En 1990/1991, Alain Bashung a besoin d'un peu de succès. Son précédent album, Novice, sorti en 1989, chef d'oeuvre de cold-wave et de rock industriel sous influence Joy Division, n'a hélas pas remporté de succès, il passera inaperçu, tout comme le single Bombez ! (pourtant assez dansant) qui en est issu. Bashung décide donc, avec son nouveau parolier Jean Fauque (qui marquait sa première collaboration avec Novice), de faire un disque plus commercial et grand public. Ayant toujours été un grand fan de rock'n'roll et de musique country, il décide d'enregistrer son nouvel album, qui sortira en 1991, à Memphis, aux fameux Ardent Studios où furent enregistrés les albums de ZZ Top, Big Star (Jody Stephens, batteur de Big Star et actuellement le dernier membre du groupe à respirer encore, est même devenu quasiment patron d'Ardent Studios), entre autres. Eddy Mitchell aussi a enregistré des disques dans cette ville emblématique pour le rock (Elvis, toussa), Jauni Alité aussi. Pourquoi pas le Bash' ? De plus, il s'entoure de quelques musiciens immenses, les guitaristes Sonny Landreth et Bernie Leadon (ex-Flying Burrito Brothers, ex-Eagles) pour ne citer que les plus connus. L'album sera accouché à la fois à Ardent et aux studios ICP de Bruxelles (certains titres, notamment Madame Rêve et Kalabougie, ne correspondaient pas trop aux studios Ardent et à Memphis, et furent enregistrés sur le Vieux Continent, donc), et sortira sous une fameuse pochette signée Mondino, sur laquelle on voit un Bashung au sol, avec une belle jeune femme torse nu le mitraillant de photos (des polaroïds plein le sol). Au dos du livret, plein de polaroïds représentants Bashung, la jeune femme, une belle guitare. L'album s'appelle Osez Joséphine et est aussi court (pour 1991, époque où le CD est définitivement roi, 39 minutes, c'est court) que fabuleux.
C'est bien clair, même si je ne le rentre pas dans les 5 meilleurs opus studio de Bashung, Osez Joséphine est un grand cru, sans doute le sixième meilleur opus du chanteur (et son huitième album studio, par ailleurs). Certains le foutent dans les 5 meilleurs, et pourquoi pas ? Mon classement est, après tout, tout ce qu'il y à de personnel. Mais retour sur l'album. Boosté par un single du feu de Dieu (la chanson-titre, au clip remarquable tourné au Cirque d'Hiver, voir photo ci-dessus), Osez Joséphine est un chef d'oeuvre qui propose 11 titres, dont 4 reprises (en anglais) : Well All Right (de Buddy Holly), Blue Eyes Crying In The Rain (chanson country lacrymale chantée notamment par Willie Nelson, et que Bashung a enregistré à ICP, Bruxelles), She Belongs To Me (de Bob Dylan) et Nights In White Satin (des Moody Blues, enregistrée à ICP, Bruxelles). La reprise des Moody Blues, qui achève le disque, est une tuerie dans le genre dépouillé : une guitare et pedal-steel (de Kevin Mulligan pour les deux), une basse (de Nicolas Liszman), la voix éraillée de Bashung... Grands frissons le long du corps, pendant les quasiment 5 minutes du morceau (le plus long avec l'atmosphérique, enchanteur et incroyable Madame Rêve, aussi enregistré à ICP, de la même durée de 4,50 minutes, et situé juste avant). Les autre reprises sont classiques, mais vraiment bien troussées, même si je ne peux m'empêcher de sourire en entendant Bashung chanter Well All Right. L'album est très rock/country dans l'âme, dès le premier titre, J'Ecume (fait à Memphis). La suite est infernale, une succession de merveilles absolues, Volutes (je me demande en revanche pourquoi l'édition CD la plus récente propose un remix de 1992 plutôt que l'originale de 1991...), Happe, le blues terminal Les Grands Voyageurs, le tétanisant et cultisisme (et trop court, moins de 3 minutes) Osez Joséphine, qui furent aussi été enregistrées aux States. En revanche, Kalabougie, probablement le morceau le moins fort de l'album (mais qui est tout de même très sympa et bon) et le sommet du disque, l'incomparable, l'irremplaçable, le grandiose et enivrant Madame Rêve ont été faits à Bruxelles.
On est ici en présence d'un disque majestueux, une réussite quasi-totale (Kalabougie) dans le registre de la country française, de la chanson française. La production est grandiose, les chansons, originales ou reprises, sont excellentes, les classiques abondent (Madame Rêve, Nights In White Satin, Volutes, la chanson-titre, J'Ecume), les textes de Fauque (mais pas que de lui) sont superbes, l'interprétation est, tant vocale qu'instrumentale, totalement parfaite... Seul reproche, la courte durée de l'album et de certains morceaux, comme cet Osez Joséphine génial mais qu'on aurait aimé plus étendu. Mis à part ça, l'album, dont le succès sera immense, marque bien le retour de Bashung sur la voir du succès, la suite sera sans appel : Bashung est un des artistes français majeurs des années 90, Chatterton (qui est sur la même voie qu'Osez Joséphine) et surtout Fantaisie Militaire le prouveront. Un des essentiels de l'Alsacien.
J'Ecume
Volutes
Happe
Well All Right
Les Grands Voyageurs
Blue Eyes Crying In The Rain
Osez Joséphine
Kalabougie
She Belongs To Me
Madame Rêve
Nights In White Satin
Par contre, petite précision : (surtout celle des Moody Blues, que Bashung interprétera toujours en live par la suite - ou en tout cas, très souvent). : NON ! juste sur la dernière tournée, et encore pas sur toutes les dates ! (Olivier et moi n'y avons pas eu droit à Rouen, par exemple !)