En 2004, un groupe canadien, québécois même car originaire de Montréal (mais essentiellement anglophone), sortait son premier album, au titre étrange, Funeral. Le nom de ce groupe ? Arcade Fire. Un groupe foisonnant (ils sont sept !) et dont le style de musique pourrait être qualifier de rock indépendant à tendance chamber pop et art-rock. Difficile à classer, avec son accordéon, son violon, ses synthés et ses paroles parfois dans la langue de Molière (Une Année Sans Lumière, Haïti). Le disque (qui avait été précédé, un an plus tôt, d'un EP sans titre, très intéressant) va occasionner un délire de rock-critic : tout le monde est d'accord, c'est un chef d'oeuvre. David Bowie (à l'époque déjà en retrait) dira qu'il va falloir les suivre de très près, ceux-là. Il ne sera pas rare de trouver leur album catapulté "disque du mois", voire de l'année, de crier au chef d'oeuvre. Bref, c'est plutôt pas mal (euphémisme), malgré une production un peu brouillonne. Le groupe va susciter des convoitises, et de l'espoir, et tout le monde n'aura plus qu'une seule chose en tête : à quand le prochain album, et surtout, est-ce qu'il confirmera les espérances ? Ce nouvel album d'Arcade Fire ne sortira pas avant 2007, soit trois longues années plus tard. Rendez-vous compte : si on avait été dans les années 70, laisser passer autant de temps entre deux albums, surtout quand on n'en a sorti qu'un seul, aurait été synonyme de suicide commercial ; il fallait produire, à cette époque, et un groupe qui laissait passer 3 ans entre deux disques perdait pas mal de ce qu'il avait réussi à engranger avec son précédent album, en terme de popularité, d'attentes, etc...
Mais quand, en 2007, Arcade Fire a sorti son deuxième album, de mémoire, ce fut comme si Funeral n'était sorti que quelques mois plus tôt, ce laps de temps ne semblera pas choquer quiconque. Neon Bible, tel est le nom de ce deuxième album, aussi long (47 minutes, en fait, une minute de moins...l'édition vinyle est sur trois faces, la dernière, laissée vide, est occupée par de belles gravures sur disque à l'effigie de la pochette) que le précédent opus, et sorti sous une pochette représentant une Bible en néon, ouverte. Le titre de l'album est aussi celui d'un roman de l'auteur John Kennedy Toole (célèbre pour s'être suicidé en pensant qu'il était un écrivain raté car personne ne voulait de son roman La Conjuration Des Imbéciles, roman qui sera un best-seller posthume bien des années plus tard...), mais en dehors de ça, aucun rapport. Le thème de l'album est la religion, clairement. D'ailleurs, l'album a même été enregistré, en grande partie, dans une église canadienne (à Farnham, au Québec) désacralisée, rachetée par le groupe, qui a même utilisé le grand orgue qui s'y trouvait (Intervention). A la sortie de l'album, le groupe posait en tenues de quakers, ce qui occasionnera des interrogations plus ou moins amusées. L'album parle de religion, mais aussi de guerre, de folie, c'est un album que l'on ne qualifiera pas de gai, et même musicalement, c'est assez sombre, parfois, austère, mélancolique. Démarrant assez froidement avec Black Mirror (est-ce une allusion au ''miroir noir'' de John Dee ?), l'album offre immédiatement après un morceau plutôt entraînant, Keep The Car Running, avant de replonger dans l'austérité via le morceau-titre, qui semble viser aussi bien la religion que la société de consommation. Ces trois premiers morceaux sont remarquables, mais le premier choc arrive avec Intervention, qui achève la première face. Avec son orgue d'église, son crescendo, ses choeurs angéliques, son chant habité (difficile de ne pas imaginer Win Butler dans a chaire, en pleine homélie), et ses paroles saisissantes (Working for the Church while my family dies), le morceau file le frisson. Il est capable de convertir en fan du groupe quelqu'un qui, avant sa première écoute, ignorerait tout d'eux.
La suite de l'album est du même tonneau que la triplette d'ouverture, avec de ci de là des pièces maîtresses (Ocean Of Noise, (Antichrist Television Blues), Windowsill) qui achèvent de convaincre l'auditeur. Et puis le disque se termine sur deux (trois, avec Windowsill, morceau sublime) morceaux tétanisants. No Cars Go (au titre en contradition avec celui de la deuxième chanson de l'album, quelque part), morceau qui était déjà présent, dans une autre version, sur l'EP The Arcade Fire de 2003, est le grand moment rock grandiloquent de l'album, un maelström, une pure perfection qui vient faire exploser la tension et la sinistrose des précédents morceaux de Neon Bible (on n'écoutera pas ce disque pour danser), et My Body Is A Cage, que Peter Gabriel reprendra magnifiquement bien, est un final tout en retenue, solennel et admirable. Une fois le disque achevé, une seule chose à dire : Arcade Fire n'a absolument pas raté son deuxième album, le toujours difficile à faire deuxième album. Neon Bible est un disque exigeant, moins rentre-dedans que les albums suivants du groupe. Aussi réussi que le précédent mais avec une meilleure production. La seule chose négative à dire n'est pas si négative que ça : tout en étant une totale réussite, ce n'est pas le sommet du groupe, ce qui peut sembler incroyable. Mais le suivant sera tellement monumental, aussi... Tiens, j'en reparlerai peut-être un jour, de ce troisième album, The Suburbs, que le groupe, comme à son habitude, sortira...Trois ans après ce disque.
FACE A
Black Mirror
Keep The Car Running
Neon Bible
Intervention
FACE B
Black Wave/Bad Vibrations
Ocean Of Noise
The Well And The Lighthouse
(Antichrist Television Blues)
FACE C
Windowsill
No Cars Go
My Body Is A Cage
FACE D : rien