BB 1

Mon Dieu, mais quelle pochette de merde... Non, désolé de commencer la chronique (la nouvelle chronique, qui remplace l'ancienne) par une telle phrase, mais franchement, à regarder la pochette de Pet Sounds, l'envie d'écouter l'album, surtout quand on ne le connaît pas encore et qu'on le croise dans les bacs d'un magasin, l'envie d'écouter l'album est assez minime. On en vient rapidement à se demander le comment du pourquoi du parce que de la raison de cette pochette : OK pour le haut de pochette, passe encore ce vert pomme avec la liste des titres (une spécialité de l'époque, de mettre le tracklisting deux fois sur la pochette, recto et verso), mais la photo ? Prise au zoo de San Diego, elle montre les Beach Boys en train de s'amuser à nourrir des chèvres dans leur enclos (celui des chèvres, pas des Beach Boys, hein ; médisants, va !). Carl, Brian et Dennis font maquette aux biquettes, brandissant la nourriture au-dessus d'elles, fais la belle et tu auras la boubouffe, Clochette. Mike Love est en retrait, semblant bien se marrer mais n'ayant pas envie, merci bien, de faire le con. Seul Al Jardine donne vraiment à manger à sa compagne poilue (aucune allusion, je ne connais pas la femme de Jardine). Dans le livret CD, d'autres photos des sessions du zoo de San Diego, dans l'enclos, sont au moins aussi affligeantes (sur l'une d'elles, Brian Wilson, accroupi près d'une chèvre, fait une mimique telle qu'on en vient à se demander où il se trouve sur la photo par rapport à l'animal). Au dos de pochette (ci-dessous), des photos n&b du groupe sur scène, au Japon, ainsi que des Japonais en tenue traditionnelle, ces photos sont bien meilleures, mais aucune d'entre elles n'aurait fait une photo de recto convaincante quand même.

BB 2

Dos de pochette

Et l'album, alors, musicalement parlant ? Non, parce que si sa pochette est foirée, rassurez-vous, musicalement, Pet Sounds est un triomphe. Bide à sa sortie, cependant, il faut le signaler. On ne le comprendra pas, ce disque, alors qu'il offre en avant-première mondiale tout le futur de la pop. Brian Wilson (basse, chant, claviers, leader du groupe), qui ne tardera pas à sucer des glaçons par ailleurs, a eu l'idée de faire ce disque après avoir écouté le Rubber Soul des Beatles (1965). Lesquels Beatles, en 1966, année de sortie de Pet Sounds, sortent Revolver, et seront apparemment sous influence Pet Sounds pour leur Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band. Au moment de la sortie de cet album, les Beach Boys, eux, seront en stase, Brian Wilson peinant (euphémisme !) à assembler Smile avec le parolier/arrangeur Van Dyke Parks, album qui ne sortira pas en temps et en heure (mais en 2004 !), et dont la gestation chaotique entraînera des soucis mentaux pour Wilson. Mais revenons à 1966 et Pet Sounds. Brian Wilson, seul dans sa villa de Californie, écoute et réécoute Rubber Soul, et n'a qu'une seule envie, faire le plus grand disque de pop de tous les temps, c'est en ces termes peu humbles qu'il l'annonce aux autres Garçons de la Plage (qui, pour certains comme le fougueux et irascible Mike Love (chanteur principal), sont pour le moins circonspects). Avec l'aide du parolier Tony Asher, Wilson compose l'album, 13 titres (pour 35 minutes) qui seront enregistrées avec moult musiciens de studio (dont Hal Blaine, batteur qui remplacera souvent le batteur du groupe, Dennis Wilson, sur les albums, vu que Wilson n'a jamais été techniquement un bon batteur), un orchestre classique, des cuivres... Les Beach Boys chantent : Brian, Mike Love, même Carl Wilson (guitare, un des deux guitaristes avec Jardine) se voit chanter une chanson, moment de gloire : God Only Knows. Laquelle est le meilleur morceau de tout le disque.

