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A raison, on n'attendait plus rien. Mieux, on se gaussait éperdument de Trust, un groupe de hard rock français qui aura connu sa quintessence pendant quelques années, soit entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1980. En 1984, Bernie Bonvoisin et les siens se séparent et obliquent vers d'autres chemins escarpés. Certes, durant cette même décennie, c'est surtout Téléphone qui triomphe sur les exhalaisons radiophoniques. Corrélativement, Trust coalise lui aussi plusieurs aéropages de thuriféraires. Dixit les propres aveux de ces mêmes aficionados, ce sont les trois premiers albums de Trust (L'élite en 1979, Répression en 1980 et Marche ou Crève en 1981) qui représentent l'acmé du groupe. Trust n'a jamais caché ses contiguïtés matoises avec Iron Maiden et Anthrax.
Pourtant, c'est à AC/DC que le groupe de Bernie Bonvoisin fait le plus obédience. Viennent également s'additionner d'autres influences, principalement punk rock.

Leur crédo ? La critique sociale et surtout cette véhémence récurrente pour les années Thatcher. Trust est un groupe qui émane de la plèbe et de la populace. Mais, après la sortie de leur quatrième album, Trust IV - ou Idéal (1983) pour les intimes, Trust n'est plus ce groupe faste ni luxuriant de naguère. Bernie Bonvoisin et ses acolytes n'ameutent plus autant les spectateurs dans leurs concerts. De surcroît, Trust IV essuie une rebuffade commerciale. Pugnaces, Bernie Bonvoisin et ses ouailles s'attellent à la conception d'un cinquième album, Rock'n'Roll (1984). Hélas, cette nouvelle livraison désappointe les critiques spécialisées. A tort, ce nouvel opus est rabroué, nargué et stigmatisé.
Décontenancés, Bernie Bonvoisin et ses musiciens se séparent en toute amicalité. Pendant plus de dix ans (douze ans pour être précis), Trust ne donnera presque plus aucun signe de vie.

Seul le mini-album, En Attendant (1988), ravive l'espoir d'une hypothétique résurgence. Une chimère. Désormais, Bernie Bonvoisin vaque à d'autres occupations subalternes. L'artiste protéiforme a revêtu les oripeaux de comédien et même de cinéaste. Puis, en 1996, Trust revient sur le devant de la scène avec un sixième album, Europe et Haines. Toutefois, l'embellie sera encore éphémère. Certes, Trust a signé un contrat fastueux avec la Warner. Le groupe doit sortir deux nouveaux albums dans la foulée. Mais, en raison de certaines dissensions, tensions et félonies au sein de la formation, Trust se disloquera pour disparaître à nouveau des écrans-radars.
Heureusement, les échauffourées seront fluctuantes. Après d'interminables louvoiements et atermoiements, Trust reviendra vers l'orée des années 2000. Hélas, Trust n'est plus ce groupe outrecuidant de jadis.

 

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Que pouvait-on alors attendre d'Europe et Haines, surtout à l'aune des belligérances permanentes entre Bernie Bonvoisin et Norbert Krief ? A priori, rien ou alors peu ou prou. Les deux hommes ne partagent pas tout à fait (pas vraiment... Pas du tout ?) les mêmes artéfacts musicaux. L'un (Bernie Bonvoisin) ne jure que le punk et le rock, pendant que l'autre (Norbert Krief) a fait voeu d'allégeance aux sonorités "bluesy". Ce n'est pas un aléatoire si Europe et Haines s'approxime à un curieux épitomé entre rock tonitruant et mélopées chatoyantes. On pourrait presque invoquer un étrange cas de dualité, voire d'altérité tant Europe et Haines pourrait se fragmenter en deux parties bien distinctes. 
La première pourrait s'apparenter à une sorte de bréviaire claironné et régenté par Bernie Bonvoisin "himself". A défaut de rivaliser avec les tubes du passé, On lèche, on lâche, on lynche, Tout ce qui est bon est mal, Ailleurs, Lutter sans cesse, Ca vient ça meurt et Réac-Prendre à vivre sont autant de singles stratosphériques.

Non, Trust n'a pas perdu sa verve du passé. Les verbigérations de Bernie Bonvoisin sont toujours aussi cinglantes. Ces furibonderies sont expressément euphémisées par de subites accalmies (l'excellent Tous ces Visages) et autres intermèdes parfois soporatifs (l'indolent La Tounga !). Ainsi, certains moments suintent la fastidiosité et le remplissage. Dans cet exercice, Europe et Haines remplit doctement son office... Un peu trop sans doute avec pas moins de 17 chansons, pour une durée de 60 minutes environ. Curieusement, ce sixième disque est agonisé d'injures. Les critiques se montrent unanimement revêches et acrimonieuses. Ces saillies sont totalement injustifées. Si Europe et Haines ne réédite pas les fulgurations d'un Répression, il reste néanmoins un disque probe et honorable.
A moins d'être totalement réfractaire à l'univers de Trust et à ses répliques clinquantes, Europe et Haines devrait logiquement flagorner les laudateurs de la première heure. Une bonne surprise, en somme...

 

 

sparklehorse2 Alice In Oliver