2542077941_1

On peut parler de chef d'oeuvre. Et de disque de folie pure. Queen, on peut vraiment le dire, s'est sorti les doigts du cul, pour ce disque, leur quatrième, sorti en 1975, enregistré sans aucun synthétiseur (ce qui était fièrement indiqué sur la pochette, ainsi que sur les pochettes de tous leurs albums jusqu'à Jazz (1978) inclus), mais avec une force de conviction rare. Produit par Roy Thomas Baker et le groupe, A Night At The Opera est un des meilleurs albums de l'histoire du rock, et le sommet de Queen, 43 minutes de bonheur mélangeant rock, glam, hard-rock et cabaret. Sous une pochette blanche très précieuse, fédératrice aussi, un visuel qui deviendra rapidement le logo du groupe (et sera repris en version grossière sur la pochette de l'album suivant, au code de couleurs inversé, A Day At The Races de 1976). Le titre de l'album (et de l'album suivant !) est aussi un titre de film des Marx Brothers, pour l'anecdote sans intérêt avec ce qui va suivre. La pochette montre un Q (pour Queen), avec deux vierges (signe zodiacal de Mercury), un crabe (Brian May est du signe du Cancer) et deux lions (signe zodiacal de Roger Taylor et John Deacon). Le cygne est sans doute là pour faire joli. Au sujet de la pochette, dernière chose, je me suis toujours demandé le pourquoi du comment de ce visage masqué et sans masque, dessiné en haut à gauche et en bas à droite du cartouche du verso de pochette (avec les titres des morceaux) et dans la pochette intérieure (paroles). Le visage masqué n'a rien de particulier, mais l'autre, sans le masque, est horriblement grimaçant... J'ignore la raison de la présence de ces visages, à moin que ça ne soit une allusion aux fameux masques 'rire' et 'larmes' du théâtre antique à la grecque !

42952497_p

Bon, sinon, l'album, musicalement parlant, est une bombe très hétéroclite. On a de tout, ici. Et c'est, en gros, ce qui fait la force de l'album. Il s'ouvre sur une mélodie de piano entêtante, lyrique, magnifique, qui, brutalement (quand j'étais gosse, j'ai découvert l'album à 11 ans, ça me foutait les jetons grave !), vire au doom metal, un riff bien saignant et oppressant, ambiance lourde...et, tout aussi brutalement cette intro instrumentale cesse et on passe à Death On Two Legs (cette intro est sur la plage audio de ce premier morceau, en fait), morceau très rock, du hard-rock en fait, et accessoirement une chanson en forme de diatribe contre un ancien manager du groupe, qui les avait apparemment escroqués, un truc dans ce genre. La chanson est sous-titrée (Dedicated To..., sans fermeture de parenthèse d'ailleurs, et le mec en question en prend pour son grade : You sucked my blood like a leech ('Tu m'as pompé le sang comme une sangsue'), Dog with disease ('Chien malade')... Sur le double live Live Killers, Mercury cite explicitement le mec en question, mais le nom est bipé... J'ignore le nom du mec (enfin, je ne sais plus comment il s'appelle, je l'ai su autrefois), mais une chose est sûre, il est habillé pour l'hiver avec cette chanson bien furieuse. Qui fait suite à la minute 10 secondes de Lazing On A Sunday Afternoon, chansonnette semblant parodier les chansons du début du siècle, les chansons de cabaret. Voix volontairement vieillie, comme si le morceau datait d'il y à longtemps. Enfin, on a quand même un cout et efficace solo de guitare au son typiquement queenien ! Et toujours sans transition (les morceaux, sur les deux faces, se suivent sans interruption), un bon gros riff heavy metal de malade surgit, et I'm In Love With My Car, interprétée par le batteur Roger Taylor, déboule. Une tuerie. La chanson peut sembler ridicule (l'histoire d'un mec qui se fout de tout, tant il aime sa bagnole, il me pense à rien d'autre), mais qui est foutralement efficace ! Et encore une fois, la transition avec le morceau suivant est aussi inexistante que possible, vu que le morceau suivant est le court et remarquable classique pop You're My Best Friend, un régal de douceur signé du bassiste John Deacon (chantée par Mercury, car Deacon n'a jamais chanté une broque dans le groupe, sans doute est-ce parce qu'il chante mal, allez savoir...).

