Alors là... Anthologique. Fantastique. Mythique. Et s'il existe d'autres mots en -ique qui sont dans le même état d'esprit, il se pourrait bien que je les rajoute ultérieurement (oubliez 'moustique', 'Mozambique', 'exotique' et 'Afrique', merci). Ce disque offre quelques 140 minutes de pur bonheur live, capté au cours du fameux festival de Woodstock, ces trois jours de paix, de musique et d'amour qui, du 15 au 17 août 1969, a tout simplement révolutionné le monde du rock. Ce festival a eu lieu dans un grand champ situé à Bethel, état de New York, non loin d'une ville du nom de Woodstock (d'où le nom du festival, ce nom de Woodstock sonnait mieux que Bethel), un champ appartenant à un fermier local, Max Yasgur, qui accepta très gentiment de le louer pour le festival. C'est un jeune hippie du nom de Michael Lang qui est à l'origine de ce gigantesque festival peace and love, un festival de musique rock qui fut gratuit pour les spectateurs, et qui, à cause de ça, ne fut pas très rentable pour Lang et ses amis. Mais les répercussions furent monstrueuses, qui n'a jamais entendu parler de Woodstock, à l'heure actuelle, hormis les très jeunes enfants ? En 1970, un film réalisé par Michael Wadleigh, filmé pendant le festival, sort, un film de trois heures, sobrement intitulé Woodstock. En même temps, un triple album live, une compilation regroupant les meilleurs moments du festival, et tous, accessoirement, sont dans le film, sort : Woodstock : Music From The Original Soundtrack And More. Cet album. Six faces de bonheur absolu, avec, comme il était précisé sur la pochette, quelques soucis sonores de ci de là (vu les conditions d'enregistrement, l'époque, l'ampleur du festival, avoir réussi à faire aussi bien sonner l'ensemble relève du miraculeux), présentés comme des éraflures sur du cuir véritable.
On a quasiment tous les grands moments, ici. Et certains qui manquent se trouveront un an plus tard sur Woodstock Two, suite, double compilation proposant des titres absents du film et de la première compilation. J'y reviendrai. Revenons à la première compilation, la meilleure des deux, car la plus longue et généreuse, et celle offrant les plus grand classiques. Du rock, de la folk, et, pour un morceau (un medley ahurissant, de 13 minutes, de Sly & The Family Stone), de la funk. Certains artistes ou groupes, ici, ne sont plus très connus : Country Joe McDonald & The Fish, John B. Sebastian (chanteur des Lovin' Spoonfuls), The Butterfield Blues Band, Sha-Na-Na, même Richie Havens, sont des artistes/groupes emblématiques de Woodstock, mais ont moins marqué la mémoire collective populaire que les Who, Joe Cocker, Jimi Hendrix ou Santana. Aaah, Santana, justement. Avant de participer à Woodstock, le groupe américano-mexicain mené par le guitariste Carlos Santana est refusé par toutes les maisons de disques, qui refusent de sortir son premier album (Santana, 1969). Après sa prestation, Columbia/CBS se rue vers eux, et les signe ! Il faut dire que leur prestation, située sur la quatrième face, est juste mortelle, un Soul Sacrifice dément précédé de deux minutes de chant tribal de la part de la foule (il venait de faire un temps de merde, une pluie torrentielle, et le public chantait comme pour conjurer le sort et faire revenir le beau temps), qui semble faire partie intégrante du morceau, d'ailleurs. Ce passage de Santana est un des fleurons du festival, on peut aussi citer la prestation éblouissante d'un autre artiste ayant bien profité des ondes woodstockiennes pour le reste de sa carrière, Joe Cocker (même si un an plus tard environ, sa gigantesque tournée Mad Dogs & Englishmen le laissera sur le carreau, et il ne s'en remettra quasiment jamais), qui livre ici une reprise anthologique des Beatles, With A Little Help From My Friends, tellement forte qu'elle tue littéralement l'originale ! C'est grosso merdo après ce passage que le temps se met à se gâter.
