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That I could not find in the night/I found through him. - Constantine's Dream.

On l'a vu hier, Patti Smith s'est essayée, en 2007, à l'exercice de l'album de reprises. Sa contribution à ce genre parfois décrié (on dit souvent, mais ce n'est pas systématiquement le cas et pour elle, ce n'était clairement pas le cas d'ailleurs, que quand un artiste musical, ou un groupe, fait un disque de reprises, c'est qu'il est rincé, vidé, à sec, sans inspiration, et que c'est mauvais signe ; le fait est que c'est parfois terriblement vrai, même si certains, aussi, comme Rod Stewart ou le regretté Joe Cocker, se sont fait une spécialité de ce genre d'albums), c'est Twelve, pure merveille sur laquelle, de manière semi-acoustique, elle revisite Nirvana, Hendrix, Dylan, Neil Young, Jefferson Airplane ou Tears For Fears, dans des versions parfois meilleures que les originales. En tout cas, du même niveau. Et ça, faut le faire. Après ce coup d'éclat qui pourtant n'était pas censé payer de mine, Patti Smith va, lentement, préparer son nouvel album. Qui, enregistré en 2011 (année de sortie de sa compilation Outside Society, remarquable) et sorti en juin 2012, est à l'heure actuelle son dernier album, ce qui fait que cet article est le dernier du cycle, en espérant qu'un jour, Patti nous offre un nouvel album. Rien n'est impossible, elle a bien mis 8 ans entre Dream Of Life et Gone Again, et avant ça, 9 ans entre Wave et Dream Of Life

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Sinon, ce dernier (pour le moment) album de Patti, son onzième aussi, s'appelle Banga, et il dure 58 minutes pour 12 titres dont une reprise de Neil Young en final, After The Gold Rush (belle à faire pleurer un caillou du désert de Gobi). Patti n'a pas souvent mis des reprises sur ses albums, mais à chaque fois, c'est pour transcender le morceau repris (Them, Byrds, l'air traditionnel Trampin'). Banga, Patti le dit dans le livret (qui ne propose pas les paroles, mais des réflexions sur chaque morceau), a été en partie composé, écrit, à bord du Costa Concordia, le bateau de croisière qui, en janvier 2012, a lamentablement coulé au large de la Toscane. La photo ci-dessus, et d'autres du livret, a été prise à bord (attention, Patti n'était pas à bord quand le bateau a coulé, c'était une autre croisière, en 2011, que Patti a effectué en compagnie de son fidèle musicien Lenny Kaye. Banga est un album sur lequel Patti est entouré de ses musiciens habituels (sauf Oliver Ray), sur lequel on trouve aussi ses enfants Jackson (guitare sur la moitié de l'album) et Jesse (piano sur deux titres), sur lequel participent aussi Tom Verlaine et Johnny Depp. C'est un album très référencé, qui multiplie les allusions à des oeuvres d'art diverses. Le titre de l'album et de sa chanson-titre, courte et mouvementée, est tiré du roman Le Maître Et Marguerite de Boulgakov, c'est le nom du chien de Ponce Pilate. April Fool s'inspire de l'oeuvre de Gogol, Constantine Dream (immense morceau de 10 minutes, rempli de méditations) se base sur un tableau situé à Arezzo, en Italie. Tarkovsky (The Second Stop Is Jupiter), basé sur un morceau de Sun Ra, s'inspire du fameux réalisateur soviétique et surtout de son film L'Enfance D'Ivan. Maria est un hommage à l'actrice française Maria Schneider, morte en 2011, et que Patti connaissait. Une de ses chansons les plus belles, les plus touchantes. 

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This Is The Girl est une ballade en hommage à une autre disparue de 2011, Amy Winehouse, tandis que Nine est une chanson que Patti a composée pour l'anniversaire de Johnny Depp né un 9 juin). Fuji-San aborde en filigrane la catastrophe du tsunami et tremblement de terre de Tohoku, en 2011. Amerigo se base sur le voyage d'Amerigo Vespucci, qui a donné son nom au continent américain découvert auparavant par Colomb. Autant de chansons purement magiques, qu'elles soient rythmées ou au contraire très calmes, intérieures. Banga est certes un album très intellectuel, vu le nombre de références, littéraires, cinématographiques, picturales, personnelles, mais c'est malgré tut un disque très accessible. Je me souviens de ma première écoute, en 2012, j'avais acheté le disque à sa sortie (comme ce fut le cas pour les deux précédents opus), et  j'ai immédiatement accroché. Tout est là, encore une fois : sa voix, parfaite ; son talent pour les textes riches, prenants (dommage que les paroles manquent, mais on se console avec ce long texte qui explicite bien l'ensemble de l'album) et pour des mélodies à la fois riches et immédiatement accrocheuses (Amerigo est une de ses meilleures ouvertures d'albums). Aucun morceau, sur cet album long d'une heure mais tout de même trop court, n'est à retirer ici. Banga est un de ses meilleurs albums. J'espère qu'elle en fera un autre un jour, mais si ça devait être son dernier, elle termine sa carrière discographique sur un coup de maître !

Amerigo

April Fool

Fuji-San

This Is The Girl

Banga

Maria

Mosaic

Tarkovsky (The Second Stop Is Jupiter)

Nine

Seneca

Constantine's Dream

After The Gold Rush