Alors... Alors quoi, au juste ? Le disque le plus important des années 90 et au-delà ? Le THE album ? Pour pas mal de fans de rock et de rock-critics, c'est le cas, mais permettez-moi, au risque de me faire pourrir, d'affirmer le contraire. Je trouve Nirvana outrageusement surestimé, et Nevermind franchement surestimé lui aussi. Est-ce que ce groupe aurait vendu autant de disques si Kurt Cobain ne s'était pas fait fondre la cervelle en 1994 ? Bon, je sais, Nirvana était déjà immense à l'époque, ils ont vendu des millions de Nevermind, disque surprise (avec le Black Album de Metallica, Screamadelica de Primal Scream et les deux Use Your Illusion des Guns'n'Roses) de 1991. Mais le groupe est devenu totalement mythique dès le suicide de Cobain et la parution de son journal intime (dans lequel il cite Neil Young, My my, hey hey, It's better to burn out than to fade away, gnia gnia gnia). Musicalement, Nirvana a eu le cul bordé de nouilles, ils sont arrivés pile poil à la bonne période. AC/DC revient légèrement d'une traversée du désert, mais c'est pas encore ça ; U2 commence à devenir insupportable ; Céline Dion fait son apparition ; Bowie est dans le creux de la vague ; alors, oui, Nirvana et son grunge, mais aussi Pearl Jam (Ten, même année) et Alice In Chains, viennent à temps. Mais ils n'ont rien inventé. Quiconque veut se taper un pur grand disque de grunge peut se tourner vers Red de King Crimson, datant de...1974 (et un des albums de chevet de Cobain). On peut essayer de distinguer Cobain des autres en précisant qu'il était gaucher, mais, hey, Hendrix aussi, les mecs. Sa voix ? Oui, elle est efficace, mais est-ce la meilleure de l'histoire ? Non. La meilleure du grunge ? Celles de Layne Staley (Alice In Chains) et d'Eddie Vedder (Pearl Jam, groupe honni par Cobain et voué aux gémonies à cause de ça ; j'avoue cependant ne pas les aimer, leurs trois premiers opus exceptés) sont elles aussi remarquables, meilleures même sans aucun doute.
Le pull/sweat-shirt de Dave Grohl (au centre) aurait dû lui occasionner une peine de prison à vie, je trouve !
Après, il y à les tubes, Come As You Are, Smells Like Teen Spirit. Là, je m'incline. Nevermind, sous sa pochette mythique (là aussi, je m'incline), offre des chansons mémorables en la présence de ces deux morceaux anthologiques. Et aussi les acoustiques Something In The Way (morceau final suivi d'un morceau caché situé après plusieurs minutes de silence, je hais ce procédé de foutre un titre bonus après plusieurs minutes de silence sur la dernière plage audio) et Polly. Et Lithium, aussi, grand moment de tension. Je rajoute On A Plain, et on a 6 titres, sur les 12, que j'aime ou j'adore. Le reste ? Territorial Pissings est assez insignifiant selon moi, Lounge Act, Drain You, Breed et In Bloom sont pas mal, mais pas non plus renversants, Stay Away est efficace, et j'ai limite envie de le mettre avec les 6 que je préfère, car il envoie le bois, mais, au final, non. Sous son titre d'album rendant hommage aux Sex Pistols, Nevermind est un disque surestimé, en comparaison aux autres classiques du rock, en comparaison aux autres classiques du grunge (Alice In Chains et Dirt d'Alice In Chains, Ten et Vitalogy de Pearl Jam), et en comparaison à la suite de la carrière du groupe (un MTV Unplugged In New York posthume sublime, un In Utero grandiose en 1993).
Oui, ce disque est bon, la production de Butch Vig est efficace, mais ce n'est vraiment pas un sommet, ce Nevermind. Nirvana fera mieux deux ans plus tard avec un In Utero puissant, crade (production sanguinaire, grunge, de Steve Albini) et extrémiste. Certes rempli de hits et de classiques du groupe, certes un best-seller mondial acclamé de partout et surgissant de nulle part comme une bombe (personne n'aurait parié un kopeck sur le groupe avant Nevermind) en Christ Sauveur, ce disque n'en demeure pas moins surestimé, inégal, et largement en-deça des classiques du rock dont il fait partie. On le retrouve toujours dans les classements du type meilleurs albums du rock, et je trouve ça surestimé. Oui, Nevermind est pas mal du tout. Mais pour moi, ça s'arrête là. Sincèrement, il y à bien mieux ! C'est vrai, cependant, que les deux hits et que la production vieillissent bien...et que la pochette, mythique, est vraiment efficace !
Smells Like Teen Spirit
In Bloom
Come As You Are
Breed
Lithium
Polly
Territorial Pissings
Drain You
Lounge Act
Stay Away
On A Plain
Something In The Way
Perso, je n'ai pas attendu la mort de Cobain pour aimer son boulot, j'ai eu la chance de le vivre en direct !
Je ne dirai pas que ce disque est magistral, car dire qu'il m'a procuré les mêmes émotions que "Exile On Main Street", "Electric Ladyland", "London Calling", "Pretzel Logic" ou "The Who Sell Out" serait mentir.
Cependant, si il contient indéniablement une bonne part de morceaux anecdotiques ("Lounge act", "Stay Away", "Polly"...), le reste est de très bonne facture sleon moi. En dehors des trois classiques, j'adore "In Bloom" (meilleur morceau de l'album selon moi, pur Sabbath), "Breed" ou "Territorial Pissings".
Alors surestimé ? Indubitablement... Est-tu passé à coté de quelque chose ? Je le pense aussi...
Mais si tu as découvert la musique du groupe après la mort de Cobain et le culte idiot qu'il a généré (comme tous les cultes...), je peux comprendre ta réaction. C'est comme tous ces cons qui écoutent Buckley depuis 1997 alors qu'ils l'auraient trouvé chiant comme la pluie de son vivant. (tiens...dans le genre surestimé et "j'aime pas trop", je ne m'interdis pas "Grace"...)
Et pour tes questions finales : oui, j'aime "Nevermind" de la façon dont on garde un souvenir attendri de ses premières amours ; non, je ne l'écoute quasiment plus, il y'a tant à découvrir qu'il ne faut pas s'apesantir dur le passé ; mais oui quand je l'écoute, ça me fait toujours quelque chose !