson, Lake & Palmer durant leur meilleure période (1971/1974). 1972 est l'année de sortie de Trilogy, album vraiment remarquable contenant notamment la reprise du Hoedown d'Aaron Copland, un instrumental réjouissant qui, ici, ouvre le bal (4 minutes). Suivi par 23 minutes (ce n'est pas trop long, encore, compte tenu que la version studio dure 20 minutes) de Tarkus, puis un trio de morceaux qui forment Take A Pebble : le morceau en lui-même (un peu moins de 5 minutes), Lucky Man (magnifique ballade de 3 minutes issue, tout comme Take A Pebble, du premier opus) et 10 minutes de Piano Improvisations. On a ensuite une version d'un quart d'heure de Pictures An An Exhibition, version considérablement raccourcie par rapport à celle formant le live du même nom de 1971, longue de 33 minutes (l'album dure 37 minutes, mais il y à un titre qui ne fait pas partie de la suite dessus), qui est certes un peu expédiée par rapport à la complète, mais vaut le coup. Enfin, le live se termine sur Rondo, une relecture à la sauce ELP, de 18, 30 minutes, du Blue Rondo A La Turk de Dave Brubeck, morceau de jazz légendaire. En tout, on a donc 79 minutes de live de rock progressif made in 70's, et, croyez-moi, c'est vraiment du bon boulot, malgré le son parfois un peu rocailleux. Mais ça a quand même été nettoyé, et c'est très honorable. Pour fans d'ELP, c'est une belle acquisition en perspective. En revanche, quel visuel de merde pour la pochette, ça ne donne pas envie d'acheter le bordel...
Hoedown
Tarkus
Take A Pebble
Lucky Man
Piano Improvisations
Pictures At An Exhibition
Rondo