Avec ce disque, leur quatrième et avant-dernier, The Police prend des risques. Ca n'a pas forcément été payant, vu que Ghost In The Machine, sans avoir été un bide retentissant, n'a pas marché aussi fort que les trois précédents albums, ni que leur suivant et ultime (Synchronicity, 1983). Ghost In The Machine date de 1981 et est généralement considéré, ex-aequo avec le précédent (Zenyattà Mondatta, 1980), comme le moins bon des albums de The Police. Autrefois (car cet article, comme ce fut le cas pour celui, récemment, de Zenyattà Mondatta, est une refonte d'un ancien article), j'étais plutôt de cet avis. Pire : je détestais cet album ! Ma première écoute fut épouvantable, si on excepte Invisible Sun, je n'aimais RIEN ici, des 41 minutes (pour 11 titres) de l'album. Ma seconde écoute fut à peine meilleure. Ce n'est que bien des années plus tard, en me convaincant d'acheter (pas cher) l'album en CD pour compléter ma collection des albums des flicards sous ce format (celui qui me manquait), que j'ai réussi à progressivement changer d'avis sur Ghost In The Machine. Si on excepte les deux premiers titres de la face B, pour lesquels j'ai toujours du mal, je dois dire qu'aujourd'hui, cet album est même devenu mon préféré des cinq du groupe. Et c'est en partie pour la grosse prise de risques du groupe sur ce disque.
Ghost In The Machine est en effet un disque très sombre et recherché, moins évident que les précédents. Même visuellement : c'est la première fois qu'une pochette d'album de The Police ne représente pas le groupe. Enfin, si, dans un sens, car on peut se rendre compte que les trois chiffres à cristaux liquides bugués représentent respectivement Summers, Sting (coupe en brosse) et Copeland (mèche sur le front), en symbolique, en abstrait. Certains diront aussi que si on retourne la pochette, on lit 666. C'est vrai, dans un sens, mais en y mettant du sien ! Ce n'est donc probablement pas fait exprès. La pochette est assez sobre. Au dos, si on excepte la liste des titres et les crédits, il n'y à rien. La pochette, comme pour les autres albums du groupe, ne s'ouvre pas en gatefold, elle est simple. La sous-pochette est imprimée des deux côtés par des circuits intégrés et, en incrustation, des photos des trois membres du groupe, première fois qu'ils se cachent dans la pochette au lieu de s'étaler au recto/verso ! Le titre de l'album est une allusion plus qu'évidente à l'essai du même nom d'Arthur Koestler (dont Sting, dans son adolescence, était un lecteur fidèle). C'est la première fois qu'un album du groupe n'est pas multilingue (voir les titres des trois précédents opus). Il n'y aura d'ailleurs plus de titres multilingues chez Police par la suite. Rien que ces deux choses (titre totalement anglais, pochette sans les visages du groupe) font de ce disque une 'date' par rapport aux précédents. Mais c'est surtout (évidemment) musicalement que Ghost In The Machine change la donne, du tout au tout. Comme je l'ai dit, c'est un disque sombre et complexe. Parfois ska, l'album est surtout très cold-wave, avec des climats étonnants, voir Invisible Sun, Darkness...