Autres intenses performances, Richie Havens, un des premiers à passer, et qui, pour meubler en attendant que les artistes suivants soient prêts, improvisera un Freedom remarquable et politisé en diable, un morceau basé sur une de ses anciennes chansons. Folkeux, Havens incendie la foule avec ce morceau grandiose et très sobre (sa voix, une guitare, rien d'autre), qui fait partie des meilleurs moments du festival, aussi. Difficile, aussi, de ne pas citer les Who (We're Not Gonna Take It ! de Tommy), Crosby, Stills, Nash & Young et Jimi Hendrix. Les premiers, qui se produisent ensemble quasiment pour la première fois (comme le dit l'un d'entre eux, Stills je crois, we're scared shitless), sont au sommet de leur forme. Suite : Judy Blue Eyes (8 minutes de pur bonheur folk), Wooden Ships sont grandioses. On peut en revanche se demander pourquoi Sea Of Madness, de Neil Young (qui refusera catégoriquement d'être filmé ou photographié, mais on entend bien sa voix) se trouve ici : en effet, ce morceau...ne provient pas de Woodstock mais d'un concert ultérieur ! Ce qui n'était pas indiqué sur la pochette vinyle, vous pensez bien, mais l'est dans le livret du CD. Un morceau, cependant, fantastique. Et Hendrix... Ayant achevé les festivités, il achève, logiquement, le triple album, occupant les deux/tiers de la face F, avec une version anthologique de Purple Haze, précédée d'une relecture hendrixienne de l'hymne américain Star Spangled Banner. En tout (il y à un solo d'enfer en final, qui s'achève en douceur), 13 minutes de tuerie. A ceux qui adorent les prestations d'Hendrix et de CSN&Y sur cette compilation, sachez que Woodstock Two en offre d'autres, trois morceaux supplémentaires pour chacun d'entre eux.
Dos de pochette vinyle
Woodstock : Music From The Original Soundtrack And More offre aussi un Volunteers efficace du Jefferson Airplane (dont deux morceaux supplémentaires sont sur l'autre compilation dont je viens de parler), morceau suivi d'un court discours de Max Yasgur, ce fermier ayant prêté ses terres pour le festival, et qui semble très content et ému de voir autant de gens réunis par amour de la musique, et dans la paix. On a aussi la performance remarquable de Country Joe & The Fish, I-Feel-Like-I'm-Fixin'-To-Die Rag (And it's one two three, what are we fighting fo(u)r ?), morceau très engagé politiquement contre le Vietnam (explicitement cité dans les paroles), et précédé d'un des meilleurs moments du festival, un "Fish Cheer" anthologique, Country Joe faisant épeler et prononcer le mot 'FUCK' par tout le public. Auparavant, un Rock And Soul Music du même Country Joe McDonald, moins réussi, se termine par un Marijuana ! bien cinglant. Et en parlant de morceaux moins réussis, force est de constater qu'il y en à, un peu. Le pire étant At The Hop, reprise d'un standard fifties par Sha-Na-Na, un groupe improbable de revival doo-wop/rock'n'roll. Que foutent-ils là ? Ils sont passé, en plus, juste avant Hendrix, on imagine le contraste. Une aberration, heureusement courte. Sinon, Arlo Guthrie, fils de Woody et folkeux amateur de came, livre un Coming Down To Los Angeles sympa, mais mineur, le Rock And Soul Music de Country Joe est donc moins fort que l'autre morceau qu'il chante plus tard, et Canned Heat (qui n'apparait pas dans le film, mais on les entend) semble en petite forme, son Going Up The Country est sympa, mais pas extraordinaire. Idem pour John B. Sebastian, qui était selon son propre aveu totalement déchiré ce jour-là, et qui, seul avec sa guitare acoustique, livre des morceaux bien imprégnés de flower power, et assez niais, un en ouverture (I Had A Dream, sur lequel, curieusement, on n'entend pas la foule, ce qui peut faire penser soit que tout le monde s'en foutait, soit que ce n'est pas un extrait du festival !), et un en final de l'avant-dernière face (Rainbows All Over Your Blues, assez moyen, mais heureusement court, excepté un speech défoncé de la part de Sebastian juste avant).
