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Kate Bush... Une artiste que j'adore, j'ai eu l'occasion de le (re)dire ici récemment, et j'en aurai encore l'occasion avec un autre article bientôt, en plus de celui-là, qui est une réécriture (l'ancienne chronique sur cet album me semblait décevante et ratée). Sorti en 1985, cet album étonnant, hybride (j'y reviens), est son cinquième album studio, et album tout court. Il est sorti sous une belle pochette montrant, dans une photo au centre d'un gros fond blanc, Kate, en robe rose, allongée sur un lit de la même couleur que sa robe, et entourée de deux gros chiens de la race des cockers. Quand je dis qu'elle est allongée sur un lit, c'est du moins l'impression que ça fait, surtout que sa chevelure est répandue autour et au-dessus d'elle. Au dos, une photo en noir & blanc, dans un gros fond blanc aussi (maais la photo est cependant bien plus grande qu'au recto), la montre, dans une tenue bariolée, comme en train de tirer à l'arc (aucune arme visible, mais un fameux visuel de l'époque, utilisé pour un 45-tours, la montre en archer). Kate Bush n'a jamais rien fait comme tout le monde. Hounds Of Love ("les molosses de l'amour"), tel est le nom de ce disque, mais en fait, on devrait plutôt l'appeler Hounds Of Love/The Ninth Wave. On a en fait, ici, deux petits albums, bien distincts, un par face, et chaque face porte un titre différent. Ce disque, qui sera un gros succès, et qui offre un des plus gros hits de Kate, est pour moi son meilleur, juste devant The Dreaming, son très étonnant et complexe album précédent (1982) qui, lui, tout en ayant vraiment bien marché, avait été qualifié de disque suicidaire et fou par la presse (et sans aucun doute décontenancé les fans). C'est aussi mon préféré. Ce n'est pas l'album qui m'a fait découvrir Kate Bush (ce fut The Kick Inside, même si, avant ça, la chanson Suspended In Gaffa, de The Dreaming, fut le coup d'essai, au dépars peu concluant), mais c'est le premier que j'ai acheté. Et racheté en vinyle. D'occasion. Un album majeur de la pop anglaise (et même toutes nationalités confondues) des années 80 à maintenant, un des sommets de 1985 avec le Dire Straits et le Pogues.

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Et surtout, l'écrin pour une des plus belles, des plus grandes, des plus hallucinantes chansons de tous les temps : Running Up That Hill (A Deal With God). Le sous-titre de la chanson était, à la base, le titre de la chanson, Kate y tenait, mais sa maison de disques (EMI) hésitait à sortir en single une chanson portant le titre de "un pacte avec Dieu". Un compromis fut donc trouvé. Ce sous-titre est peu souvent utilisé. Avec ses nappes de Fairlight CMI (joué par Kate), sa batterie martiale (un vidéo sur le Net montre Kate, à l'époque, au cours d'un passage TV promotionnel, chanter la chanson, accompagnée de tambours-majors), sa guitare filtrée par les synthés et sa basse minimaliste, la chanson, musicalement, est un exploit. Le chant de Kate, habité, passionné (Do you wanna know, wanna know that it doesn't hurt me ?), est totalement à la hauteur. Deuxième couplet, difficile de ne pas frissonner quand elle crie, puis sussure presque, les deux phrases suivantes, Is There so much hate for the ones we love ? Tell me we both matter, don't we ? ("Y'a-t-il donc trop de haine pour ceux que l'on aime ? Dis-moi que nous nous en soucions bien tous les deux, veux-tu ?"). Ouvrir l'album sur une telle chanson (qui sera par la suite reprise par Placebo - une version acoustique assez belle - et Within Temptation - à leur sauce metal orchestral, mais efficace et joli) est une gageure : ça signifie qu'elle n'est, logiquement, pas la meilleure de l'opus (qui, en tout, dure 45 minutes, pour 12 titres), enfin, en théorie. Ouvrir un album par son sommet est en effet assez con, la suite de l'album n'est forcément (indépendante de sa qualité), pas du même acabit. Petit reproche, donc, à faire à Hounds Of Love : il s'ouvre bel et bien sur sa meilleure chanson.

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Mais la suite est d'enfer. Le morceau-titre (qui s'ouvre sur un sample du film Rendez-Vous Avec La Peur de Jacques Tourneur, un monument du fantastique et de l'angoisse) est excellent, The Big Sky, que Peter Gabriel aurait pu chanter, est entraînant, Mother Stand For Comfort (avec son thème curieux, une mère qui va cacher et protéger un meurtrier, qui n'est autre que sa fille, narratrice de la chanson), est étrange et magnifique, et en final de la face A, on a un Cloudbusting absolument tétanisant de beauté. Chanson inspirée par l'oeuvre de Wilhelm Reich (psychanaliste américain d'origine ukrainienne un peu fou, créateur du controversé "accumulateur d'orgones" et d'un "cloudbuster", canon à nuages chargé de faire pleuvoir) et par le livre de souvenirs et mémoires (A Book Of Dreams, jamais traduit en français, hélas) écrit par son fils Peter après la mort (en prison) de Wilhelm, la chanson, avec son accompagnement de cordes, est inoubliable. Elle achève la face A avec majesté. La B, qui s'appelle donc "The Ninth Wave", est totalement autre. Elle contient 7 titres inspirés par le Moyen-Âge et le celtique. On y trouve des expérimentations vocales (Waking The Witch est par moments un peu angoissant, entre une voix inhumaine, démoniaque (et masculine) et des délires vocaux de Kate elle-même), des passages très calmes (And Dream Of Sheep, Under Ice, Hello Earth qui, avec ses chants grégoriens lugubres, file des frissons), un grand moment pop en final (The Morning Fog), une petite douceur subtile comme une pluie d'été (Watching You Without Me) et une incartade celtique qui nous propulse en plein fest-noz (Jig Of Life), l'ensemble, cohérent malgré cette avalanche de genres, est de toute beauté et fait de Hounds Of Love un des albums les plus originaux de Kate Bush (et de son époque), et surtout, une incontestable et totale réussite. 

FACE A (Hounds Of Love)

Running Up That Hill (A Deal With God)

Hounds Of Love

The Big Sky

Mother Stands For Comfort

Cloudbusting

FACE B (The Ninth Wave)

And Dream Of Sheep

Under Ice

Waking The Witch

Watching You Without Me

Jig Of Life

Hello Earth

The Morning Fog