Il y à peu de hits sur l'album. Si trois chansons sont sur les best-ofs (les trois premières de l'album), au final, seule Every Little Thing She Does Is Magic est un vrai tube, qu'on entend encore de temps à autre à la radio. C'est la chanson la plus pop, accessible, commerciale, évidente d'un disque, sinon, franchement à part dans la discographie des poulaga. Premier album du groupe à utiliser des cuivres et des claviers, l'album a été enregistré au studio AIR à Montserrat (Antilles britanniques) et à Le Studio, à Morin Heights, au Québec. L'album est coproduit par le groupe et Hugh Padgham, c'est la première fois que le groupe bosse avec quelqu'un d'autre que leur producteur légendaire Nigel Gray. Padgham bossera encore avec eux pour Synchronicity, et a bossé aussi, notamment, avec Genesis, Phil Collins, David Bowie, Kate Bush, Elton John, Yes, Sting en solo et Paul McCartney, entre autres (Frank Zappa aussi), en tant que producteur ou ingénieur du son. Bon, parlons de l'album, musicalement parlant, maintenant. Comme je l'ai dit, trois tubes, ou plutôt, trois chansons que l'on retrouve sur les best-ofs du groupe. On a Spirits In The Material World, et son ambiance assez étrange (les sonorités, direct, changent par rapport aux anciennes chansons telles De Do Do Do, De Da Da Da ou Roxanne !), le chant de Sting est comme bidouillé, l'effet donné est très sombre... La chanson est trop courte, 3 minutes à peine (un petit peu moins en fait). La chanson sortira en single, marchera un peu. Puis Every Little Thing She Does Is Magic, qui cartonnera. Une chanson bien pop, je n'en suis pas fan, mais ce n'est pas honteux du tout. Bien au contraire. J'aurais juste aimé que la durée de ce titre (4 minutes) et du morceau précédent soient inversées... Invisible Sun, avec son intro de synthés très cold-wave, est juste géniale, très sombre aussi. Un classique un peu secondaire, mais un classique quand même. L'album démarre vraiment bien. Ensuite, on a une curiosité, Hungry For You (J'Aurais Toujours Faim De Toi), laquelle est interprétée en quasi-totalité dans la langue de François Hollande. Une curiosité, assez amusante, la prononciation de Sting étant parfois hésitante. C'est une chanson assez pop, sautillante, et que j'adore. La face A se finit sur le long (6 minutes) ska Demolition Man, la chanson la plus longue de tout le répertoire des flics. Une excellente chanson, et c'est un mec qui n'aime pas le ska qui le dit !
En revanche, deux autres skas ouvrent la face B et là, je dois dire que je ne suis pas fan : Too Much Information et Rehumanize Yourself. Surtout la deuxième, car Too Much Information, ça peut encore passer, je supporte, mais Rehumanize Yourself, désolé, je ne supporte pas. Voilà ! Après, on a un classique mineur, One World (Not Three), chanson engagée et assez reggae/ska, une vraie réussite qui clôt à merveille la partie reggae/ska de l'album. La suite (et fin) est en effet dans le style des quatre premiers morceaux de l'album. Ωmegaman, d'abord (notez le symbole ohm à la place du 'o'), est un régal sur lequel Sting est en super forme. Mais c'est surtout le couplé final qui met à genoux. Secret Journey (qui sortira en single, mais ne marchera pas du tout) est une chanson assez sombre, étrange, on imagine la stupeur des fans du groupe qui ont entendu cette chanson en 1981, ça ne ressemble pas trop à ce que le groupe faisait, ni à ce qu'ils feront par la suite. C'est excellent, ceci dit. Et surtout le final anthologique Darkness, et ses claviers sensationnels, morceau à la fois reposant et hypnotique interprété par un Sting comme apaisé. I guess I'll never wake up this morning... Cette chanson est pour moi la meilleure de l'album, devant Invisible Sun, One World (Not Three) et Spirits In The Material World. Au final, Ghost In The Machine est une réussite de plus pour The Police, et un disque scandaleusement sous-estimé. Et si ce n'est pas leur meilleur absolu selon moi (c'est le suivant), c'est mon préféré, je n'ai pas honte de le dire ! On peut comprendre son absence de réel succès, mais difficilement pardonner à ceux qui refusent de l'écouter sous prétexte qu'il n'est pas 'policier' au même sens que les quatre autres opus. Ce n'est pas parce qu'il est différent qu'il n'est pas aussi bon !
FACE A
Spirits In The Material World
Every Little Thing She Does Is Magic
Invisible Sun
Hungry For You (J'Aurais Toujours Fain De Toi)
Demolition Man
FACE B
Too Much Information
Rehumanize Yourself
One World (Not Three)
Ωmegaman
Secret Journey
Darkness