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Quand on parle des Rolling Stones, c'est souvent pour dire que c'est un des plus grands groupes de rock au monde, et probablement, parmi tous ceux qui sont à l'heure actuelle actifs, celui qui tient le coup depuis le plus grand nombre d'années (pendez donc : fondé en 1963, le groupe est toujours là, avec trois des membres originaux toujours actifs, et avec un quatrième là depuis 1975). Oui, les Cailloux sont un des plus grands groupes de rock au monde, si ce n'est même le plus grand (juste devant les Beatles). Et ce groupe (les Stones) a offert au monde entier une légion entière de classiques, aussi bien des chansons (Paint It, Black, (I Can't Get No) Satisfaction, Jumpin' Jack Flash, Start Me Up, Angie, Tumbling Dice, Brown Sugar, Gimmie ShelterSympathy For The Devil, 20,000 Light Years From Home, Under My Thumb, need I say more ?) que des albums (Let It Bleed, Sticky Fingers, Exile On Main St., Beggars' Banquet, Aftermath, Tattoo You, Some Girls). Mais le groupe a aussi offert des albums nettement moins glorieux, tous dans les années 80. De 1980 (Emotional Rescue) à 1986 (Dirty Work), en exceptant Tattoo You (1981), les albums du groupe, dans la décennie 80, sont franchement médiocres. Rajoutons à cela Bridges To Babylon en 1997. Et à la rigueur, leur premier opus, entièrement constitué de reprises, et pas franchement immense.

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Intérieur de pochette 

Mais il y à aussi deux, voire trois albums que la majorité des gens rajoutent dans la liste des mauvais Stones : Goats Head Soup de 1973, It's Only Rock'n'Roll de 1974 (les deux derniers albums avec le guitariste Mick Taylor) et Black And Blue, de 1976 (enregistré en 1975). Trois albums en effet moins forts que la série monstrueuse 1968/1972 (tout de Beggars' Banquet à Exile On Main St.), ces albums légendaires produits par Jimmy Miller et qui constituent clairement le sommet stonien. Mais ces trois disques sont tout de même remarquables. J'ai eu l'occasion dernièrement de réhabiliter Goats Head Soup (dernier album produit par Miller, un disque franchement remarquable) et It's Only Rock'n'Roll (premier album produit par Keith Richards et Mick Jagger, alias les Glimmer Twins, un disque un peu inégal, en effet, mais tout de même très réussi), place maintenant, pour cette chronique/refonte (une ancienne avait déjà été faite en 2010 sur le blog), à Black And Blue. Il y à des choses à dire, sur ce disque mal-aimé. D'abord que pour la majorité, voire la totalité des fans du groupe, le déclin des Stones commence réellement là (pour eux, It's Only Rock'n'Roll est une sorte de prémice au déclin), et que plus rien, malgré un Some Girls monstrueux en 1978, ne sera pareil par la suite. Black And Blue est aussi le premier album du groupe, depuis 1969 et Let It Bleed, à ne pas durer très longtemps (de Sticky Fingers à It's Only Rock'n'Roll, les albums studio du groupe font de 47 à 48 minutes, et même 67 pour le double Exile On Main St.), il ne dure que 41 minutes, pour 8 titres. Et juqu'à Steel Wheels (1989) qui sera le premier album du groupe à utiliser à bon escient le format CD (53 minutes), les albums du groupe ne dépasseront pas cette durée, en moyenne. Mais Black And Blue, surtout, marque l'entrée, dans le groupe, d'un nouveau guitariste, qui remplace Mick Taylor (parti en 1974 pour on ne sait quelles raisons, il était souvent assez dans sa bulle, selon les dires de Keith Richards) : Ron Wood, qui est toujours là.

