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Après la tournée de promotion de Communiqué, Dire Straits entre en studio, en juin 1980 (et il y restera jusqu'en août), pour enregistrer son troisième album, qui sortira mi-octobre. Durant les sessions, vers leur fin d'ailleurs, le groupe se sépare de David Knopfler (guitare rythmique et frangin du leader Mark), qui partira ensuite faire une assez discrète carrière solo et ne reviendra plus dans le groupe. Motif ? Des brouilles, de la tension entre lui et son grand frère. C'est un groupe désormais trio (John Illsley le bassiste et Pick Withers le batteur sont toujours là, et Illsley sera toujours là, d'ailleurs) qui achève le disque (Knopfler réenregistrera les parties de guitare de son frangin). Enregistré à New York aux Power Station Studios, l'album a été enregistré avec la participation amicale, aux claviers, de Roy Bittan, claviériste du E Street Band de Bruce Springsteen et Sid McGinnis (non-crédité) à la guitare additionnelle. Produit par Mark Knopfler et Jimmy Iovine, il s'appelle Making Movies, le titre vient des paroles d'une des chansons de l'album, chansons qui sont au nombre de 7, pour un total de 38 minutes. Le titre est une allusion à l'univers du cinéma (dans le livret de la réédition CD 1996, les notes de pochette conçues pour l'occasion disent que, toujours sur ce thème, les chansons de l'album semblent toutes être des petits scénarii de films qui attendent leur réalisateur), et sa pochette aussi : minimaliste encore une fois, identique recto comme verso (avec juste la bande bleue dans l'autre sens), elle est toute rouge avec une bande bleue verticale sur le bord, sur laquelle le titre de l'album et le nom du groupe sont indiqués. Le tout est fait pour ressembler à un clap de cinéma. La sous-pochette qui propose les paroles et trois photos individuelles des membres du groupe est du même bleu que la bande sur la pochette. 

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Gros, très  gros succès commercial à sa sortie, l'album sera également très bien reçu par la presse (un rock-critic dira que si Making Movies était un film, il récolterait une moissons d'Oscars) et montre une nouvelle direction pour Dire Straits : en avant toute, direction les USA. Emballé par la production du Easter de Patti Smith, Knopfler engage ici celui qui a produit l'album, Iovine, et veut, pour ce troisième cru studio, des sonorités à l'américaine. Ce qui est clairement le cas, l'album sonne plus pop, plus rock, plus ricain, comme si on avait affaire à un groupe originaire de New York plutôt que de Londres. Ca fait même un petit peu putassier par moments, le groupe a sorti deux albums très très réussis, mais qui n'ont pas forcément dû être des triomphes aux USA (le premier album, je l'ai déjà dit, a mis un certain temps à décoller ; le deuxième album a marché plus fort plus vite, en revanche), et le but est clairement de cartonner et de remplir les radios U.S. et même du monde entier avec des hits. Il y en aura deux, ici, les deux premières chansons : Tunnel Of Love (8 minutes inoubliables sur une virée nostalgique en fête foraine) et Romeo And Juliet, ballade magnifique, inoubliable aussi, de près de 6 minutes, chanson la plus connue de l'album probablement. En live, le morceau sera par la suite sublimé, dans d'assez longues versions (proches des 10 minutes), par un saxophone. On trouve aussi un troisième single, sur l'album, moins connu, absent des best-ofs, Skateaway, chanson dont est issu le titre de l'album (à noter cependant que Making Movies est ausi le titre d'une chanson issue des sessions mais n'ayant jamais été placée sur un album), un morceau de plus de 6 minutes achevant la face A (toute la première face est donc sortie en single), très réussi, mais qui n'a pas été un aussi franc succès que les deux autres tubes de l'album.

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Making Movies offre donc une face A tubesque est totalement réussie, seulement 3 titres, mais il faut voir lesquels. La face B offre, elle, 4 titres, et est une autre paire de manches. On y trouve deux morceaux très réussis et deux morceaux que, personnellement, je déteste. Comme j'ai abordé la face A dans l'ordre, autant faire de même avec la B, qui s'ouvre sur l'excellent Expresso Love, morceau qui aurait pu être un tube, aurait pu sortir en single, ce ne fut donc pas le cas, et on peut s'étonner de pareil choix. C'est un des morceaux les plus, disons, 'américains' de l'album, grâce notamment au piano martelé de Bittan, et on y trouve un rythme assez effréné. C'est vraiment excellent. Mais pas autant que le morceau suivant, le délicat et sublime (mon morceau préféré ici, je pense, devant Tunnel Of Love) Hand In Hand, chanson que je trouve assez méconnue (il faut connaître l'album pour la connaître, ce n'est pas un hit), mais qui est vraiment splendide. Hélas, après ce coup d'éclat, l'album se casse la gueule. D'abord avec Solid Rock, morceau que le groupe jouait déjà live en fin de tournée Communiqué, un morceau très direct, brut de pomme, basique...banal, aussi, et que j'ai toujours trouvé absolument abrutissant et énervant. A la rigueur, en live, car le morceau se prête bien à l'ambiance des concerts, mais en studio, très bof... Heureusement, ça ne dure que 3 minutes. Et en final, Les Boys (se prononce 'less boys'), chanson calme, à l'atmosphère fin de nuit dans les bas-fonds munichois, chanson sur des homosexuels s'égaillant en night-clubs, chanson que le groupe interprétait aussi, déjà, en live juste avant l'album il me semble. Caricatural (évidemment, on y cite Jean Genet), un peu ridicule, ce morceau n'a, avec son ambiance totalement en décalage avec le reste de l'album, rien à faire là, surtout en final d'album. Making Movies est donc un très bon opus (j'ai mis du temps à pleinement l'apprécier) mais, quand même, il se termine bien mal, et je trouve que le groupe perd un peu de sa personnalité à vouloir faire un disque à l'américaine. L'album suivant sera moins 'putassier' tout en étant dans l'air de son temps, une parfaite synthèse de ce que le groupe pouvait, alors, faire de meilleur. J'en reparle bientôt !

FACE A

Tunnel Of Love

Romeo & Juliet

Skateaway

FACE B

Expresso Love

Hand In Hand

Solid Rock

Les Boys