Zee mad dogs and zee englishmen, and Joe Cock-hair !! C'est ainsi que démarre ce live, par cette annonce faite d'une voix nasillarde par le MC, après une petite introduction type fanfare de l'Armée du Salut après un apéro géant. Ce live ? Une tuerie, pardonnez-moi d'utiliser encore une fois un terme aussi galvaudé, mais... Voilà, quoi. Une tuerie. A killing. Ce live est double, il date de 1970. Il est désormais simple, pour la version d'époque de l'album (78 minutes), mais il en existe une version DeLuxe, toujours double, de quasiment 2 heures, avec, donc, moult bonus-tracks tellement géniaux que c'est à se demander pourquoi on n'a pas sorti un triple album à l'époque (tout tiendrait, je pense, sur trois vinyles ; Lotus de Santana dure 2 heures, et était triple). Ce live s'appelle Mad Dogs & Englishmen, et sous sa pochette assez rigolote (pochette double, dépliante, de toute beauté, peu avare en photos, voir plus bas), c'est tout simplement, depuis 1970 et jusqu'à 2070 au moins, le sommet absolu de Joe Cocker. C'est aussi la musique d'un film du même nom, un film live en fait, qui retrace les coulisses de la tournée. Une tournée qui compte parmi les plus monumentales, pharaoniques, de l'histoire du rock. En fait, la plus dingue, même ! quasiment une soixantaine de concerts, dans une cinquantaine de villes des USA, un avion pour tout transporter, une foule de musiciens et choristes (et du beau linge : Leon Russell, Chris Stainton, Jim Price, Bobby Keyes, Carl Radle, Jim Gordon, Jim Keltner, Claudia Lennear, Rita Coolidge, Don Preston...).
L'intérieur de pochette, déplié
La tournée Chiens Fous & Anglais a commencé dans la joie et l'allégresse, Joe Cocker et son pote compatriote (il vient de Sheffield, Angleterre aussi, je crois) Chris Stainton décident de collaborer avec l'Américain Leon Russell (guitare, claviers, chapeaux bizarres). Une tournée monumentale par une troupe qui n'aura d'égal, 5 ans plus tard, que par la Rolling Thunder Revue de Bob Dylan. D'abord cordiales, les relations entre les deux leaders, le Cocker de Sheffield et le Chien Fou ricain Russell (ça aurait été marrant qu'il s'appelle Jack, rien que pour le jeu de mots canin, hein ?) deviendront de plus en plus tendues. Et clairement, la troupe suivra plus facilement Russell que Cocker, qui se retrouvera, au final, à la fin de la tournée, seul comme un con dans son coin, laissé, abandonné par ses compères de la tournée, ces Elements Of The Truth (voir crédits de pochette), ces Mad Dogs. C'est bien simple, cette tournée a rendu Joe Cocker mondialement célèbre, encore plus que sa monumentale prestation à Woodstock en 1969, mais elle l'a aussi totalement tué. Il mettra des années, une décennie voir plus, à s'en remettre. En fait, il ne s'en est jamais remis ! Cocker sera, en gros, le perdant de l'affaire. Et il faut reconnaître que sur ce live, il assure comme s'il venait, avant de monter sur scène (ce live, par ailleurs, est un mélange de plusieurs prestations au Fillmore East, et avec aussi deux titres enregistrés au cours d'un concert au Santa Monica Civic Auditorium de Los Angeles), d'apprendre qu'il perdra totalement sa voix une fois le concert fini. Quelle voix, que celle du Cocker de Sheffield ! Dire qu'il s'agit d'une des plus fantastiques voix du rock n'est pas exagéré. Un timbre déchiré, bluesy, rocailleux, totalement puissant.
