Encore un petit peu de Jacques Higelin, il en reste sur le plateau, vous n'allez pas me laisser ça, tout de même ? Bon, OK, j'avoue, il en reste un gros bout, vraiment un gros bout à se risquer une indigestion, mais c'est tellement bon, en même temps, que moi, l'indigestion, je suis prêt à me la payer séance tenante. Parce que ce que je vais aborder aujourd'hui (ou plutôt, réaborder, mais l'ancienne chronique était vraiment pas terrible...), c'est un live qu'Higelin a sorti en 1981, et qui fut enregistré le 1er janvier de la même année au Théâtre Mogador, Paris. Un live qui, forcément, s'appelle A Mogador. La version CD, honteuse comme c'est pas permis mais je vais y revenir plus bas, s'appelle Hold Tight - A Mogador. Long de 110 minutes à peu près, ce live était, en vinyle, triple (double CD depuis), et Higelin est entouré de musiciens franchement fabuleux : Mickey Finn (qui bossera longuement avec Nino Ferrer, et ce, déjà bien avant ce live d'Higelin) et Simon Boissezon aux guitares, Norman Kerr à la basse, Michael Suchorsky (qui joua avec Lou Reed) et Michel Santangelli aux batteries, Dominique Mahut aux percussions, Franck Wuytz aux claviers (Higelin est au piano, un peu de guitare, du korg), Alain Guillard au saxophone et son frangin Yvon à la trompette, et Denis Van Hecke au violon électrique. Bien que triple, ce live ne contient que 10 titres plus une Présentation Des Musiciens de presque 3 minutes. "Morceau" le plus court ici, de terriblement loin, si loin que je ne le vois même plus, et le deuxième morceau le plus court dure 5 minutes. Vous vous doutez bien, si vous ne connaissez pas encore ce live, que les morceaux son, dans l'ensemble, très longs, et vous avez raison !
Mythique et franchement génial, A Mogador est sorti dans une pochette blanche et épaisse, non-ouvrante, avec trois sous-pochettes illustrées de photos (au verso) et ornées (au recto) d'une variante, monochrome, de la photo retouchée du visuel principal. La photo ci-dessus, celle du verso de pochette, vous en propose des vignettes. Un artwork pas spécialement sublime, mais original, qui sera totalement flingué pour la version CD de 1991 (l'album n'a pas bénéficié d'une réédition, c'est toujours la version 91 qui est vendue), visuel plus bas et anciennement visuel principal de l'article, qui montre la photo retouchée telle qu'elle apparaît sur la seconde sous-pochette (en rouge, donc), sur un fond bleu tellement criard que le contraste entre le fond bleu et le rouge d'Higelin fait mal aux yeux. Le genre d'association de couleurs vives qui filent limite des illusions d'optique. Aucun livret dans le gros boîtier double CD, même pas un insert, non, rien. Ce qui est ahurissant, déjà. Mais le pire réside dans deux choses : l'album a été moyennement remastérisé, il sonne très bien en vinyle, mais pas terrible en CD, les interventions vocales d'Higelin, nombreuses (pour lui, ce live, c'est un peu comme le Take No Prisoners de Lou Reed : il parle, parle, parle...), sont parfois difficilement audibles. Et l'ordre des morceaux est celui de la version K7, qui place Irradié en avant-dernière position, alors que logiquement, il devrait ouvrir le second CD. Pour la K7, c'était à cause d'un manque de place, rapport au format, que ce fut modifié. Pour le CD, tout aurait dû revenir dans l'ordre, car rien ne l'empêchait, mais non, c'est l'agencement K7 qui fut pris, ce qui est une hérésie. Bref, à tout prix, n'écoutez ce live qu'en vinyle.
Sinon, pour le contenu ? A Mogador est un renversant live, qui montre un Higelin au sommet de son art : drôle, généreux, spirituel, inventif, original, poétique et rock, tout en même temps. Higelin livre des versions parfois très très étendues de quelques unes de ses meilleures chansons, chaque album, de BBH 75 à Caviar Pour Les Autres, est représenté. On a notamment un Paris-New York/New York-Paris de 21 minutes (toute la dernière face) qui suscitera l'admiration ; un Je Veux Cette Fille de 16 minutes (toute la face C) dans lequel Higelin va broder, pendant des minutes, une histoire hallucinante et très imagée, à la limite du vulgaire, sur un passage de la chanson qui, à la base, dans la version studio, est infime ; un Banlieue Boogie Blues de 12 minutes (trois fois plus que la version studio, tout de même) absolument dantesque (le passage sur les loups solitaires est l'occasion, pour Higelin et ses musiciens, de hurler à la lune comme des coyotes, jusqu'à ce qu'Higelin ne gueule couchez !) ; 11 minutes de Géant Jones, 10 du Minimum étiré ici au maximum, un Hold Tight de 7 minutes génial et drôlissime en ouverture, un délire total de presque 10 minutes sur Mama Nouvelle Orléans... Seul regret, l'absence de Champagne, Pars, L'Amour Sans Savoir Ce Que C'Est, Alertez Les Bébés !, autant de morceaux géniaux qui n'ont pas été interprétés ce soir-là à Mogador (les deux derniers cités ne devaient pas être souvent joués, de toute façon, et surtout le dernier cité). Mais leur absence n'est passi regrettable que ça, malgré qu'ils soient géniaux, parce qu'on n'a pas le temps de les regretter durant les presque deux heures de ce live dantesque. Tout est parfait, on notera notamment une face D (Irradié et Le Minimum) grandiose. Bref, on tient ici un live parfait, un des meilleurs de la chanson française, peut-être le meilleur d'Higelin (celui de Bercy 86 et du Rex 92 sont aussi totalement recommandés), et vous avez compris, oubliez le CD, prenez le vinyle, surtout qu'on le trouve (d'occasion), souvent, pour des prix vraiment donnés !
FACE A
Hold Tight
Banlieue Boogie Blues
FACE B
Mona Lisa Klaxon
Mama Nouvelle Orléans
FACE C
Je Veux Cette Fille
FACE D
Irradié
Le Minimum
FACE E
Tête En L'Air
Géant Jones
Présentation Des Musiciens
FACE F
Paris - New York/New York - Paris
Edition CD :
CD 1
Hold Tight
Banlieue Boogie Blues
Mona Lisa Klaxon
Mama Nouvelle Orléans
Je Veux Cette Fille
CD 2
Le Minimum
Tête En L'Air
Géant Jones
Présentation Des Musiciens
Irradié
Paris - New York/New York - Paris