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Attention, là, on va parler d'un authentique chef d'oeuvre. Déjà, on va parler d'Ella Fitzgerald. Une voix, mais une voix... C'est bien simple, c'est une des plus grandes chanteuses de tous les temps, que ce soit dans le jazz (où elle est en concurrence avec une autre grande chanteuse, Billie Holliday) ou en général. Ce disque est une oeuvre d'art, enregistrée live à la Deutschlandhallen de Berlin (Berlin-Ouest), le 13 février 1960. Il s'appelle Mack The Knife - Ella In Berlin, et fait partie des albums intouchables de l'histoire de la musique enregistrée. Tous genres confondus. L'album est très court dans sa version vinyle (9 titres, pour environ 33 minutes), et a été réédité en 1993, par le label Verve (éditeur de l'album de base), avec...10 bonus-tracks, pour un total de 50 minutes environ (pas mal des rajouts sont courts, il n'y à réellement que quatre chansons en plus, le reste sont des interludes). Ella est ici entourée de Paul Smith (piano), Jim Hall (guitare), Wilfred Middlebrooks (double basse) et Gus Johnson (batterie), et livre ici un des concerts, si ce n'est le concert, de sa longue vie (elle est morte à l'âge de 79 ans, en 1996).  

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Performance hallucinante tout du long pour ce live très bien enregistré. La seule chose qui, à la longue, me gêne, c'est les Thank you ! Thank you ! répétés entre chaque morceau, à se demander si Ella ne voulait pas remercier personnellement chacune des personnes présentes dans la Deutschlandhallen (qui, selon les notes du verso de pochettes signées du producteur Norman Granz, pouvait contenir dans les 12 000 personnes) ! Entre ça et la partie scat de How High The Moon, qui est excellente mais définitivement trop longue, au point que j'en arrive des fois à un peu décrocher (et pour les ceusses qui ne sauraient pas ce qu'est le scat, c'est une improvisation vocale de jazz sans paroles)... A noter qu'en final de ce dernier (et long : 7 minutes) morceau, Ella chantonne deux-trois lignes du standard Smoke Gets In Your Eyes (fut repris par les Platters, et sera repris en 1975 par Gainsbourg), sans doute pour permettre à ses musiciens de savoir que le scat était achevé, et qu'il était temps de finir le morceau et le concert, étant donné que c'était le final du récital. Ce solo de scat est considéré comme le meilleur d'Ella, et même comme un des meilleurs, si ce n'est le meilleur, de l'histoire du jazz vocal. Si vous supportez plusieurs minutes de vocalises sans paroles à base de bopbadabop et de bibedep (par exemple), vous apprécierez ! Sinon, sachez que le reste de ce fabuleux live est juste à tomber le Q par terre dans une flaque d'eau. On a Summertime, The Man I Love, Lorelei, trois immenses morceaux signés George & Ira Gershwin. La version de Summertime par Janis Joplin est certes sublime, mais celle d'Ella est juste à faire frissonner tellement c'est beau. The Lady Is A Tramp, Gone With The Wind, Misty sont également de grands moments de pureté musicale, la voix d'Ella est si belle, c'est un cadeau de Dieu qu'elle a reçue, cette femme, tout simplement. LA chanteuse.

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Le meilleur passage de ce live réside évidemment dans les 4,40 minutes de Mack The Knife. Ce morceau issu de L'Opéra De Quat'Sous de Brecht et Weill est ici sublime, tout en étant, selon l'aveu même d'Ella durant le morceau, 'un naufrage' (wreck). Pourquoi ? Parce qu'Ella, dès le troisième couplet, commence à foirer son coup, à oublier des paroles, jusqu'à arriver, au quatrième couplet, à chanter Oh what's the next chorus to that song ? It is the one I don't know... Traduction, elle ne se souvient plus des paroles, elle a un trou, mais elle va dès lors, et jusqu'à la fin du morceau, improviser, sous les clameurs du public. Sans se démonter, Ella fait son autocritique (And Ella, Ella and her fellows, are making a wreck of Mack The Knife), cite les autres interprètes de la chanson (Bobby Darin, Louis Armstrong...), et parvient toujours à retomber sur ses pattes, faisant de cette version une des meilleures, en fait la meilleure, la plus belle (mais pas la plus fidèle !) de cette chanson ne pouvant être qualifiée autrement que de standard. Le fait qu'elle l'interprète en Allemagne, pays d'origine de la chanson de base, n'en est que plus fort. Sans doute était-elle sous le coup de l'émotion, ce qui a causé ce trou de mémoire. Ou bien n'a-t-elle pas suffisamment appris son texte. Ou alors était-ce volontaire (mais c'était risqué, aussi). Quoi qu'il en soit, cette version de Mack The Knife à elle seule suffit à faire de ce Mack The Knife - Ella In Berlin (l'album s'appelle justement du nom de ce morceau, pour en accentuer son importance) un disque majeur et bluffant. Alors, pour finir, si vous ne connaissez pas encore cet album, je me demande encore vraiment ce que vous attendez ? Une victoire de la gauche aux élections ? Bon, dans ce cas, OK, mais vous aurez intérêt à filer à la FNAC ou au Virgin Mégastore le plus proche dès lundi prochain, alors (n'y voyez pas d'allusions cachées, hein ; enfin, si ; euh, en fait, non ; rhôôôô, comme vous voulez) ! Ou maintenant, si ça ne vous fait rien. Bref, album quintessentiel.

FACE A

Gone With The Wind

Misty

The Lady Is A Tramp

The Man I Love

Summertime

FACE B

Too Darn Hot

Lorelei

Mack The Knife

How High The Moon