Neil Young est connu pour des albums de folk-rock (ou de folk pure) et des albums de rock sans concession. Le mec a certes signé Helpless (au sein de Crosby, Stills, Nash & Young), Heart Of Gold, After The Gold Rush, Soldier, Comes A Time ou Long May You Run, mais il est aussi considéré comme le parrain du mouvement grunge, un artiste fédérateur pour ce mouvement, une référence, un exemple. Entendre la face B de Rust Never Sleeps, ou l'ensemble de Re.ac.tor, Ragged Glory ou Sleeps With Angels pour s'en convaincre. Il a fait tourner Sonic Youth avec lui au début des années 90 quand le groupe bruitiste venait de signer sur un gros label (Geffen Records) sur qui Neil était encore à l'époque ; il a fait un album studio entier avec Pearl Jam (Mirror Ball). Kurt Cobain a cité une de ses chansons dans son journal intime. La chanson Sleeps With Angels lui est vraisemblablement dédiée. Plus récemment, son Psychedelic Pill est une double cavalcade électrique riche en larsens et en tension. Le Loner est certes paisible en apparence, il a certes livré des albums pépères (After The Gold Rush, Harvest, Harvest Moon...), mais quand il le veut, il peut être plus féroce qu'un jeune. People my age don't do the things I do, qu'il chante dans I'm The Ocean, sur Mirror Ball (1995). En 2010, Neil Young a une fois de plus surpris son monde, pas en sortant encore un album (il est très prolifique de ce point de vue-là, un par an environ), mais en sortant un album très particulier, tellement à part qu'il a divisé, et continue de le faire, ses fans. Un album très court (8 chansons, 37 minutes), sorti sous une pochette d'apparence gothique, et sous un titre franco-anglais assez révélateur, mais aussi très étrange : Le Noise. Allusion au style de l'album (j'y reviendrai) et aussi manière très particulière de prononcer le nom du producteur de l'album (qui fut enregistré chez ce producteur, la photo du verso de pochette, voir ci-dessous, est sa maison) : Daniel Lanois, le compatriote (canadien, donc) de Neil, producteur notamment (avec Eno) de certains U2 (The Joshua Tree, The Unforgettable Fire), compositeur de musiques de films...
Le Noise est étrange. Ce disque, Neil l'a enregistré seul, aucun autre musicien ne participe aux sessions. Et niveau musique, on entend une guitare électrique saturée, bien souvent, d'écho, mais rien d'autre. Pas de piano, de basse, de batterie, de cuivres, de cordes, de claviers divers. Neil et sa gratte, et over. Dire donc que Le Noise sonne minimaliste et, parfois, bruitiste (dès les premières secondes de Walk With Me), c'est faire un bon gros euphémisme. Si votre idéal, chez Neil Young, est la folk-rock à la Harvest ou Prairie Wind, vous allez prendre cher et sans plaisir. Si vous aimez les expérimentations, le feedback, le noise-rock à la Sonic Youth et le grunge, vous devriez aimer. C'est un album que l'on peut qualifier parfois de grunge acoustique, tout n'est pas bruitiste. C'est le cas de Rumblin', par exemple, mais pas de Peaceful Valley Boulevard (morceau le plus long, 7 minutes ; deux autres titres font 5,30 minutes, mais la majorité d'entre eux font dans les 3,30/4,30 minutes, pas insurmontable), assurément la plus réussie, et pas parce que la plus longue. D'autres titres (Angry World, Hitchhiker, Sign Of Love) sont d'un très bon niveau, cependant. Mais dans l'ensemble, parfois très mal accueilli à sa sortie (la critique de Rock'n'Folk, assassine - 1 étoile sur 5 - se finissait par ces mots : qu'on le débranche...), Le Noise est un album vraiment particulier, il faut du temps pour s'y faire, et je ne saurais blâmer les fans du Loner qui ne parviennent pas à l'apprécier. Ce disque, c'est un peu comme Re.ac.tor (1981), en plus réussi cependant (en vraiment beaucoup plus réussi, même !), mais en tout aussi abrupt, difficile d'accès, minimaliste parfois (la différence, c'est qu'ici, Neil est vraiment tout seul ; sur l'album de 1981, il y avait un groupe, son Crazy Horse), et tout aussi controversé.
Voilà donc un cru étonnant et déstabilisant de Neil Young. On aime ou on déteste. Sans pour autant adorer Le Noise, je dois dire qu'il fait partie des albums les plus originaux du Loner, mais on est en droit de lui préférer le grandiose Chrome Dreams II (un de ses précédents opus, 2007) et le long (double en CD) Psychedelic Pill de 2012. Ainsi que Ragged Glory, Sleeps With Angels, Zuma, Tonight's The Night, On The Beach et autres Mirror Ball, j'en oublie encore, il y en à tellement. Parce que si Neil a sorti des merdes (Landing On Water, Trans), il a aussi et surtout sorti de grandes choses. On notera, pour finir, que la pochette de cet album est moins ratée que de coutume. Ce qui n'est pas peu dire, vu que le Loner a trop souvent (quasiment tout le temps !) eu droit à des pochettes d'un goût plus que douteux (This Note's For You, Zuma, Silver & Gold, Sleeps With Angels...). Celle de Le Noise est gothique, étrange, à l'image de son titre et de son contenu. Au final, un album à conseiller aux fans, il ne faut pas découvrir le Loner par le biais de cet album.
Walk With Me
Sign Of Love
Someone's Gonna Rescue You
Love And War
Angry World
Hitchhiker
Peaceful Valley Boulevard
Rumblin'