Intérieur de pochette vinyle
En revanche, Joan Baez livre deux excellents titres : Joe Hill (chanson, comme toujours avec elle, engagée) et Drugstore Truck Drivin' Man, reprise des Byrds, en duo avec un certain Jerry Shurtleff, chanson engagée contre un gouverneur mal-aimé (Ronald Reagan ?) et très conservateur. Le Butterfield Blues Band offre un morceau pas très représentatif de leur musique, mais cependant efficace et sympa, Love March, et Ten Years After, avec I'm Going Home, a permis à son guitariste/chanteur Alvin Lee (qui devait être bien chargé aussi, ce soir-là), de prouver qu'il était un des plus rapides au monde (un passage fameux du film Le Péril Jeune de Klapisch montre un ado essayer de mimer l'intro du morceau tout en le mettant, et renoncer rapidement, dégoûté par la rapidité). Cependant, I'm Going Home est en fait une sorte de medley de plusieurs titres de rock'n'roll fifties (on reconnait Whole Lotta Shakin' Goin' On de Jerry Lee Lewis, notamment), et fait un peu fainéant, par moments, à cause de ça. C'est un des moments les plus cultes de Woodstock, mais je le trouve très surestimé, moins percutant que Freedom, Suite : Judy Blue Eyes, Star Spangled Banner/Purple Haze, Soul Sacrifice, With A Little Help From My Friends ou que le Medley : Dance To The Music/Music Lover/I Want To Take You Higher de Sly & The Family Stone (qui foutent le feu, mais alors quelque chose de bien) ! Enfin, dans l'ensemble, peu de choses moyennes sur cette triple compilation de 2h20 (1h10 par CD : les trois premières faces sur le premier disque, soit 14 titres, et les trois dernières, soit 7 titres, sur l'autre CD, les durées des deux disques sont quasiment identiques). A noter, des interventions vocales des organisateurs, qui font partie intégrante de l'expérience Woodstock. Elles rallongent souvent les morceaux (Going Up The Country dure dans les 3 minutes, mais la plage audio avec ce titree est quasiment deux fois plus longue avec les interventions, qui se terminent par une caricature du Number Nine, Number Nine du Revolution 9 des Beatles), mais je ne saurais imaginer ce triple album, désormais double CD, sans elles. La compilation Woodstock Two, elle, n'en comporte pas, et en cela, c'est dommage...
FACE A
I Had A Dream - John B. Sebastian
Going Up The Country - Canned Heat
(Stage annoucements)
Freedom - Richie Havens
Rock And Soul Music - Country Joe & The Fish
Coming Into Los Angeles - Arlo Guthrie
At The Hop - Sha-Na-Na
FACE B
The 'Fish' Cheer/I-Feel-Like-I'm-Fixing-To-Die Rag - Country Joe McDonald
Drugstore Truck Drivin' Man - Joan Baez & Jeffrey Shurtleff
Joe Hill - Joan Baez
(Stage announcements)
Suite : Judy Blue Eyes - Crosby, Stills & Nash
Sea Of Madness - Crosby, Stills, Nash & Young
FACE C
Wooden Ships - Crosby, Stills, Nash & Young
We're Not Gonna Take It - The Who
(Stage announcements)
With A Little Help From My Friends - Joe Cocker
FACE D
Crowd Rain Chant
Soul Sacrifice - Santana
(Stage announcements)
I'm Going Home - Ten Years After
FACE E
Volunteers - Jefferson Airplane
Max Yasgur's speech
Medley : Dance To The Music/Music Lover/I Want To Take You Higher - Sly & The Family Stone
Rainbows All Over Your Blues - John B. Sebastian
FACE F
Love March - Butterfield Blues Band
Star Spangled Banner/Purple Haze/Instrumental solo - Jimi Hendrix
Forçément 10 faces c'est beaucoup d'autant qu'il y a des absents sur ce live (certainement a cause des maisons de disques ) ,et quels absents ! Exit Janis Joplin , exit Johnny Winter exit le Grateful dead ;quant aux autres il faut trier car certains artistes ne sont pas au mieux de leur forme artistique pour ce concert historique (Ten Year After- Crosby Stills Nash & Young- Paul butterfields blues ) Heureusement il y aussi des performances éblouissantes Santana donne une interprétation inouie de soul sacrifice de même que Joe Cocker avec son historique reprise des beatles with a little help from my friends .Au rayon des gros plaisirs de ce Woodstock il ne faut oublier Richie Havens , Canned Heat ,Sly and the family Stone Jefferson Airplane , The Who , et Jimi Hendrix bien sûr , Hendrix qui clôture ce festival avec un star spangled banner monstrueux et totalement extra terrestre qui s'inscrit dans l'histoire de la musique et de la contestation pacifique .Nous sommes le 17 août 1969 ; les papiers gras volent sur le campus déjà déserté du dernier jour du festival et la guitare hallucinée de Hendrix qui reproduit le bruit des bombes s'abattant sur le viet-nam et les notes de Jimi qui montent ..... montent vers le ciel, certaines y sont encore .