Après un Some Great Reward très réussi en 1984, Depeche Mode entre en studio, en 1985, pour accoucher, et ça sera dans la douleur et sans péridurale, du successeur. Dans la douleur, car le groupe de Gahan et Gore, à l'époque, vient d'enquiller 4 albums en autant d'années, et qu'ils commencent doucement mais sûrement à moins apprécier d'entrer en studio pour enregistrer (comme il est dit dans les notes de pochette de la récente réédition CD, ils commençaient à se rendre compte qu'enregistrer un disque était, avant tout, un travail, et pas forcément une partie de campagne). Des tensions commencent à survenir dans le groupe, en plus (ce qui n'empêchera pas Depeche Mode de tenir encore à quatre membres pendant 7-8 ans, Alan Wilder étant parti en 1994). Il faut à Depeche Mode un successeur à Some Great Reward et ses deux tubes People Are People (très pop sautillante) et Master And Servant (première vraie incursion dans la cold-wave assez gothique et sombre, pour le groupe). Le successeur, 11 titres et 40 minutes (le clip plus bas offre l'album entier plus un titre bonus), sortira en 1986 sous une pochette représentant un building et des tulipes (on retrouvera des fleurs sur les pochettes de Violator et Exciter), et sous le très sombre titre de Black Celebration. Pas un succès monstrueux à sa sortie (aucun tube, ambiance crépusculaire et complexe), l'album est rapidement devenu un objet de culte et un des grands, grands favoris des fans.
Ce disque est incontestablement le premier sommet absolu, inaliénable (j'aime bien ce mot, alors je l'utilise ; j'aurais aussi bien pu utiliser 'imprévisible', alors estimez-vous heureux) et imparable de Depeche Mode. Les précédents albums ? Le premier est moyen, le second et le troisième bien meilleurs mais pas parfaits, et le quatrième et précédent, Some Great Reward donc, est quasi grandiose. Black Celebration, lui, l'est. Depeche Mode fera encore plus fort avec les trois albums suivants, mais en attendant, en 1986, ils s'imposent, et ce, sans grand tube mondial (mais des classiques, oui : le morceau-titre, Stripped, A Question Of Time, A Question Of Lust, New Dress). Et une ambiance alternant entre la new-wave industrielle et la cold-wave bec de Butagaz dans la bouche, scotch d'électricien bien collé sur le nez, et on respire à fond, on respire à fond. Pourtant, le morceau-titre, qui ouvre le bal, est chanté avec limite de l'insouciance, mais c'est la voix de Gahan qui veut ça. La chanson, comme les suivantes (Fly On A Windscreen - Final, putain...), est d'une noirceur incroyable. Stripped, le délicat A Question Of Lust, le remarquable et peu connu Here Is The House, It Doesn't Matter Two (sorte de suite au It Doesn't Matter du précédent album), New Dress et son refrain amusant (Princess Di is wearing a new dress), A Question Of Time, le très court (moins de 2 minutes !) Sometimes... On pourrait tout citer.
Depeche Mode, groupe que décidément j'apprécie de plus en plus à chaque écoute ou réécoute de leurs albums (toujours eu du mal avec les deux premiers et Exciter, cependant), livre ici un disque parfait. Ils en ont chié pour l'enregistrer (ils en chieront aussi pour Songs Of Faith And Devotion et Ultra, mais pour d'autres raisons), mais le résultat en vaut la chandelle. Certes, pour le grand public, il manque des hits aussi fédérateurs que Just Can't Get Enough, People Are People ou les futurs Never Let Me Down Again et Enjoy The Silence, mais, pour les fans, ce disque est un des essentiels les plus absolus du groupe, avec les trois suivants. Au sujet du suivant, qui sera enregistré en France (celui-ci, comme le précédent, c'était en partie en Allemagne), ça sera Music For The Masses, en 1987, qui marquera la vraie entrée de Depeche Mode dans la cour des grands. Incroyable de se dire que le groupe a sorti ce disque fédérateur un an après ce Black Celebration qui en pose déjà des bases. Bref, ils ne se reposaient pas trop, à l'époque, devaient carburer à je ne sais quoi (Gahan aura de gros soucis d'addiction à la came, on le sait), mais ça leur réussissait !
FACE A
Black Celebration
Fly On The Windscreen - Final
A Question Of Lust
Sometimes
It Doesn't Matter Two
FACE B
A Question Of Time
Stripped
Here Is The House
World Full Of Nothing
Dressed In Black
New Dress
Pas forcément celui à écouter en premier, par contre: c'est très froid.