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Pochette dépliée 

Mais si Woody a les honneurs de la pochette (voir plus haut), il ne joue pas sur tout le disque. En 1974/75, le groupe cherche un nouveau gratteux, pour remplacer Taylor, et avant de jeter son dévolu sur l'ancien bassiste du Jeff Beck Group et guitariste des Faces (et de Rod Stewart, chanteur de ces deux groupes), les Stones font d'abord passer des essais à Harvey Mandel et Wayne Perkins, qui jouent, aussi, sur certains des 8 titres de Black And Blue. Album enregistré en quasi-totalité aux studios Musicland de Munich (RFA), le même studio ayant servi à faire le précédent album (et que Led Zeppelin utilisera, tout juste avant les Stones, pour leur Presence, qu'ils enregistreront rapidement parce que les Stones avaient réservé le studio). Sauf un titre, Melody, fait à Rotterdam (avec leur studio mobile). L'album sort sous une pochette on ne peut plus simple après celles des précédents opus : une simple photo du groupe, de face ou de profil, parfaitement symétrique : Wood de profil, Watts en retrait, Jagger en avant, au centre (la pliure de la pochette lui bouffe le visage), Wyman en retrait, Richards de profil, profil inversé par rapport à Woody. Sur fond bleu, photo prise sur une plage, comme la photo interne. Le titre de l'album est à la fois une allusion aux divers chemins musicaux qu'empruntent le groupe (influence de la musique black et du blues), mais est aussi un raccourci de l'expression to beat somebody black and blue ('tabasser violemment quelqu'un'). D'ailleurs, une affichette promotionnelle représentant une femme attachée, couverte de bleus, et disant les Stones m'ont foutue Black And Blue, et j'adore ça ! sera censurée. L'album sortira en 1976, soit deux ans après It's Only Rock'n'Roll. Mais les Stones l'ont fait en 1974/75, comme je l'ai dit, et s'ils ont retardé la publication, c'est qu'entre temps, ils préfèreront sortir la compilation Made In The Shade, qui résume bien la période 1971/74.

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L'album sort, et sera assez rapidement démonté par les critiques, qui n'avaient déjà pas été tendres avec les deux précédentes livraisons. On reprochera au disque d'être sans surprise, sans éclat. Pourtant, Black And Blue, sans innover (et encore... les Stones s'essayent vraiment aux musiques noires et exotiques, ici, comme le funk, le reggae, la soul, le jazz), est loin, très loin d'être mauvais. On peut dire sans exagération que Cherry Oh Baby, chanson la plus courte (un petit peu moins de 4 minutes), est de loin le ratage de l'album. C'est un reggae assez exaspérant, un peu comme Luxury sur le précédent opus, et même moins réussi encore. Mais si on excepte ce titre, le reste, franchement, sans exploser les plafonds, est tout sauf honteux. On a un Hot Stuff grandiose, funky, groovy, dansant en intro, et rien que ce morceau fait que je me réécoute assez souvent, et toujours avec plaisir, l'album. Un de mes morceaux préférés des Stones de leur période 1975/..., clairement. Hand Of Fate et Crazy Mama sont des rocks tenaces, efficaces, vraiment jouissifs, tandis que niveau ballade, on a deux belles chansons un peu négligées, Fool To Cry (qui sera pourtant un beau succès en single) et surtout le long (7 minutes, le morceau le plus long ; et encore une fois, on tient ici un disque qui offre coup sur coup sa chanson la plus courte et la plus longue, à la suite, chose assez fréquente, comme si les groupes faisaient exprès ; je le dit assez souvent, d'ailleurs, dans mes chroniques) Memory Hotel, une montée en puissance inoubliable et par trop méconnue. Melody, sous inspiration du claviériste Billy Preston comme indiqué sur la pochette, est une belle chanson jazzy, étonnante et qu'il faut écouter plusieurs fois pour vraiment l'apprécier, tandis que Hey Negrita (sous inspiration de Ron Wood, comme indiqué sur la pochette), un peu mineure il est vrai, est quand même bien sympathique. Oui, dans l'ensemble, seule Cherry Oh Baby déçoit TRES fortement l'auditeur. Pour celle-là, c'est clair que c'est mauvais.

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Black And Blue n'est pas le sommet stonien, c'est sûr, mais ceux qui en parlent comme d'un ratage ne l'ont sans doute pas écouté, ou alors juste une fois, comme ça, et ne se souviennent pas de son contenu. Ou alors, mauvaise foi totale. Non, franchement, si on le compare aux albums de la période 1980/1986 (sauf Tattoo You, hein, qui est génial), c'est clairement d'un tout autre niveau. Oui, je sais que je vais chercher les pires albums du groupe, mais c'est histoire de dire que, non, Black And Blue n'est pas raté. Il est un peu secondaire, il déçoit après les feux d'artifices auxquels le groupe nous avait habitués depuis 1967 (10 parfaites années), et l'album suivant, le premier sur lequel Ron Wood sera totalement impliqué, Some Girls de 1978, est nettement supérieur, Tattoo You de 1981 aussi. Mais, franchement, ce disque est quand même très très bon, et bien peu nombreux sont les groupes dont les meilleurs albums sont du niveau de ce disque secondaire ! Ne soyons pas trop méchants avec ce disque au demeurant un peu classique, pas parfait, mais contenant au final bien plus de belles chansons que de mauvaises (une seule est vraiment à jeter). Oui, ce disque, vraiment, mérite plus de respect et d'affection que ce qu'il récolte généralement depuis sa sortie !

FACE A

Hot Stuff

Hand Of Fate

Cherry Oh Baby

Memory Hotel

FACE B

Hey Negrita

Melody

Fool To Cry

Crazy Mama