La troupe (Cocker assis au premier plan vers la gauche, et Russell, déjà en leader officieux, bien au centre, assis lui aussi)
Ah oui, oubliez le Cocker de N'Oubliez Jamais, Unchain My Heart et Up Where We Belong (je ne cite pas You Can Leave Your Hat On : bien que mondialement connue grâce à ce navet érotique avec Rourke et Basinger, la chanson date de bien avant ce film) : le Cocker de Mad Dogs & Englishmen est un peu comme le Rod Stewart du Jeff Beck Group, des Faces et de ses premiers albums solo : un miracle. Ce live ne propose quasiment (et c'est ce qu'a toujours regretté Joe) que des reprises de standards de rock, de soul et de blues : The Letter (des Box Tops), qui sera un gros succès aussi dans sa version Cocker ; She Came In Thru The Bathroom Window (des Beatles ; parmi les bonus-tracks de la DeLuxe Edition, on a aussi Let It Be, interprétée par Claudia Lennear, Something) ; Girl From The North Country (Bob Dylan) ; Feelin' Alright (Dave Mason de Traffic) ; Honky Tonk Women (Rolling Stones) ; Stick And Stones (Henry Glover) ; Let's Go Get Stoned (même auteur, également chantée par Ray Charles) ; Bird On The Wire (Leonard Cohen) ; un long (12,30 minutes) medley de soul reprenant notamment du Otis Redding ou du Isaac Hayes (à noter que les Alright ! de Russell dans I'll Drown In My Own Tears sont parfois chiants, mais, aussi, comiques)... On a aussi l'immortel Cry Me A River... On a aussi le fantastique Space Captain...Et on a des titres écrits par Russell : Superstar magnifiquement chantée par Rita Coolidge, Give Peace A Chance, Delta Lady, que Johnny Hallyday, en 1971, fera adapter en Fille De La Nuit (en bonus-tracks de l'édition DeLuxe, on a aussi deux chansons que Russell chante et a écrites : Hummingbird et Dixie Lullaby)... Parmi les bonus-tracks de l'édition DeLuxe, on a aussi The Weight (du Band), Further On Up The Road chantée par Don Preston, With A Little Help From My Friends des Beatles dans une version au moins aussi grandiose que celle de Woodstock, ou bien encore Darling Be Home Soon, très soul/blues.
Affiche du film
Interprétation époustouflante : les versions de She Came In Thru The Bathroom Window, The Weight, Honky Tonk Women, The Letter, With A Little Help From My Friends et Cry Me A River (morceaux du double album original et bonus-tracks compris) sont limite meilleures que les versions originales des Beatles, Rolling Stones, Box Tops ou Band, pour ne citer que ces groupes ! Musicalement, c'est également fantastique : le grand nombre de musiciens (un vrai Barnum sur scène) n'empêche pas ce live d'être puissant, ça ne fait pas cacophonique comme on pourrait le croire. Mad Dogs & Englishmen est à mes yeux et surtout à mes oreilles un des albums live les plus monumentaux qui soient, un disque fantastique qui est certes parfois un peu frustrant (quasiment que des reprises), mais comme ce défaut est aussi une qualité (que des reprises bien choisies et remarquables), dans un sens, ce n'est vraiment pas grave. Dans l'ensemble, ce live est tout simplement essentiel, un disque grandiose et qui, j'en ai bien peur, est un peu oublié ces temps-ci. Faut dire que dans l'inconscient collectif, Joe Cocker n'a pas une réputation exemplaire, on se souvient surtout de lui pour ses tubes pop/commerciaux cités plus haut, plus que pour sa prestation exemplaire à Woodstock et ce livee anthologique qui a définitivement scellé son destin. Je laisse le mot de la fin à Leon Russell : I was just gonna say, don't get hung up about Easter ! Comprendra qui écoutera ce live !
FACE A
Introduction
Honky Tonk Women
Introduction
Stick And Stones
Cry Me A River
Bird On The Wire
FACE B
Feelin' Alright
Superstar
Introduction
Let's Go Get Stoned
FACE C
Blues Medley :
a) I'll Drown In My Own Tears
b) When Something Is Wrong With My Baby
c) I've Been Loving You Too Long
Introduction
Girl From The North Country
Give Peace A Chance
FACE D
Introduction
She Came In Thru The Bathroom Window
Space Captain
The Letter
Delta Lady