Comme je l'ai déjà dit ici plusieurs fois, et plus récemment dimanche dernier (16 novembre), King Crimson est 'mort' en 1974. Le fameux groupe de rock progressif fondé vers 1968, dont le premier album (In The Court Of The Crimson King, 1969) fut un authentique traumatisme dans le monde du rock, et ayant accompli l'exploit, avant de splitter, de livrer trois albums de rock progressif métallique et expérimental dantesques et extrémistes (Larks' Tongues In Aspic en 1973, Starless And Bible Black et Red en 1974) qui, aujourd'hui encore, continuent d'être écoutés avec la plus totale admiration, ce fameux groupe, donc, aura eu une durée de vie plutôt courte (même pas six ans pleins), mais quelle discographie ! Si on excepte un live à la qualité audio déplorable (Earthbound, en 1972, même un bootleg sonne mieux que lui) et un deuxième album (In The Wake Of Poseidon, 1970) très sympa, mais beaucoup trop décalqué sur le premier pour convaincre totalement, si on excepte ces deux exceptions, la carrière du Roi Cramoisi fut des plus illustres, marquantes. Le leader du groupe, guitariste/mellotroniste et unique membre ayant tenu le coup durant les (nombreuses) formations de Crimso', Robert Fripp, décidera en 1974, juste avant la sortie de Red, que le groupe n'avait plus rien à dire, et comme ça coïncidait avec une sorte de crise mystique qu'il était en train de vivre...Long live the King. Red sort, le groupe n'existe alors plus, tout le monde le regrette, surtout en écoutant le disque. Quelques mois plus tard, on est alors en 1975, Fripp fait sortir un album live enregistré en 1974 au cours de deux concerts américains, Providence (Rhode Island) et (surtout) Asbury Park (New Jersey). L'album, simple disque, s'appelle USA, et au dos de sa pochette, la mention RIP veut bien dire ce qu'elle veut dire.
Verso de pochette
Encore un an plus tard, en 1976 donc, alors que Fripp est en pleine cure de recherche de son soi intérieur dans un institut (la Sherborne House) dirigé par un émule de Gurdjieff (il restera reclus pendant un an dans cet institut, ce qui l'aidera apparemment à trouver la paix de l'âme, ce genre de trucs new-age), il fait publier une double compilation de King Crimson, la première compilation du groupe (et le premier double album du groupe !). Cette compilation s'appelle A Young Person's Guide To King Crimson, titre en allusion au A Young Person's Guide To The Orchestra de Benjamin Britten (oeuvre de vulgarisation de la musique classique pour les masses). L'album est sorti sous une double pochette dessinée par Fergus Hall, deux belles illustrations bien dans le ton du ock progressif de l'époque, et on y trouvait aussi un épais livret de photos et coupures de presse, assemblées par Fripp lui-même et provenant de ses archives personnelles. Mon vinyle, hélas, ne possède pas ce livret, je le regrette amèrement. Jamais éditée en CD sauf au Japon il y à un petit moment, et jamais rééditée en vinyle alors que les autres albums de King Crimson l'ont été, A Young Person's Guide To King Crimson contient 15 titres, et parmi eux, deux seulement furent, à l'époque, inédits en albums. Et parmi ces deux, un seul était réellement inédit, une version alternative et embryonnaire de I Talk To The Wind, deux fois plus courte que l'originale (soit 3,15 minutes), datant de 1968, et interprétée non pas par Greg Lake (premier chanteur, et bassiste, du groupe, parti en 1970, il cofonera Emerson, Lake & Palmer dans le courant de la même année), mais par Judy Dyble, première chanteuse du groupe de folk-rock psychédélique anglais Fairport Convention, elle chante sur leur premier opus, de 1968, et sera ensuite remplacée par Sandy Denny. L'autre morceau inédit, mais qui ne l'était pas vraiment en fait, c'est Groon. Jamais placé sur album (sauf une version live interminable de 15 minutes sur Earthbound), ce morceau instrumental de 3,30 minutes était sorti en face B du single Cat Food en 1970. Cat Food, issu de l'album In The Wake Of Poseidon, est par ailleurs présent sur la compilation dans cette version single, raccourcie par rapport à la version album (la réédition 2002 de In The Wake Of Poseidon propose cette version single et Groon en bonus-tracks). Groon est un morceau assez jazzy et expérimental, très correct, un peu redondant, mais vraiment plus qu'écoutable. Cat Food, je le préfère ici que dans sa version longue, mais je n'ai jamais aimé ce morceau, en fait...