QUEEN-A-Night-At-The-Opera-LP-licenca_slika_O_1489636

Pochette, extérieure et intérieure

Puis on passe à une autre douceur, folk-rock, '39. Interprétée par May (avec un peu d'aide de Taylor et Mercury dans les choeurs et passages aigus), la chanson sera, en live (Live Killers), chantée par Mercury. Contrairement à ce que son titre pourrait laisser croire, '39 ne parle pas de 1939 et de l'entrée en guerre (on y parle, en gros, de volontaires, en cette année 39, dans les paroles), mais d'un voyage spatial. L'action se déroulerait donc au moins en 2039 ! C'est May lui-même qui dit ça dans le DVD de la collection Classic Albums concernant A Night At The Opera, j'avoue que lorsque j'ai appris ça, je n'ai pas vraiment voulu y croire au départ, tant tout laisse à penser que ça parle de la Seconde Guerre Mondiale ! A peu près tout le monde pense pareil, jusqu'à apprendre la vérité. Bon, sinon, c'est une des plus belles chansons de l'album, mais aussi et surtout de Queen en général, une splendeur folk aux arrangements prodigieux. On passe ensuite à un des morceaux les plus rock et vibrants de l'album, Sweet Lady, un hard-rock efficace, un peu bourrin et trop long cependant. Un peu caricatural, ce morceau me plaît bien, mais est-ce un grand titre ? Sincèrement, je pense que c'est le moins réussi de tout l'album ! Queen en fait trop dans le genre 'hard-rock bourrin et viril', et c'est vraiment long (pourtant, seulement 4 minutes) ! Mais ce n'est pas nul du tout. Puis, enfin, on termine la face A (sept titres !) avec le court (2,15 minutes) Seaside Rendez-Vous, une sorte de pastiche de chanson de cabaret années folles. Enfin, je dis 'pastiche', mais on sent un profond respect de Mercury pour le genre, Mercury qui se permet même une ou deux phrases en français. Bonne petite chanson, pas une de mes préférées, mais c'est pas mal du tout !

Queen-queen-12479213-725-541

La face B, elle, s'ouvre sur la tuerie de l'album. Et aussi le morceau le plus long de Queen sur un album studio (si on ne compte pas le long morceau sans titre terminant Made In Heaven), avec 8,20 minutes : The Prophet's Song. La chanson est écrite par May, qui a eu l'idée du thème en faisant un rêve bizarre, alors qu'il était malade (pendant l'enregistrement de Sheer Heart Attack, May contracta une hépatite). Un rêve qui avait pour thème l'Arche de Noé et la grande marée, le Déluge. La chanson est, elle, moins précise dans son thème, si ce n'est qu'on a un prophète, un voyant, qui fait d'étranges et sinistres prédications à la foule. Une ambiance assez apocalyptique plane tout du long de ce morceau grandiose culminant dans une aria de Mercury, un passage absolument titanesque (pour les ceusses qui ne savent pas ce qu'est une aria, c'est un solo vocal). Plusieurs couches de voix de Mercury, posées les unes sur les autres. Un passage assez impressionnant (gamin, il me foutait les jetons), vocalement imposant, un grand moment de délire aussi. Le morceau progressif de l'album. On passe à Love Of My Life, ballade à base de harpe, pure splendeur qui sera un moment privilégié de partage avec le public en live. Que dire ? C'est beau. Good Company, deuxième chanson de l'album à être chantée par May, est une chanson amusante avec un ukulélé sympathique ; la chanson ne casse pas trois barreaux à une fenêtre de cellule de prison, mais c'est frais et sympa, que demander de plus ?

42952482_p

Et après, no comment, on a Bohemian Rhapsody, 6 minutes de tuerie hard-glam, avec encore une fois une aria titanesque de Mercury (pas moins de trois semaines de boulot en studio pour que l'on couche pas moins de 120 voix différentes de Mercury ! Les trois autres membres du groupe commenceront rapidement à parler, entre eux, de la chanson en l'appelant le truc de Freddie...), des changements de rythmes haletants. A l'arrivée, une des meilleures chansons du groupe et de l'album (non, vraiment ?), une des chansons préférées des fans de rock et une des plus diffusées à la radio. Le clip utilisera la fameuse photo de pochette de Queen II (de Mick Rock) et en live, le passage central de l'aria sera diffusé sur scène, vu qu'il était impossible de le reproduire en concert ! Un morceau tuant. Et on finit sur l'instrumental de 1 minute et des couillettes, God Save The Queen (tout concert de Queen, invariablement, qu'il pleuve, vente, neige ou fasse beau, que le gouvernement du pays d'accueil du concert soit de gauche ou de droite, que Mercury ait ou non bouffé de l'ail avant de monter sur scène, que vous ayez 20 ou 50 ans à l'époque du concert, etc - on peut continuer comme ça longtemps - tout concert de Queen, donc, se terminera invariablement par ce morceau, généralement une bande audio studio, et pas le groupe en train de jouer). C'est une adaptation glam-rock de l'hymne britannique, évidemment. Simple, mais grandiose, et quel final ! Pour finir...mais vous le savez déjà, hein, qu'A Night At The Opera est un disque essentiel, non ?

FACE A

Death On Two Legs (Dedicated To...

Lazing On A Sunday Afternoon

I'm In Love With My Car

You're My Best Friend

'39

Sweet Lady

Seaside Rendez-Vous

FACE B

The Prophet's Song

Love Of My Life

Good Company

Bohemian Rhapsody

God Save The Queen