BB 5

Brian Wilson

Pet Sounds est un disque fragile, tendre, triste à en crever, assez sombre parfois, même sous des dehors de disque pop chatoyant. Don't Talk (Put Your Head On My Shoulder), par exemple, cache beaucoup de mélancolie, de tristesse, la mélodie est lente, assez hypnotique par moments (comme il est dit dans le livret CD que je possède, le rythme fait, parfois, penser à des battements de coeur), le chant est pesant, triste, résigné... pas gai. Bon, pas à se foutre une balle non plus, mais comparé à Wouldn't It Be Nice, à I'm Waiting For The Day, à Sloop John B., Here Today ou même au lent mais positif You Still Believe In Me, inutile de dire que c'est bien triste ! I Just Wasn't Made For These Times et le final Caroline No (cette chanson est, de tout l'album, la préférée de Brian Wilson) sont également peu gaies et rythmées, intérieures, et, franchement, belles. Pet Sounds cacherait donc un coeur de tristesse ? C'est quand même un peu éxagéré, on a des morceaux gais, une ambiance pop... et puis, ce disque innove, avec des gimmicks sonores (aboiements de chiens et bruit de train sur Caroline No, klaxon sur You Still Believe In Me...). Il se veut pop, littéralement, c'était la raison principale, pour Wilson, de faire ce disque, faire le plus grand disque pop au monde. Et s'il a mis un peu de lui-même dedans, et qu'il ne se sentait pas très bien moralement parlant, le plus important, dans Pet Sounds, c'est le son du disque, les sons des chansons, leur production chatoyante, spectorienne. Lyrique, aussi, des fois (l'instrumental Let's Go Away For Awhile, qui achève la face A, et qui, devait, être chanté : mais que foutre, comme paroles, sur telle maestria instrumentale ? Au sujet de ce morceau, il était la face B du single Good Vibrations de 1967, que j'ai, et j'ai découvert cet instrumental très jeune, enfant ; imaginez ma stupeur et ma joie face à ce chef d'oeuvre !), et assez psychédélique aussi (autre instrumental : Pet Sounds), parfois.

BB3

35 minutes de bonheur, voilà ce qu'offre le très fragile (on sent cette fragilité, accentuée par la voix de Wilson quand c'est lui qui chante : en effet, Mike Love chante aussi, sur Here TodayThat's Not Me) et magnifique Pet Sounds. Un disque fantastique, qui ne vous révèlera son coeur, son secret, qu'au bout de plusieurs écoutes probablement, ce n'est pas forcément le disque qui vous sera familier dès la première écoute. Personnellement, je l'avoue, la première fois que j'ai écouté Pet Sounds, alors que je connaissais déjà sa réputation depuis des lustres, je me suis demandé si cette réputation n'était pas exagérée, car tout en trouvant le disque sympa, je n'arrivais pas à le voir aussi monumental que ce que tout le monde disait à son égard. Wouldn't It Be Nice, God Only Knows (une tuerie émotionnelle qui vous fera chavirer tellement c'est beau) et Let's Go Away For Awhile m'ont directement marquées (d'autant plus que je connaissais les deux premières chansons, même si je l'ignorais : leurs titres ne me disaient pas grand chose, mais les chansons, si ! D'autant plus que Wouldn't It Be Nice fut utilisée pour une publicité Evian), mais il m'a fallu du temps pour le reste. Here Today, I Know There's An Answer (qui, à la base, s'appelait Hang On To Your Ego, les paroles furent changées, l'ancienne chanson est en bonus-track sur le CD en plus d'une version stéréo de l'album) m'ont longtemps résistées, ce n'est plus le cas maintenant. Bref, tout ça pour dire que si vous avez déjà entendu Pet Sounds mais que vous ne voyez pas en quoi ce disque est immense...patientez un peu, insistez ! Et si ça fait, en revanche, 30 ans, ou plus (ou moins), que vous le connaissez et que vous ne le voyez pas comme un monument, bon, ben, OK, arrêtez... Mais j'ai des doutes ! Au final, je dois vous faire un aveu : excepté deux-trois albums (Holland, Surf's Up et celui-ci, et Smile, aussi) et des chansons éparses, je n'aime pas ce groupe. Mais face à un tel monument, face à un tel album, l'évidence se fait : les Beach Boys étaient grands. Brian Wilson est grand. Un peu fou, certes (voir les sessions chaotiques de l'avorté Smile en 1967, quand il sera persuadé que sa chanson Fire, qui sera renommée en Mrs. O'Leary's Cow, était responsable des incendies de San Francisco...), mais grand. God only knows what I'd be without you...

FACE A

Wouldn't It Be Nice

You Still Believe In Me

That's Not Me

Don't Talk (Put Your Head On My Shoulder)

I'm Waiting For The Day

Let's Go Away For Awhile

Sloop John B.

FACE B

God Only Knows

I Know There's An Answer

Here Today

I Just Wasn't Made For These Times

Pet Sounds

Caroline No