Intérieur de pochette
D'autres morceaux, ici (précisément deux) sont dans d'autres versions que les versions dites 'albums' : Moonchild, dont seules les deux premières minutes sont proposées ici (il s'agit tout simplement de la première partie, chantée ; le reste du morceau, issu du premier opus de 1969, dure 10 minutes et est constitué d'une improvisation instrumentale assez jolie, mais longuette, et peu mouvementée ; à la sortie de In The Court Of The Crimson King, pas mal de critiques reprocheront à ce morceau d'être trop long, Fripp a sans doute voulu faire plaisir aux fans en ne proposant que la partie 'chanson' du morceau !). L'autre morceau, c'est Larks' Tongues In Aspic 1, dont seule la coda, la toute fin (dès l'arrivée des voix dans le lointain, puis l'explosion de violon, guitare et mellotron), longue d'environ 2 minutes, est présente ici. Notons que le morceau, en totalité, dure 13,30 minutes (rien de ces 13,30 minutes n'est, en revanche, trop long ou ennuyeux dedans, en revanche, contrairement, selon les avis, à Moonchild). Tout le reste de la compilation est constitué de morceaux entiers, certains courts (Cadence And Cascade, issu du deuxième album ; Book Of Saturday, issu de Larks' Tongues In Aspic ; Peace - A Theme, petit instrumental de moins de 2 minutes issu du deuxième album, et dont la présence ici est assez étrange, peu justifiée malgré sa beauté et le fait qu'il introduise Cat Food, qui se trouve à sa suite aussi bien sur In The Wake Of Poseidon que sur la compilation), d'autres longs (Epitaph, The Court Of The Crimson King, Red, Starless, Ladies Of The Road, Trio durent entre 5,30 et 12 minutes). On notera l'absence remarquée de quelques classiques crimsoniens, comme Larks' Tongues In Aspic 2, Easy Money, Fracture, The Sailor's Tale et l'inoubliable 21st Century Schizoid Man. Certains d'entre eux (en fait, tous ceux que je viens de citer sauf Fracture et The Sailor's Tale) se trouvent en version live sur USA, et Fripp, ayant conçu ces deux albums (le live et la compilation) comme deux documents allant de paire, n'a pas jugé utile de faire des doublons de morceaux. Pour The Sailor's Tale et Fracture, OK, ce sont des oublis, mais à moins de faire trois disques, il aurait été difficile de tout caser, en même temps ! Même si la compilation n'est pas très longue, au final, quelque chose comme 75 minutes...
Une page issue du livret
Fripp aurait très bien pu rajouter un ou deux morceaux dessus. Comme, par exemple, n'importe quel morceau issu de Lizard (1970), le mal-aimé troisième album du groupe, dont rien, rien, mis à part le visuel de pochette et (sans doute, n'ayant jamais pu consulter le livret inclus dans l'album, livret que je ne possède pas, je le redis) des photos de l'époque ne se trouvent sur la compilation. Mais Fripp n'a jamais pu pifer Lizard (pourtant un excellentissime opus, bien qu'assez à part, très jazzy), dommage, Cirkus ou la seconde partie du long morceau-titre (à savoir, la partie Bolero - The Peacock's Tale) auraient été à leur place ici. Islands (1971) non plus n'est pas très bien représenté, Ladies Of The Road (considéré par Fripp comme la meilleure de l'album, et une des meilleures chansons du groupe, je ne suis pas de cet avis du tou, même si c'est une bonne chanson. Mais The Sailor's Tale ou le long Formentera Lady sont meilleures. Starless And Bible Black est représenté via ses deux moments de répit (rappelons que l'album, sorti en 1974, est un monstre de tension, de folie latente, d'angoisse, pas un disque joyeux du tout !), The Night Watch et Trio, ce dernier permettant au batteur Bill Bruford d'être crédité pour sa retenue admirable (admirable restraint), vu qu'il ne joue pas sur ce morceau très calme et mélancolique. Notons que c'est sur les crédits de pochette de la compilation que le pot aux roses, concernant les conditions d'enregistrement de Starless And Bible Black, fut découvert : Fripp a enfin avoué que quasiment tout l'album est live (avec les applaudissements effacés des bandes en studio), notamment Trio (mais pas The Night Watch). Red est représenté via Red et Starless, deux morceauc occupant toute la face B, une face B donc entièrement consacrée au dernier opus studio du groupe. On ne dira jamais assez à quel point cet album tue. Le fait d'avoir mis l'un après l'autre, sur une seule et même face, et sans rien entre eux, ni avant ni après eux sur cette face, prouve que Fripp pense que Red mérite une place à part dans la discographie crimsonienne. In The Court Of The Crimson King aussi, car mis à part 21st Century Schizoid Man, tout est présent ici (certes, pas la totalité de Moonchild, mais ce n'est pas forcément un mal) ! A l'arrivée, cette compilation, une de mes préférées avec Decade de Neil Young et les best-ofs rouge et (surtout lui) bleu des Beatles, est un régal pour les fans, même si, comme toute compilation qui se respecte, elle n'est pas complète, et ne sert plus à grand chose désormais (le fait qu'elle n'ait jamais été éditée en CD parle pour elle). Mais un fan de Crimso' se doit de l'avoir chez soi en glorieux vinyle d'époque !
FACE A
Epitaph (Including March For No Reason and Tomorrow And Tomorrow)
Cadence And Cascade
Ladies Of The Road
I Talk To The Wind (early version)
FACE B
Red
Starless
FACE C
The Night Watch
Book Of Saturday
Peace - A Theme
Cat Food (single version)
Groon
Larks' Tongues In Aspic 1 (coda)
FACE D
Moonchild (part I)
Trio
The Court Of The Crimson King (including The Return Of The Fire Witch and Dance Of The Puppets)
Pratiques et frustrantes ! toutefois, celle là me semble pas mal équilibrée...
De toute façon, faire tenir toute excellence du Crimso 69-74 en moins de 80 minutes...